Ecopra, une solution pour économiser du carburant ?
Ignorée par les motoristes, incomprise par les scientifiques, la technologie du dopage à l’eau d’Ecopra rencontre pourtant un certain succès auprès de viticulteurs, convaincus d’importantes baisses de consommation.
Ignorée par les motoristes, incomprise par les scientifiques, la technologie du dopage à l’eau d’Ecopra rencontre pourtant un certain succès auprès de viticulteurs, convaincus d’importantes baisses de consommation.
Sur les réseaux sociaux, Ecopra communique sur sa solution d’économie de carburant avec son kit « buveur d’air ». Monté sur tout véhicule doté d’un moteur thermique (diesel, essence, GNV, GPL, biocarburant), ce système de « dopage à l’eau » se compose d’un réservoir d’eau, alimentant un bulleur, dans lequel une petite quantité d’eau s’évapore. La vapeur passe ensuite dans un réacteur, « dans lequel l’air est hybridé, avant d’être injecté au niveau de l’admission d’air du moteur », explique Christophe Chausse, dirigeant d’Ecopra. L’entreprise propose trois kits différents, dont un pour les moteurs diesel.
Facturé 576 euros, ce dernier se monte en une vingtaine de minutes et est annoncé comme générateur d’une économie de carburant de 15 à 30 %, quelle que soit la génération de moteur, en plus de baisser les émissions de monoxyde de carbone, d’oxydes d’azote (NOx) et de particules. « On augmente le taux d’hydrométrie de 5 à 20 % des 15 mètres cubes d’air nécessaires à la combustion d’un litre de carburant consommé, explique Christophe Chausse. Il faut 3 à 7 centilitres d’eau pour chaque litre de gasoil consommé. » Professeur à l’école centrale de Nantes, Xavier Tauzia, qui enseigne les moteurs à combustion interne, confirme que « l’humidification d’un air sec peut avoir quelques effets sur les oxydes d’azote, en abaissant la température de combustion. Mais le volume du réservoir d’eau présenté ne permet pas d’obtenir une baisse des NOx phénoménale ou alors sur une durée limitée ».
Le même kit pour tous les moteurs
Selon Ecopra, le kit buveur d’air pour moteur diesel est le même pour un bloc de 125 cm3 que pour une version de 4 200 cm3. « L’excitation moléculaire de l’air réalisée dans le réacteur contamine l’air ambiant et induit tout le reste de l’air », justifie Christophe Chausse. On pourrait pourtant penser que les besoins en air d’un tracteur de 50 chevaux ne sont pas les mêmes que ceux d’un engin de 160 chevaux. À dimensions égales, l’effet du système d’Ecopra sur un gros tracteur serait a priori moindre que sur un petit modèle. « Dans certaines situations, nous installons deux réacteurs », rajoute le dirigeant d’Ecopra.
« Quoi qu’il en soit, le fonctionnement du kit Ecopra n’explique en rien une baisse de la consommation de carburant, poursuit Xavier Tauzia. Au sein d’un moteur thermique, il se joue un compromis entre consommation de carburant et émissions de NOx. On ne peut pas abaisser les deux à la fois. »
Du côté des fabricants de moteurs diesel, les technologies de dopage à l’eau ne figurent pas dans les pistes étudiées en recherche et développement, malgré des budgets faramineux pour répondre aux normes antipollution successives et de plus en plus draconiennes, tout en contenant la consommation de carburant.
De bons retours sur le terrain
Alors le kit Ecopra fonctionne-t-il vraiment ? Peu de tests en laboratoires ont été réalisés et aucun concernant des machines agricoles. Ecopra s’appuie sur de nombreux retours empiriques du terrain. Chef de culture au Château Larose Trintaudon, à Saint-Laurent-Médoc en Gironde, Joël Leloup-Lobet constate une réduction de la consommation de carburant de 15 à 35 %. « Nous faisons un suivi précis des consommations pour chaque tracteur et pour chaque travail effectué, explique-t-il. Il nous a donc été facile de voir quels étaient les bénéfices du kit : les gains varient selon le tracteur et le travail effectué. »
Même constat au Château Couhins, propriété de l’Inrae à Villenave d’Ornon en Gironde, qui réalise une traçabilité fine des consommations de chaque engin sur l’exploitation. En 2020, son chef de culture Jérôme Miramon fait installer un premier kit sur un enjambeur de 60 ch, qui effectue plus de 600 heures chaque année. « Le tracteur n’a pas le même comportement. Le gain de puissance nous permet de travailler à plus bas régime, rapporte-t-il. S’en ressent une baisse de consommation de l’ordre de 30 %. Au prix du GNR aujourd’hui, le retour sur investissement (800 euros montage compris) est rapide. » Un second tracteur, dédié aux traitements, a depuis été équipé d’un kit. Du fait de son fonctionnement à régime moteur soutenu, la baisse de consommation est moindre (autour de 10 %). Mais l’ajout d’un second réacteur a porté cette baisse à 15-20 %. Quant à la consommation d’eau, distillée, elle est ridicule. « Je ne fais le plein qu’une fois par an. »