Des aquarelles de cépages sauvées de l’oubli
Rassemblées dans un livre, des aquarelles de cépages sur vélin témoignent des prémices de l'ampélographie au début du XIXe siècle. Elles résonnent avec les préoccupations d’aujourd’hui.
Rassemblées dans un livre, des aquarelles de cépages sur vélin témoignent des prémices de l'ampélographie au début du XIXe siècle. Elles résonnent avec les préoccupations d’aujourd’hui.
C’est l’histoire de quatre-vingt-trois aquarelles de cépages retrouvées en 2019 dans la cave du siège de l’Académie d’agriculture de France, à Paris. Elles ont été réalisées entre 1806 et 1811 par de talentueux illustrateurs botanistes, dont le célèbre Pierre-Joseph Redouté (1759-1840). L’Académie d’agriculture de France fait découvrir ce formidable patrimoine avec le livre Les raisins de Pierre-Joseph Redouté : Des aquarelles pour l’avenir de la vigne, publié aux éditions Paulsen.
Au-delà de leur intérêt ampélographique, les planches fascinent par leur esthétique. Les aquarelles ont été réalisées sur vélin, un type de support noble, qui par sa blancheur et sa finesse de grain permettait une précision remarquable.
Recenser les cépages pour identifier les meilleurs
« Jean-Antoine Chaptal, alors ministre de l’Intérieur du Consulat, a demandé aux 120 préfets de région d’envoyer des boutures de cépages cultivés sur leurs territoires respectifs. Le matériel végétal reçu a été planté à Paris, dans l’actuel jardin du Luxembourg, pour que les illustrateurs botanistes puissent les dessiner », retrace Constant Lecœur, secrétaire perpétuel de l’Académie d’agriculture de France.
Le ministre se désolait d’une production abondante mais peu qualitative. Une évolution due selon lui à « la pratique d’une aveugle routine », et à la préférence accordée « aux cépages les plus abondants en sucs grossiers sur ceux qui produisent les vins de meilleure qualité ». La connaissance des cépages apparaissait indispensable à l’essor qualitatif des vins français.
Un travail inachevé mais visionnaire
L’ampélographe Jean-Michel Boursiquot s’est livré, planche après planche, à une véritable enquête d’identification, confirmant ou infirmant les noms des cépages écrits sur les vélins. On retrouve ainsi l’aramon appelé ugne ou le chardonnay sous le nom de pineau blanc.
Mais dans près de la moitié des cas, le cépage est inconnu ou a disparu ! Le jericho du Cher ou le négron des Alpes-Maritimes sont ainsi perdus pour la cause de la diversité. La science botanique de l’époque, entre synonymes confusants et étiquetages approximatifs, n’a pas été à la hauteur de la précision graphique des peintres. Le travail de nomenclature a été abandonné. Mais ces planches témoignent de la prise de conscience de l’importance des cépages. En épilogue d’un passionnant texte sur les tribulations de la pépinière de cépages du jardin du Luxembourg, l’écrivain Marc Médevielle souligne l’ironie de l’histoire : Chaptal est resté attaché au procédé de chaptalisation alors qu’il a œuvré pour « redorer le blason des vins français ». Un raccourci que ce livre contribue à déjouer.