Eureka lutte contre l’esca
Endothérapie végétale, double greffe, suivi des pratiques viticoles, essais sur les types de greffe ou sur le regreffage. Telles sont les pistes étudiées en Alsace contre le dépérissement de la vigne, dans le cadre du projet Eureka.
Endothérapie végétale, double greffe, suivi des pratiques viticoles, essais sur les types de greffe ou sur le regreffage. Telles sont les pistes étudiées en Alsace contre le dépérissement de la vigne, dans le cadre du projet Eureka.
L’Alsace est pleinement mobilisée sur le sujet du dépérissement de la vigne, comme en témoigne le projet Eureka, l’une des neuf thématiques retenues dans le plan national. Un projet qui a pour particularité d’être très « appliqué » et de fédérer l’ensemble des acteurs de la filière amont.
Ainsi, l’université de Haute Alsace (UHA) travaille sur deux pistes. La première, curative, se nomme endothérapie végétale. « Nous sommes partis de l’étude du mode d’action de l’arsénite de sodium sur des ceps ayant exprimé des symptômes d’esca en n-1, introduit Christophe Bertsch, directeur du laboratoire vigne, biotechnologies et environnement de l’UHA. Nous avons traité quelques pieds et les avons arrachés. Dans ce projet Casdar, nous n’avons retrouvé aucun champignon pathogène responsable de l’esca. L’amadou était comme désinfecté, cela avait réalisé un genre de curetage chimique. » Le chercheur a corrélé ce résultat à ceux obtenus par le curetage mécanique, pratiqué à la Sicavac par François Dal. « Cela montre le rôle primordial de l’amadou dans le développement de la maladie », analyse le chercheur, qui est par ailleurs vigneron. D’où l’idée de traiter le tronc, en injectant une molécule létale pour les champignons.
Injecter du salicylate de bismuth dans les ceps
« Nous avons réalisé un trou sur le dessus du cep avec une grande mèche de perceuse portative de diamètre douze, pour rentrer dans l’amadou, décrit Christophe Bertsch. Il faut appuyer vingt ou trente secondes puis la mèche tombe dans le trou car l’amadou est mou. » Il ne reste plus qu’à injecter le liquide, une opération qui fonctionne très bien, l’amadou réagissant comme une éponge. Il est ensuite possible de refermer le trou avec des jouets en amidon de maïs biodégradables (Magique Nuudles). « Nous avons donc validé le fait que la mise en place de cette technique est réaliste et simple », se réjouit le directeur du laboratoire. Reste à identifier une molécule efficace et ayant une bonne rémanence. Cet hiver, son équipe va donc tester quatre ou cinq produits (dont le salicylate de bismuth) ayant déjà démontré leur performance in vitro.
Repenser l’architecture du pied
La seconde piste de recherche est préventive. Il s’agit du double greffage, déjà décrit dans nos colonnes dans notre numéro d’avril 2017 (page 18). Il consiste remplacer le tronc, sensible aux maladies du bois, par un sylvestris (ou autres, comme des hybrides), plus résistant. « Nous avons déjà validé le fait que le double greffage (porte-greffe 3304, sylvestris, puis gewurztraminer) fonctionne », indique Christophe Bertsch. Le but est maintenant de voir la viabilité de cette solution dans le temps, ainsi que son impact sur le coût des plants. Le chercheur entend donc que d’ici trois ans, des pieds double greffe soient plantés et prêts pour l’observation.
De son côté, l’Association des viticulteurs d’Alsace (Ava), en collaboration avec un syndicat viticole, va recenser et observer les pratiques des vignerons, pour essayer d’en identifier certaines ayant une influence sur l’arrivée de la maladie. « Nous souhaitons démarrer les réunions dès cet hiver, annonce Vicky Chan Fook Tin, responsable technique de l’Ava, et débuter les observations dès ce printemps. » Pour ce faire, l’Ava a embauché une personne supplémentaire, dont les trois quarts du temps seront consacrés au projet.
Passer au crible les différents types de greffe
L’interprofession n’est pas en reste. Le Civa va se pencher sur l’impact du type de greffe sur le développement de l’amadou. « Nous allons évaluer l’oméga, la fente, la F2, le greffage en place et la double greffe », décrit Guillaume Arnold, responsable technique de la structure. Les parcelles tests seront plantées dès ce printemps 2018. Par la même occasion, l’interprofession évaluera le taux et la qualité de la reprise, le développement du chevelu racinaire, la surface de cicatrisation, la vigueur, etc. Le Civa va également tester le recépage. « Nous aurons plusieurs modalités, complète le responsable technique. Soit nous laisserons la vigne telle quelle, soit nous recéperons le pied dès l’apparition de la maladie, soit nous recéperons systématiquement dès que ce sera possible. » Rendez-vous dans trois ans !