Des micro-ondes assainissantes
Les micro-ondes pourraient devenir des alliés de poids dans la gestion des populations microbiennes du vin. Si cette technique n’est pas encore autorisée, les essais en cours semblent prometteurs.
Les micro-ondes pourraient devenir des alliés de poids dans la gestion des populations microbiennes du vin. Si cette technique n’est pas encore autorisée, les essais en cours semblent prometteurs.
Et si nous passions la vendange au micro-ondes avant vinification, pour éliminer les micro-organismes indésirables et diminuer les doses de sulfites ? C’est la voie sur laquelle Marco Li Calzi, professeur à l’école d’ingénieurs en agriculture de Purpan, souhaite s’aventurer. L’idée a germé il y a environ cinq ans, lorsque l’enseignant a visité un domaine espagnol, dans la Rioja. « L’œnologue m’a fait part de son inquiétude de voir proliférer de nouveaux micro-organismes, suite au réchauffement climatique, se remémore-t-il. Elle voulait pouvoir rentrer de la vendange stérile. » Peu de temps après, il voit son épouse mettre une éponge au micro-ondes « pour la stériliser ». Il n’en fallait pas plus pour le lancer sur cette piste.
Une intensité colorante en hausse de 25 à 30 %
Quelque temps plus tard, Marco Li Calzi tombe sur une publication scientifique. Un groupe de chercheurs australiens, de l’Institut d’agriculture de Tasmanie, avait testé le passage de moût de pinot noir au micro-ondes, dans le but d’extraire davantage de couleur. Les chercheurs avaient appliqué trois durées successives : 2 minutes, 1 minute, puis 15 à 40 secondes, à 1 150 W. L’intensité colorante s’était bel et bien avérée être au rendez-vous, avec une hausse de 25 à 30 % par rapport au témoin. De même, les chercheurs avaient constaté une augmentation de la concentration en polyphénols, tanins et anthocyanes, durable dans le temps (18 mois). « La concentration en tanins des vins traités par micro-ondes était de 0,60 mg/l, contre 0,14 pour le témoin ; et ce, après un vieillissement de dix-huit mois en bouteille », peut-on lire dans la publication. Autre bénéfice : la cinétique de fermentation alcoolique s’était avérée plus rapide sur le moût micro-ondé que sur le témoin, la phase de latence étant très courte.
« Qui plus est, l’équipe avait relevé un effet collatéral : une diminution rapide de la charge microbienne, de l’ordre de 3 log pour les levures », poursuit l’enseignant (voir graphique). Les chercheurs australiens allaient même plus loin. Selon eux, la macération au micro-ondes était également plus efficace que le sulfitage. Dans leurs essais, les populations levuriennes étaient de l’ordre de 104 cfu/ml après sulfitage et de moins de 100 cfu/ml après passage au micro-ondes. « Ce procédé permettrait donc de réduire les doses de SO2 lors du foulage », notaient les chercheurs.
Petite inhibition de la polyphénol oxydase
En 2015, Marco Li Calzi se lance dans des essais préliminaires, sur cabernet sauvignon. Avec là aussi une baisse du nombre de micro-organismes. « Je n’ai pas travaillé dans des conditions parfaites, nuance l’enseignant. La baisse que j’ai observée était moins significative, de l’ordre de 1,6 log sur les levures. Mais j’ai aussi constaté une petite inhibition de la polyphénol oxydase. » Pour ce faire, il a disposé un kilo de baies éraflées au micro-ondes, à 1 150 W, durant cinq minutes. En comparaison, vingt minutes de traitement de la vendange à l’ozone n’ont permis de baisser la population levurienne que de 0,8 log.
L’enseignant souhaite donc aller plus loin et espère remporter un appel à projets en février. Pour cela, il a réuni tout un consortium autour de lui, comprenant Demmos, une société spécialisée dans les applications micro-ondes, Pera-Pellenc, l’Irstea et l’UMR SPO de l’Inra de Montpellier. Avec pour objectif de réaliser des microvinifications sur grenache et duras, afin de vérifier l’impact du traitement sur la charge microbienne, la laccase et la polyphénol oxydase, de calculer l’analyse du cycle de vie de la méthode (évaluation des dépenses énergétiques), et enfin de réaliser des analyses sensorielles. À l’avenir, cette technique pourrait également être employée sur des blancs avec macération, comme le sauvignon. Mais pour être utilisée, elle nécessitera l’aval de l’OIV puis de la Commission européenne…