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Brexit, un équilibre bouleversé

Les modalités de sortie de la Grande-Bretagne n’étant pas encore connues, les répercussions pour la filière sont floues. Baisse des exportations, diminution de l’œnotourisme ou encore modification des rapports de force à Bruxelles sont néanmoins attendues.

L'impact de cette sécession sera la modification des équilibres à Bruxelles. Un changement a priori plutôt en faveur de la France agricole et viticole...
© Lazyllama/Fotolia

Le 24 juin, le résultat du vote britannique est tombé comme un couperet. À 51,9 %, et après 43 ans en son sein, les Britanniques ont donc choisi de quitter l’Union européenne. Un mois après ce séisme, l’incertitude quant aux répercussions prévaut. Le processus de sortie, encadré par l’article 50 du traité de Lisbonne de 2009, prévoit un temps de négociation et de discussion entre les deux parties pouvant aller jusqu’à deux ans. Or à l’heure où nous mettons sous presse, les instances britanniques n’ont pas encore déclenché la procédure, et envisagent de ne le faire que fin 2016, début 2017. Ce qui retarde d’autant le départ effectif de la perfide Albion. Les opérateurs viti-vinicoles français, à l’instar du reste des Européens, ne sont donc pas près d’être fixés sur les impacts réels du Brexit.

Royaume-Uni, le deuxième marché à l’exportation

Néanmoins, plusieurs conséquences semblent prévisibles. À commencer par l’impact sur les flux commerciaux et sur les exportations. Le Royaume-Uni représente en effet notre deuxième marché, tant en volume qu’en valeur. Selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS), en 2015, les opérateurs français ont expédié outre-Manche 2,05 millions d’hectolitres de vin, pour une valorisation d’1,154 milliard d’euros. Ce qui correspond à 13,4 % de nos exportations en volume et 14,6 % en valeur. Cette destination représente également un marché non négligeable pour le cognac.

Or, la dévaluation de la livre, depuis le résultat du référendum, risque de pénaliser nos produits, les principaux fournisseurs en tête : Champagne, Bordeaux, Bourgogne et Vallée du Rhône. « Nos vins et le cognac sont des produits spécifiques, qui n’existent pas ailleurs qu’en France, pointe Michel Dantin, député européen. Les Britanniques seront bien obligés de continuer à les acheter, à nos conditions. Mais la dévaluation durable de la livre va avoir pour conséquence que les clients vont regarder davantage les volumes d’achat, ce qui va grever les ventes. » À Bordeaux, Lionel Chol, président de l’Union des maisons, est lui aussi inquiet. « À court terme, le Brexit n’aura pas d’effet sur nos ventes. En revanche, nous craignons, à moyen terme (d’ici 6 à 12 mois), une baisse de nos sorties liée à l’inflation des prix au Royaume-Uni, confirme-t-il. Car lorsque l’on passe un palier de prix, on change de catégorie. C’est notamment le cas pour les vins à 6,99 livres, 7,99 livres ou 8,99 livres. Les effets seuils seront importants. » Même écho à Beaune, où Pierre Gernelle, directeur de la fédération des négociants éleveurs de Grande Bourgogne, estime qu’il n’y aura pas d’impact à court terme, mais sûrement à six mois-un an. « La Grande-Bretagne est un marché très concurrentiel, où les consommateurs sont très attentifs aux prix, analyse-t-il. La perte de valeur de la livre risque d’entraîner un surenchérissement des bouteilles bourguignonnes. Le Brexit va forcément ralentir le commerce, mais tout le monde a intérêt à ce que les choses se stabilisent et à ce que la libre circulation puisse se faire. »

Par ailleurs, les quatre principaux fournisseurs des Britanniques sont l’Italie, l’Australie, la France et l’Espagne. Or les quatre pays sont à la même enseigne : si la livre ne vaut plus que 1,19 euro à ce jour, elle ne vaut plus que 1,75 dollar australien. Les vins de la zone euro s’en sortent pour le moment plutôt mieux. Néanmoins, pour Lionel Chol, la situation n’est pas si favorable aux vins français, car « ils restent plus chers que les Australiens ». Pour autant, ni les négociants bordelais, ni les bourguignons n’envisagent de stratégie d’adaptation commune, « chaque entreprise ayant des problématiques propres ». À moyen terme, la montée en puissance sur d’autres marchés tels que les États-Unis ou la Chine semble néanmoins inexorable.

Parallèlement à cela, la baisse de la livre devrait inciter les Britanniques à moins voyager, ce qui risque de pénaliser l’œnotourisme. Or, selon une étude d’Atout France, les Anglais représentent 21 % des visiteurs étrangers visitant nos chais et nos caveaux, soit quelque 525 000 personnes par an. De quoi mettre du plomb dans l’aile de cette toute jeune filière.

Un autre effet du Leave pourrait être le rétablissement de barrières douanières. Les pays du Commonwealth, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande seraient alors favorisés. « Mais ce n’est dans l’intérêt de personne, et même si cela arrivait, je ne suis pas sûr qu’il y ait de gros bouleversements, relativise Pierre Gernelle. L’Australie est déjà très présente sur ce marché, très concurrentiel. » Un scénario qui semble peu probable également aux yeux de Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Cnaoc. En revanche, à terme, une hausse des taxes sur les alcools, et en particulier sur les vins, ne semble pas incongrue.

À Bruxelles, les pays d’Europe du Nord vont perdre du poids

Le dernier impact de cette sécession, et non des moindres, sera la modification des équilibres à Bruxelles. Un changement a priori plutôt en faveur de la France agricole et viticole. « Je fais partie de ceux qui ne pleurent pas en voyant le Royaume-Uni partir, confie Michel Dantin. Cela va nous simplifier la vie. Les Britanniques ont toujours tout fait pour bloquer le dispositif, et pour s’opposer à toute régulation. Les pays d’Europe du Nord vont perdre du poids ; cela va ré-équilibrer les choses. » En effet, le Royaume-Uni, n’étant pas un grand pays producteur et étant contributeur net, plaidait jusqu’à présent pour une diminution du budget de la PAC. Son départ pourrait favoriser le maintien de l’enveloppe actuelle. De même, en son absence, les pays « régulateurs » tels que la France devraient peser davantage lors des discussions, au détriment des libéraux. Par ailleurs, le Royaume-Uni faisait partie des voix européennes pro-hygiénistes, dont le camp se retrouve ainsi amoindri. Les positions de la France sur les sujets de santé devraient davantage peser.

En revanche, la défection du Royaume-Uni risque de nous desservir sur certains aspects. « Dans le cadre des accords internationaux, il était très utile d’avoir le Royaume-Uni à nos côtés, estime Pascal Bobillier-Monnot. Lorsqu’un pays libéral soutient, par exemple, l’encadrement des indications géographiques, cela a beaucoup plus de poids que lorsqu’un pays régulateur le fait. Or le Royaume-Uni y était favorable, du fait de sa production de scotch whisky. » Un atout non négligeable notamment dans le cadre des tractations avec les États-Unis. Toujours au niveau des négociations de traités internationaux, la sortie du Royaume-Uni va mécaniquement entraîner la discussion d’accords commerciaux entre le pays et l’Union européenne. Et l’on peut craindre que cela se fasse au détriment des autres traités. Ce que récuse Michel Dantin. « Il y a suffisamment de monde à la commission pour pouvoir mener tout cela de front, affirme-t-il. Mais il est certain que la négociation avec les Britanniques va demander un travail phénoménal. Nous ne savons pas encore s’ils vont négocier une coopération à la carte comme la Norvège, des accords bilatéraux comme la Suisse, ou encore un traité de libre-échange. Cela va être compliqué. Néanmoins, l’Union européenne n’a aucune raison de presser les négociations. En absence d’accord à l’issue des deux ans, les Britanniques partiront sans rien. »

Enfin, le Parlement européen va perdre des députés, ce qui va, entre autres, entraîner la recomposition du groupe parlementaire des eurosceptiques, et renforcer le poids de celui de droite, le PPE (Parti populaire européen) et de celui de gauche, le PSE (Parti socialiste européen). "Last but not least", nombre de membres de l’administration de la commission vont devoir libérer leurs sièges. Une occasion que les Français seraient bien avisés de saisir, pour peser sur les décisions européennes…

Le Royaume-Uni le sera-t-il encore longtemps ?

Avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, se pose la question de l’avenir de l’Écosse et de l’Irlande du Nord. Toutes deux ont en effet majoritairement voté pour le Remain. Voudront-elles quitter la Grande-Bretagne ? C’est ce que l’on peut penser, au moins pour l’Écosse, à l’aune des récentes déclarations de sa Première ministre, Nicola Sturgeon. Celle-ci a en effet menacé Londres d’organiser un référendum sur l’indépendance de l’Écosse en 2017, si une solution pour son maintien au sein de l’Union européenne n’était pas trouvée…

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