C’est parti pour le goutte-à-goutte enterré !
L’irrigation de la vigne avec le goutte-à-goutte enterré est à présent autorisée en AOC. Voici ses avantages et points de vigilances.
Avec la publication en septembre 2017 d’un décret autorisant les systèmes d’irrigation enterrée en AOC, le goutte-à-goutte enterré – système d’irrigation largement développé en Italie et en Espagne – suscite un certain intérêt auprès des viticulteurs.
Le principal argument en faveur de ce type d’irrigation est le contrôle des adventices. En effet, selon Patrick Rosique de l’Irstea, « alors qu’en goutte-à-goutte de surface, les adventices profitent de l’humidité du sol créée par le goutteur, avec un système enterré, l’eau reste en profondeur, limitant ainsi le développement des mauvaises herbes ». Le deuxième avantage de cette technologie est la possibilité de travailler le rang et l’interrang car les tuyaux ne gênent pas. « Au-delà de la possibilité d’un désherbage mécanique, cela permet d’entretenir le couvert végétal dans l’interrang sans préjudice pour la vigne », précise Patrick Rosique. Également au chapitre des avantages par rapport à un système aérien, la lutte contre le vandalisme et la dégradation par la faune sauvage et en particulier les sangliers.
Moins d'évaporation donc plus économique
Un autre point très positif en faveur du goutte-à-goutte enterré est l’économie d’eau, « pouvant aller jusqu’à 20 % dans le cadre d’une gestion efficace de l’irrigation », avance Christophe Derbez, directeur technique et marketing chez Netafim, grâce à une moindre évaporation. « Avec le système enterré, on peut par ailleurs mettre en place des goutteurs bas débit (1 l/h au lieu de 1,6 l/h en aérien par exemple) ce qui augmente le volume de sol humidifié au bénéfice de la vigne et limite les pertes en eau », ajoute-t-il.
Un peu plus cher et surtout plus d’entretien
La mise en place d’un goutte-à-goutte enterré nécessite à peine plus de temps que pour un système de surface. « Il faut environ quatre jours d’installation pour un hectare avec la création des tranchées, la mise en place des gaines à 35 cm de profondeur environ et des branchements. Mais hors entretien, le système est mis en place pour au moins cinq ans », observe Patrick Rosique. Selon les choix techniques (types de gaines, choix des goutteurs…), l’investissement oscille entre 2 500 et 5 000 euros par hectare, contre 2 000 à 3 000 euros par hectare pour un goutte-à-goutte de surface.
Le principal inconvénient du goutte-à-goutte enterré est l’entretien nécessaire pour lutter contre les problèmes de colmatage des goutteurs. « Ce système d’irrigation est très efficace et performant mais l’entretien doit être très rigoureux, en particulier pour des viticulteurs qui arrosent peu avec un risque de bouchage par les racines environnantes qui vont combler le vide laissé par l’eau », explique Damien Jullian de la société Aquadoc. Pour remédier au risque de colmatage, la société Netafim recommande l’utilisation de goutteurs spécifiques et le recours à des purges régulières. L’emploi de produits chimiques faiblement concentrés, comme l’acide nitrique, peut faciliter la fluidité avant la purge d’entretien et la pratique de la fertigation, en apportant des engrais qui abaissent le pH de l’eau, peut également aider à lutter contre le colmatage dû au calcaire. Une pratique que les viticulteurs en bio ne peuvent pas mettre en œuvre et doivent donc compenser par un entretien encore plus rigoureux.
« Purger régulièrement et filtrer l’eau »
« J’ai installé l’irrigation en goutte-à-goutte enterré sur un hectare d’IGP en 2012. J’y vois de nombreux avantages : moins de mauvaises herbes, la possibilité de travailler le sol, des économies d’eau, moins de dégradation par rapport à un système aérien et pas de décrochage de tuyau comme en goutte-à-goutte suspendu. L’installation est un peu plus compliquée car il faut installer des peignes en début et en fin de réseau pour purger régulièrement les lignes. Avec une très bonne filtration, ce sont les conditions nécessaires pour éviter tout colmatage. »
Olivier Sardou, viticulteur à Berre-l’Étang, dans les Bouches du Rhône