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Des algues pour stimuler la vigne

Les biostimulants à base d’algues foisonnent sur le marché. S’ils présentent un intérêt pour le bon fonctionnement de la plante, ils ne doivent pas être confondus avec des produits de lutte contre les bioagresseurs.

Certaines algues brunes renferment des composés qui miment les hormones de croissance végétales.
© Valerii Kirsanov-123RF

« L’utilisation des algues en agriculture est vieille comme le monde ! », rappelle Michel Ponchet, chercheur à l’institut Agrobiotech de Sophia-Antipolis. Mais elle est loin, l’époque où le paysan breton ramassait le goémon utile à ses terres. Aujourd’hui, l’algue est devenue une industrie à part entière. Avec la tendance de baisse des intrants et la recherche de solutions alternatives au « tout chimique », les firmes montrent un regain d’intérêt pour ces composés négligés après guerre. « Il y a aussi la généralisation d’un nouveau paradigme, basé sur l’idée qu’il faut mettre la plante dans une situation ou elle sera en mesure de s’aider elle-même », explique le chercheur. Résultat, les produits de stimulation ont le vent en poupe. C’est d’ailleurs un constat partagé par Hugues Dumas, directeur France de Tradecorp. « Sur nos produits biostimulants à base d’algues, nous connaissons une croissance des ventes de 35 % par an », assure-t-il.

Le bénéfice des algues est avéré par les scientifiques

Il faut dire qu’ils bénéficient d’un fort potentiel : « beaucoup de chercheurs à travers le monde travaillent sur cette thématique, et les résultats vont globalement dans le même sens : la stimulation grâce aux algues brunes marines (Phéophycées) marche relativement bien, assure Michel Ponchet. On observe des augmentations de vigueur, de meilleures croissances et floraisons, des rhizogénèses améliorées, des baisses de mortalité… sur tous types de cultures ». Des résultats agronomiques logiques, lorsque l’on regarde de plus près l’effet des algues sur les plantes. Leurs extraits agissent d’abord sur la nutrition, en chélatant des nutriments minéraux du sol ou encore en améliorant l’assimilation des éléments nutritifs (grâce au mannitol, entre autres). Ils ont également un effet positif direct sur la croissance, puisqu’ils renferment des hormones de type auxine et cytokinines, ou des composés qui les imitent. L’acide abscissique et la glycine bétaïne contenus dans ces extraits permettent également de contrer les dérèglements osmotiques, permettant de mieux résister à sécheresse ou à la salinité. Leur utilisation est, de plus, peu contraignante (la majorité des produits sont associables aux bouillies phytosanitaires), et le coût raisonnable (20 à 50 €/ha par application). Malgré cela, un rapport réalisé par le cabinet de conseil Deloitte et commandité par le ministère de l’Agriculture, montre l’existence d’une controverse sur l’efficacité des produits de stimulation. En cause, « certains produits […] ont une efficacité variable » et l’existence d’un « décalage entre les revendications […], les attentes des utilisateurs […], et les effets réellement observés. » « Il y a forcément des opportunistes », regrette Michel Ponchet. De son côté, Hugues Dumas estime que nous sommes sur un marché immature, mais que la professionnalisation est en route. « Le secteur des biostimulants était vraiment très atomisé, plus de 200 metteurs en marché en Europe. Des fusions et des achats commencent à s’opérer. Nous allons dans la bonne voie, ce qui devrait influer sur la qualité des produits », estime-t-il.

Optimiser le fonctionnement de la plante, ni plus ni moins

Ce qui est sûr en tout cas, c’est que les biostimulants ne doivent pas être considérés comme un moyen de lutte contre les bio-agresseurs. Leur seule fonction est de mettre la plante dans les meilleures conditions possibles. « Une année où tout va pour le mieux, ils sont quasiment inutiles, explique le directeur. Ces produits prennent leur sens dès qu’il y a un stress. Par ailleurs, il faut sortir du raisonnement binaire une molécule/un effet. Ils agissent sur un tout, d’où la difficulté de définir un effet précis sur une problématique donnée seule. » Les résultats du peu d’essais qui ont été conduits sur la vigne montrent qu’effectivement, si la plante répond aux stimulations des algues, cela ne la défend pas contre les attaques de mildiou. Laurence Gény, de l’institut scientifique de la vigne et du vin (ISVV) a démontré sur merlot que la pulvérisation d’un filtrat d’algues entraîne une augmentation sensible de polyamines, les hormones de la floraison. À nouaison, cela se traduisait par moins de coulure et de millerandage. De son côté, le travail de thèse de Julien Louvieaux montre, sur le gamay, une tendance de meilleure efficacité photosynthétique sur les feuilles traitées. Mais dans leurs recherches de produits alternatifs au cuivre, les chercheurs du Grab ont conclu une efficacité trop faible pour lutter contre le mildiou, même en association avec une faible dose de produit cuprique. Les expérimentations continuent toutefois, à l’instar du projet Iris +, afin d’optimiser l’utilisation des biostimulants à base d’algues marines et de végétaux. L’objectif étant de mettre au point une méthode de protection de la vigne en associant ces derniers avec des stimulateurs de défense des plantes et un système de pulvérisation adapté, le tout piloté par imagerie numérique.

"On observe des augmentations de vigueur, de meilleures croissances et floraisons, des rhizogénèses améliorées, des baisses de mortalité…"
 

Une définition légale ambiguë

Les biostimulants sont des produits dont les substances actives ont pour effets d’améliorer la tolérance des plantes aux stress abiotiques (température, hydrométrie, salinité, vent…). En cela il ne faut pas les confondre avec les produits de biocontrôle, qui eux participent à la lutte contre un agresseur (champignon, insecte…), ou encore avec les stimulateurs de défense des plantes (SDP), qui induisent une réponse physiologique. Cependant, la coexistence de nombreuses terminologies pour qualifier les biostimulants (biofertilisant, physioactivateur, substance de croissance…), entraîne une grande confusion et parfois même des amalgames. D’autant plus que la plupart de ces produits sont commercialisés en temps qu’engrais. « À l’avenir, il faudra clarifier la réglementation, pense Hugues Dumas, directeur France de Tradecorp et membre de l’European biostimulants industry council (EBIC), l’idéal étant d’avoir une voie réglementaire spécifique à ce type de produits. » L’Europe se penche d’ores et déjà sur la question.

 

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