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Colloque Agrofinance
Crise énergétique : l’agriculture et l’agroalimentaire « face à un mur infranchissable »

La hausse des prix de l’électricité et du gaz risque de mettre à terre des acteurs fragilisés, ont déploré la Coopération agricole et l’Ania, lors du colloque Agrofinance organisé par Réussir et AgroParisTech Alumni au Sial.

Mickael Nogal, DG Ania, et Dominique Chargé, président de la Coopération agricole.
De gauche à droite : Mickaël Nogal, directeur général de l'Ania, Katia Lentz, avocate, Dominique Chargé, président de la Coopération agricole et Bruno Carlhian, animateur de la table ronde d'Agrofinances.
© Nathalie Marchand

« Toutes nos chaînes (agroalimentaires, ndlr) ont été construites dans un monde géopolitique stable et abondant en matières premières agricoles. En trois ans on a connu des crises sanitaires, la guerre en Ukraine et la raréfaction des matières premières. Aujourd’hui la crise énergétique vient percuter cette vulnérabilité qui touche nos entreprises », témoigne Dominique Chargé, président de La Coopération agricole le 18 octobre lors du colloque Agrofinance organisé par le groupe Reussir et AgroParisTech Alumni.

Selon le représentant professionnel agricole, les coûts énergétiques devraient passer de 2,5 milliards d’euros à 2021 à 13 milliards d’euros en 2023. « Dans les coopératives, la facture énergétique va représenter 5 à 10 fois le résultat net. Nous sommes devant un mur infranchissable, c’est vrai pour la production agricole et la transformation agroalimentaire », alerte Dominique Chargé au cours de ce colloque se tenant dans l’enceinte du Sial, salon international de l’alimentation, à Villepinte.
 

Les entreprises manquent de visibilité

Mickaël Nogal, directeur général de l’association des industries alimentaires (Ania), partage cette opinion. « Les entreprises manquent de visibilité. Nous préparons des budgets mais dans 4 mois il faudra se remettre autour de la table. Avec Egalim 1 et 2 on a une couverture plutôt bonne de l’évolution des matières premières agricoles, poursuit l’ex-député LREM de Haute-Garonne, mais aujourd’hui le prix de l’énergie vient casser la dynamique ».

Et le représentant des industries agroalimentaires de demander un accompagnement des entreprises. « Nous demandons une échelle pour passer ce mur », lâche Mickaël Nogal pour reprendre la métaphore du président de La Coopération agricole, « or aujourd’hui on nous donne un petit escabeau ».

Est-ce que l'on continue à faire tourner les tours de séchage de lactosérum ?

L’enjeu est de taille : la hausse des coûts de l’énergie pourrait pousser certaines entreprises à cesser de produire. « Dans ma coopérative la question est :  est-ce que l’on continue à faire tourner les tours de séchage de lactosérum ou pas ? », illustre Dominique Chargé, également président de la coopérative laitière Laïta. Et d’appeler à un cadrage européen pour désindexer le prix de l’électricité de celui du gaz. Autre demande : « pouvoir passer une partie de ces hausses de prix par les tarifs ».
 

Sanctuariser le coût de l’énergie après celui des matières premières

« En France nous avons l’inflation la plus faible d’Europe mais nous avons la destruction de valeur la plus forte. Il faut récupérer deux points d’inflation », renchérit Mickaël Nogal. Or selon le directeur général de l’Ania « les négociations avec la grande distribution se passent mal ». « Egalim est un progrès mais sur l’énergie il n’y a aucune écoute ». Après la sanctuarisation du coût des matières premières agricoles, l’industrie agroalimentaire demande à ce que le coût de l’énergie entre également dans la partie du tarif non négociable. « Le sujet de l’énergie ne doit pas être négocié alors que les entreprises le subissent », argumente le directeur général de l’Ania qui espère un véhicule législatif début 2023 pour porter cette demande. D’ici là, il s’attend à des négociations commerciales très tendues.


Changement climatique et transition écologique

Et ce au moment où les filières alimentaires font de plus en plus face au changement climatique avec ses conséquences massives et pérennes. « Il y a un effet direct sur la production : exemple cette coopérative de légumes de plein champ où j’étais il y a quelques jours à 50% de son objectif de rendement cette année, avec un volume de stock de 15% », illustre Dominique Chargé. « Il y a aussi un effet indirect sur le moral des producteurs, sur l’élevage notamment avec une baisse de la production d’herbe et des éleveurs qui jettent l’éponge et ne veulent plus assumer le risque de produire sans le rendement et la production escomptés ».  

Le calendrier de la transition écologique risque de poser problème

Face au changement climatique, les filières agroalimentaires s’engagent dans la transition écologique. « Rien que sur la décarbonation de nos filières, il faudrait multiplier l’investissement par 6 et passer de 1,5 milliard à 9 milliards d’euros », estime Dominique Chargé qui milite pour une « planification » afin de mettre l’offre en adéquation avec la demande.

Mais Mickaël Nogal prévient : « des arbitrages commencent à être pris, s’il n’y a pas d’embellie, le calendrier de la transition écologique risque de poser problème ».

« C’est la fin des trente glandeuses », selon Sébastien Abis

« Nous sommes dans un très mauvais moment. Et nous avons un monde agricole en avance de phase par rapport aux autres secteurs », analyse Sébastien Abis, directeur général du Club Demeter et chercheur associé à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques). « Oui il y a des crises structurelles et des mouvements conjoncturels, l’état du monde n’est pas très joyeux. En France nous sommes un peu superprotégés, mais il faut sortir de nos prismes européens et français. Il ne faut pas sous-estimer les risques et les menaces qui se combinent en ce moment », décrypte-t-il. « C’est la fin des trente glandeuses en Europe. L’Europe va devoir se remettre à considérer la vieille économie. La vieille économie n’est pas morte et elle doit se combiner avec les transitions considérables. Pour l’agriculture : il faut nourrir et réparer la planète », résume-t-il.

Le facteur d’optimisme selon lui c’est que l’agriculture n’a pas attendu les évènements récents ni le Covid pour faire des transitions et se mettre en mouvement.

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