Aller au contenu principal

Innovation
Comment Toopi organics recycle l’urine humaine en engrais bio

La start-up girondine fondée par Michael Roes vient d’inaugurer une usine où elle prévoit de transformer 250 000 litres d’urine humaine par an en fertilisant microbien à moindre coût pour l’agriculture.

Michael Roes, fondateur de la start-up Toopi organics.
Michael Roes, fondateur de la start-up Toopi organics.
© Toopi Organics

Michael Roes, fondateur de la start-up Toopi organics, l’assure : « ses futurs produits sont déjà vendus sur trois ans ». Pas besoin de faire de la promotion, l’engouement est très fort pour son innovation, notamment du côté des coopératives agricoles françaises.

L’idée, pas récente, de faire de l’urine humaine une ressource et non un déchet fait aujourd’hui des émules dans le monde de l’Agri Tech. Cet autodidacte semble avoir trouvé un process et une valorisation prometteurs.
 

Comment est né le projet ?

A l’origine, Michael Roes, bac en poche, avait monté une petite société d’extraits végétaux fermentés dans son jardin. Lorsqu’un ami, travaillant dans les toilettes sèches, lui lâche : « c’est dingue ! Je paie 100 euros par m3 d’urine récoltée pour m’en débarasser, alors que dans l’urine il y a plein de choses intéressantes ! ». Michael Roes commence à s’intéresser au sujet. « Je me rends compte qu’on fait pipi dans de l’eau potable qui est ensuite traitée de façon coûteuse. Dans le même temps, l’agriculture fait aujourd’hui appel à des ressources non renouvelables pour sa production d’engrais. J’en viens à la conclusion que ce n’est pas possible d’avoir une agriculture décarbonée si on ne recycle pas les urines ».

J'ai fait pipi dans une bouteille, j'ai ajouté un carré de sucre et des probiotiques

Alors qu’il fait pousser des bactéries, il s’aperçoit que ses résultats d’analyses d’urine ressemblent comme deux gouttes d’eau à la composition de ses substrats. La suite, Michael Roes le raconte en rigolant : « j’ai fait pipi dans une bouteille, j’ai ajouté un carré de sucre et des probiotiques achetés en pharmacie et deux jours plus tard mon mélange faisait des bulles ». Il est alors persuadé de tenir la bonne idée : utiliser l’urine humaine, riche en azote, phosphore, potassium et micronutriments, comme milieu de culture de bactéries. Il vend sa première entreprise en 2019 et créé avec son associé Pierre Huguier, docteur en écotoxicologie, la start-up Toopi Organics.

Inauguration de la première usine

Trois ans plus tard, Michael Roes emploie 20 salariés et vient d’inaugurer sa première usine à Loupiac-de-la-Réole en Nouvelle Aquitaine. Une ligne de production qui appartient en propre à la start-up. Déjà opérationnelle, cette unité peut traiter 250 000 litres d’urine par an pour produire 250 000 litres de produits microbiens, et mettra ses premiers produits sur le marché en septembre prochain via un contrat avec un opérateur national sur le marché des biofertilisants.

 

Comment l’usine est approvisionnée ?

Pour s’approvisionner en urine, Toopi Organics a signé un contrat avec 70% des festivals actuels, en lien avec des fabricants d’urinoirs. La start-up a aussi signé un accord avec le Futuroscope, 4 aires d’autoroutes Vinci, des collèges et lycées. « Nous avons des contrats avec tous les fabricants d’urinoirs masculins et féminins sans eau », assure Michael Roes, Des urinoirs reliés à des cuves de 1000 litres connectées. « On vient ensuite collecter l’urine brute, non mélangée avec des matières fécales », poursuit-il.
 

Quel process de transformation de l’urine ?

Au moment de la collecte de l’urine, afin de stabiliser l’urée et d’éviter sa transformation en ammoniac, Toopi Organics met un stabilisant. Puis l’urine est filtrée. Enfin c’est la phase de la digestion microbienne. Un process pour lequel la start-up a déposé 3 brevets auprès de 80 pays.

Nous recevons 10 appels d’agriculteurs par jour.

Quels produits ?

Dans son usine de Loupiac-de-la-Réole, la start-up fabrique déjà trois types de biofertilisants homologués dans plusieurs pays européens (Belgique, Grèce, Portugal, Espagne…). « On devrait avoir l’autorisation pour la France en septembre prochain » avance le fondateur de la start-up. Les produits : un biostimulant à base de bactéries lactiques pour solubiliser le phosphore retenu dans les sols, un biostimulant pour améliorer le développement racinaire des cultures et ainsi réduire réduire le stress hydrique, et enfin un inoculant microbien permettant la fixation d’azote

Dix autres produits sont dans les cartons, selon Michael Roes qui assure « être capable de produire à partir d’une base urine 100% des microorganismes d’intérêt agronomique présents sur le marché ».

Quel intérêt pour l’agriculteur ?

« On ne réinvente pas l’eau chaude, mais on rend accessible les produits microbiens aujourd’hui cantonnés à un marché de niche. Le même produit on le propose à un tarif deux à trois fois inférieur au prix du marché », assure Michael Roes. Toopi Organics indique avoir réalisé près de 30 expérimentations sur les trois premiers produits en voie de commercialisation. La start-up a notamment travaillé avec Arvalis, l’Inrae et Bordeaux Sciences Agro et reçu une quinzaine de prix d’innovation.

« Nous recevons 10 appels d’agriculteurs par jour. Il y a un vrai intérêt de leur part », confie l’entrepreneur.


Quel modèle de développement pour Toopi Organics ?

« Notre objectif est de dupliquer d’ici 5 ans 20 usines identiques, une par métropole à l’interface entre la ville et la campagne », explique Michael Roos. Des développements que le fondateur de Toopi Organics imagine en joint-venture avec des coopératives agricoles ou des négoces. Le jeune entrepreneur confie être déjà en contact avec une quinzaine de distributeurs dont certains dans le top 10 français. La start-up serait notamment en discussion avec la coopérative Ceresia dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt avec la métropole du Grand Reims. « La première unité sera opérationnelle tout début 2024 », assure-t-il.

Une levée de fonds doit être prochainement lancée pour accompagner les projets de développement. « D’ici 15 jours, nous lancerons le processus auprès de différents investisseurs pour lever 15 millions d’euros en capital. Le closing est prévu en septembre », a confié Michael Roes à nos confrères d’Agra Innovation le 8 juin.

Les plus lus

La réalisatrice Louise Courvoisier devant des vaches
Vingt Dieux : « J’ai voulu représenter les enfants d’agriculteurs avec qui j’allais à l’école dans le Jura »

Présenté à Cannes, son premier long métrage Vingt Dieux (qui sort le 11 décembre en salles) a remporté le prix de la jeunesse…

 La préfète des Deux-Sèvres Emmanuelle Dubée reçoit dans son bureau Denis Mousseau, président de la FNSEA 79 et Antoine Madier, président des Jeunes agriculteurs 79.
Mobilisation agricole : dans les Deux-Sèvres, les agriculteurs obtiennent 7,5 millions d'euros d’allégements fiscaux

Reçus par la préfète des Deux-Sèvres, les deux syndicats majoritaires agricoles se félicitent d’avoir obtenu un allègement de…

piles d'argent avec un réveil
Aides à la trésorerie des agriculteurs : le détail des deux prêts garantis par l’Etat

Annie Genevard précise les deux dispositifs de prêts garantis par l’Etat de moyen et long termes pour venir en aide aux…

Machine entretenant une haie en bordure de parcelle agricole
Haies : vers un crédit d’impôt de 4500 euros par exploitation agricole

Les sénateurs viennent d’adopter dans le cadre de la PLF 2025 un nouvel article instaurant un crédit d’impôt pour inciter les…

Méthanisation : comment GRDF accompagne les agriculteurs dans leurs projets ?

A l’occasion du Sommet de l’Elevage sur le plateau du Comptoir des Eleveurs, Dorothée Briand, journaliste du groupe Réussir, a…

Banderole "non au Mercosur" accrochée à le pont de Verdun à Angers, fumigènes et tracteurs d'agriculteurs.
Accord Mercosur : qui sont les gagnants et les perdants du volet agricole ?

Décryptage des conséquences attendues filière par filière agricole et viticole de la signature d’un accord entre l’Union…

Publicité