Flavescence dorée : la réglementation évolue
Début 2021, un nouvel arrêté de lutte contre la flavescence dorée et son agent vecteur devrait être publié. Des discussions sont encore en cours sur certains points importants pour les viticulteurs et les pépiniéristes.
Début 2021, un nouvel arrêté de lutte contre la flavescence dorée et son agent vecteur devrait être publié. Des discussions sont encore en cours sur certains points importants pour les viticulteurs et les pépiniéristes.
Un nouvel arrêté de lutte contre la flavescence dorée et son agent vecteur devrait être publié début 2021, remplaçant l’arrêté de 2013. « Cet arrêté doit prendre en compte les évolutions récentes de la réglementation européenne en santé des végétaux, notamment le règlement d’exécution (UE) 2019/2072 qui précise les conditions de circulation du matériel végétal, explique Jacques Grosman, de la Draaf-Sral Auvergne-Rhône-Alpes, expert national viticulture pour la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Un projet de texte, qui sera soumis à consultation du public et consultation formelle du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV), a été préparé dans le cadre de groupes de travail réunissant les professionnels, les organismes officiels et la recherche. » Au niveau européen, le nouveau règlement classe les pathogènes en Organismes de quarantaine, Organismes de quarantaine prioritaires, Organismes de quarantaine de zone protégée et Organismes réglementés non de quarantaine. La flavescence dorée est maintenue en Organisme de quarantaine. Le contenu et le format du Passeport phytosanitaire sont désormais harmonisés au niveau européen.
Les pépiniéristes ont désormais la charge des contrôles de vignes mères
Au niveau français, FranceAgriMer devient l’autorité compétente pour la délivrance du passeport phytosanitaire qui garantit que les végétaux sont exempts d’organismes nuisibles de quarantaine et satisfont aux dispositions en matière d’organismes réglementés non de quarantaine (certification du matériel de multiplication). Autre point : les pépiniéristes deviennent des Opérateurs professionnels autorisés (OPA) ayant la charge d’autocontrôler les vignes mères et pépinières, avec la nécessité de formation, plans de gestion des risques et d’autocontrôle, envoi de documents à FranceAgriMer… « En ce qui concerne les conditions de circulation du matériel de multiplication pour la délivrance du passeport phytosanitaire, le règlement actuel ne donne pas de distances de surveillance autour des vignes mères de porte-greffes et greffons et des pépinières, précise Jacques Grosman. La France voudrait que des distances soient fixées et qu’elles soient les mêmes pour tous les États membres. » Autre nouveauté au niveau européen : si la maladie est détectée dans une vigne mère ou son environnement (distance à préciser), il n’y aura plus de quarantaine sur la vigne mère mais, pendant deux ans, les boutures qui en sont issues devront être traitées à l’eau chaude.
Responsabiliser les professionnels sur la surveillance
Une autre évolution importante porte sur la surveillance de la flavescence dorée dans le vignoble. Les périmètres de lutte obligatoire deviennent des « zones délimitées », où il y a une surveillance officielle, incluant des zones tampons sur 500 m minimum, et où sont mis en place des plans de gestion des foyers de flavescence dorée. Le reste du territoire (Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Grand Est et en grande partie Bourgogne, Auvergne Rhône-Alpes et PACA) devient « zone exempte », avec obligation de surveillance pluriannuelle pour confirmer ce statut de zone exempte. Les modalités de cette surveillance officielle font l’objet d’une instruction technique. « Une proposition en discussion pour la surveillance dans les zones délimitées est que ces dernières soient surveillées sur une période maximale de 5 années, indique Jacques Grosman. Il y aurait en France une volonté de maintenir un suivi officiel tel que réalisé par les Sral et la Fredon. Mais la surveillance demandera la mobilisation de tous, en zone exempte comme dans les zones délimitées. »
Des évolutions prévues pour les traitements
Autre évolution, pour rendre plus efficace la gestion des vignes en friche : l’arrachage des vignes non cultivées dans les zones délimitées ne sera plus obligatoire que si la vigne est à moins de 250 m d’un foyer de flavescence dorée ou d’une vigne-mère, éventuellement sur la base d’une analyse de risque. Des évolutions sont également prévues sur les traitements. Les alternatives aux insecticides validées par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pourraient désormais être envisagées. Une autre proposition porte sur le traitement à l’eau chaude des plants. Pour la zone exempte, les plantations ne pourraient se faire qu’avec des plants dont les boutures sont produites en zone exempte ou traités (plants ou boutures) à l’eau chaude. « Dans les zones très infectées, il n’y a pas forcément d’intérêt à utiliser des plants traités à l’eau chaude, estime Jacques Grosman. Ces plants peuvent par contre être intéressants dans les zones en cours d’assainissement, notamment. Les préfets, après consultation des professionnels, pourraient décider de les rendre obligatoires. »
Possibilité de plants bio traités à l’eau chaude
Autre nouveauté : le projet d’arrêté rend possible la production de plants bio, point important avec la mise en application au 1er janvier 2022 du nouveau règlement bio européen qui oblige à utiliser des plants bio en viticulture biologique, avec dérogation possible jusqu’en 2035. Le Pyrévert, seul insecticide autorisé en bio, sera désormais utilisable dans les vignes mères des zones délimitées et dans toutes les pépinières. En complément, les plants ou boutures devront être traités à l’eau chaude. « Le nouvel arrêté va dans le sens de l’évolution des pratiques et de la baisse des intrants, souligne Jacques Grosman. La filière devrait pouvoir s’y adapter. La mobilisation attendue des professionnels pourrait aussi être un tremplin pour anticiper ce qui pourrait se passer avec la bactérie émergente Xylella fastidiosa. »
à suivre
D’autres évolutions à venir
Un règlement européen sur la stratégie d’enrayement de la flavescence dorée est en cours de discussion au niveau du Comité phytosanitaire européen. Cette stratégie pourrait être adoptée dans les régions où l’éradication est considérée comme impossible. Les règles de cette stratégie ne sont toutefois pas encore fixées.
Trouver des moyens de lutte alternatifs en bio
En Agriculture biologique, le seul produit homologué sur vigne contre Scaphoïdeus titanus est le Pyrévert (pyrèthres naturels), produit très efficace mais non sélectif, coûteux et qui agit par effet choc. Depuis 2015, Agrobio Périgord mène donc des essais pour trouver des alternatives au Pyrévert et/ou augmenter son efficience. « Au-delà des Plans de lutte obligatoire, l’objectif est de réduire les populations de cicadelle pour limiter le risque de contamination par la flavescence dorée, avec un produit plus intéressant au plan environnemental et économique que le Pyrévert ou avec un produit complémentaire permettant de diminuer les doses de Pyrévert », précise Thomas Suder, d’Agrobio Périgord. Les pistes les plus prometteuses pour l’instant sont le BNA Pro (hydroxyde de calcium), aussi coûteux toutefois que le Pyrévert dans les conditions actuelles d’utilisation, l’argile Sokalciarbo WP (argile kaolinite calcinée) et les produits à base d’huile essentielle d’orange (Prev-Am, Prev-Am Plus). Les essais vont se poursuivre pour confirmer leur intérêt. Des méthodes culturales complémentaires sont aussi testées, comme le retrait et le brûlage des bois de taille, l’élimination des piquets de palissage en bois, des gourmands et des rejets de porte-greffe ainsi que la réalisation d’épamprages.
Témoignage : Hélène Thibon, viticultrice bio en Sud-Ardèche
« Le risque est de voir un fossé se creuser entre les zones »
« En Sud-Ardèche, les premières contaminations avérées à la flavescence dorée, qui provenaient de plants infestés en pépinière et détectés tardivement, datent de 2016. Depuis, la maladie s’est beaucoup étendue. En 2020, grâce au Cellier des Gorges de l’Ardèche qui a pris en charge l’organisation de la prospection, les communes de Saint-Marcel d’Ardèche, Saint-Just d’Ardèche et Saint-Martin d’Ardèche ont été prospectées à 100 % par les vignerons et la Fredon. Sur 1 240 ha, 7 376 ceps contaminés ont été trouvés sur 324 parcelles. On considère aujourd’hui que sur le Sud-Ardèche, 17 % de la surface est positive à la flavescence dorée. Le Plan de lutte obligatoire à trois traitements a donné de bons résultats. Aucune cicadelle n’a été trouvée. Il ne serait pas raisonnable aujourd’hui de déroger aux traitements. En bio, le Pyrevert fonctionne très bien. Il ne faut pas le mélanger et traiter la nuit pour épargner les insectes diurnes. Un arrêté préfectoral précise aussi que, pour les foyers Sud-Ardèche et Beaulieu, toute plantation dans le périmètre de lutte obligatoire doit se faire avec des plants non issus d’un périmètre de lutte obligatoire et/ou traités à l’eau chaude. Le traitement à l’eau chaude garantit des plants sains et de qualité. Il devrait être obligatoire pour tous les plants. Le projet de création de zones d’enrayement est par ailleurs très inquiétant. Il va creuser le fossé entre zones d’enrayement, où très peu de moyens seront mis pour la prospection, et zones d’éradication où il y aura beaucoup de moyens. »
5 000 ha prospectés en Champagne
En Champagne, la surveillance jaunisse a été renforcée dès 2011 suite à la détection de la présence de Scaphoïdeus titanus pour la première fois. Des opérations de sensibilisation aux enjeux de la surveillance « jaunisses » et des formations à la reconnaissance des symptômes ont ensuite été déployées à partir de 2017, dans le cadre notamment d’un dispositif Flavescence dorée soutenu par la région Grand Est. Près de 5 000 ha ont été prospectés en 2020 et 10 500 ceps prélevés. Des travaux exploratoires sont également menés sur de la prospection assistée via des capteurs embarqués.