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[Edito] Désagricolisation ? Pourquoi la France doit réarmer son agriculture

Une nation apprend-elle de ses erreurs ? Après la désindustrialisation de la France depuis les années 80 et plus récemment le reflux de notre dépendance énergétique, le risque est grand que l'agriculture subisse le même sort. Mais il est encore temps de réagir.

Quand une production disparait, qu'elle soit industrielle, agricole ou énergétique, les efforts pour la reconstruire sont gigantesques. La France reste encore un grand pays agricole et alimentaire, mais elle se fait doubler par nos voisins européens.
© pixabay

Une nation apprend-elle de ses erreurs ? Les experts ont désormais analysé finement les conséquences sur notre économie de la désindustrialisation de la France depuis les années 80 : recul de la contribution de ce secteur au PIB, conséquence grave sur le solde commercial de la France, recul de l’emploi industriel poussant les anciens ouvriers et la génération suivante dans des emplois des services plus précaires et moins valorisants, et au final un sentiment de déclassement des populations sur une grande part de notre territoire. Cette désindustrialisation a reposé sur une erreur d’analyse politique majeure à l’époque : ce que nous ne produisons pas sur notre sol, nous serons toujours en mesure de nous le procurer sur les marchés mondiaux. Nous savons aujourd’hui à quel point cette maxime est fausse. La période de la crise Covid nous a fait durement prendre conscience que la globalisation heureuse était une utopie.

Depuis un an, les désillusions se multiplient : nous avons connu fin 2022 des pénuries de paracétamol et d’amoxicilline alors que la France connaissait une épidémie de bronchiolite concomitante à la résurgence du Covid en Chine, pays dont nous sommes grandement dépendants en matière de médicaments. Entre 2008 et 2018, le nombre de pénuries de médicaments signalées en France a été multiplié par vingt, selon l’agence nationale de sécurité du médicament. Et en 2022, les ruptures de médicaments ont augmenté de 15 % par rapport à l’année précédente.

Que dire de notre armée. Alors que La France s’enorgueillit d’être la première armée d’Europe (hors Russie) et la 7e mondiale, avec ses 200 000 militaires et 35 000 réservistes, nous découvrons, avec la guerre en Ukraine, que l’armée française serait capable d’équiper parfaitement seulement 8 000 soldats si elle devait partir immédiatement au combat.

Quant à notre souveraineté énergétique, nous nous sommes réveillés avec la gueule de bois depuis la guerre en Ukraine. Et nous venons d’apprendre avec stupeur comment notre perte d’indépendance énergétique a été sacrifiée en 2011 au prix d’un accord électoral entre le PS et les Verts.

Lire aussi l Recensement agricole : 100 000 exploitations agricoles ont disparu en dix ans : portrait de l’agriculture française en 2020

Comme pour l’industrie et pour l’énergie, la France est en train de désarmer dans bon nombre de secteurs de l’agriculture et l’alimentation. Nous avons perdu 100 000 exploitations agricoles en 10 ans. Son excédent commercial s’est dégradé sur cette même période, surtout si l’on isole les vins et spiritueux. Les importations agricoles et agroalimentaires de la France représentent au total environ 20 % de l’alimentation nationale ; elles ont doublé entre 2000 et 2021, passant de 28 à 61 milliards d’euros, essentiellement en provenance de pays de l’UE. Sur les 26 millions d’hectares mobilisés pour l’alimentation des Français, presque 10 millions d’hectares se trouvent hors de France.

Avec son secteur de l’agriculture, la France a encore de beaux restes. Le chiffre d’affaires cumulé en agriculture, c’est 85 milliards d’euros, pas si loin de l’automobile avec ses 135 milliards d’euros. Il fournit la matière première au premier employeur de France qu’est l’industrie agroalimentaire. Il est encore temps de réagir.

Gouverner c’est prévoir, dit-on. Il s’agit de prévoir sur le long terme et d’anticiper les aléas futurs. Or nos économies sont entrées dans une grande période de turbulence, notamment pour l’agriculture. Le nouveau rapport du Giec est là pour nous le rappeler. Y aura-t-il une prise de conscience de nos élus politiques pour préserver ce « secteur primaire » qu’est l’agriculture et cette « industrie » qu’est l’agroalimentaire ? C’est en tout cas ce qu’a l’air de penser Christiane Lambert qui, après ses six années de présidence à la FNSEA, reste positive et combative. Cela devra être, en tout cas, la feuille de route de son successeur, Arnaud Rousseau, dès sa prise de fonction le 13 avril prochain.

Nicole Ouvrard

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