Vente de vin en vrac : 4 conseils de courtiers pour décrocher des marchés
Dans un contexte commercial difficile, répondre aux attentes du marché est crucial. Quatre courtiers, de quatre régions différentes, nous livrent leurs conseils.
Dans un contexte commercial difficile, répondre aux attentes du marché est crucial. Quatre courtiers, de quatre régions différentes, nous livrent leurs conseils.
![Viticulture. Commercialisation du vin. Vente en vrac au négoce. Contrôle et signature d'un bon de transport après chargement de vin dans un camion citerne de 28 000 litres ...](https://medias.reussir.fr/vigne/styles/normal_size/azblob/2024-09/_rvi321_doss_vrac_quel_vin_conseils.jpg.webp?itok=4wqrhOB2)
Être fidèle à son courtier, patient et adaptable, discuter avec son œnologue et son courtier régulièrement, ou encore savoir écouter, sont les prérequis pour travailler sur le marché du vrac. Tout comme le fait de proposer un vin de qualité. Mais quelques astuces supplémentaires permettent de se positionner au mieux sur ce marché en pleine crise et mutation.
Proposez des volumes suffisants
Dans le Bordelais, à moins de 100 ou 150 hl, il sera difficile d’écouler son vrac. « Les négociants recherchent majoritairement des lots conséquents, même si parfois, certains marchés ont besoin de plus petits volumes », observe Maxime Claeys, courtier bordelais et vice-président du syndicat régional des courtiers de Bordeaux. Dans le Languedoc, le volume minimal est plutôt de l’ordre de la citerne (250-300 hl). « On trouve toujours des solutions, mais le mieux est de tabler sur un minimum de 250 hl », confirme Louis Servat, courtier audois et président du syndicat régional des courtiers du Languedoc Roussillon. Même constat dans le Rhône. « C’est une question de coût de transport, analyse Christophe Pasta, président du syndicat régional des courtiers de la Vallée du Rhône. Envoyer une citerne pour 50 ou 250 hl coûte le même prix donc derrière, le coût de revient n’est pas le même. » En Val de Loire, cela dépendra des appellations. Dans celles qui produisent des volumes importants, il faudra viser un lot de l’ordre de la citerne. Sur les plus petites, un volume moindre pourra trouver preneur. Mais des lots de moins de 50 hl seront difficiles à écouler.
Misez sur la certification Haute valeur environnementale
Disposer d’une certification permet de « rester dans la danse, explique Maxime Claeys. Aujourd’hui, a minima, il y a besoin d’une certification de type HVE. » Il estime que 65 à 70 % des volumes vrac commercialisés sur la place de Bordeaux disposent de cette certification. « Si la propriété est certifiée, nous le renseignons systématiquement même si ce n’est pas un critère demandé par le négociant », nuance-t-il. Mêmes échos dans le sud-est de la France. « Certains clients, comme la GD française, ou Grands chais de France, demandent la HVE », note Louis Servat. Castel, pour sa part, recherche des vins certifiés Terra Vitis. En 2023, cela a représenté plus d’un quart de ses achats (800 000 hl). Pour Christophe Pasta, la HVE est aussi une carte à jouer car elle permet de différencier deux vins de qualité similaire. « Mais les prix ne sont pas plus élevés que pour du conventionnel », prévient-il. Mêmes échos dans le Val de Loire où la HVE est indispensable. « Sans cela, les portes se ferment, déclare Christine Touron-Lavigne, courtière ligérienne et présidente du syndicat régional des courtiers du Val de Loire. Et de remarquer que le négoce demande cette certification « essentiellement pour le marché national, la GD, car à l’export, la HVE est inconnue. Mais comme les négociants font des assemblages, ils ne veulent avoir que des lots HVE. »
Le marché du bio est compliqué partout en France, la demande des consommateurs étant en berne suite à l’inflation. « Mais c’est toujours bien apprécié des clients », témoigne Christophe Pasta. Quant à celui de la biodynamie, il reste destiné à des niches, sur des petits volumes et plutôt en bouteilles.
Disposez d’un éventail d’offre large mais pas trop
« Aujourd’hui à Bordeaux, ce que nous conseillons, c’est d’avoir un éventail le plus large possible de lots à proposer », introduit Maxime Claeys. Il cite des vins à 14 % vol. , des vins à faible degré, des vins souples, ronds, thermovinifiés, avec de la sucrosité, enrobants et modernes ; des vins plus structurés et traditionnels, des monocépages, etc. ; le tout en rouge. « Il faut éviter d’assembler trop tôt, sous peine de se restreindre des marchés, résume-t-il. Mieux vaut avoir 5, 6 voire 7 lots dans le chai plutôt qu’un seul. »
Christophe Pasta partage cette analyse. « Lors des bons millésimes, si tout est beau, mieux vaut garder la crème de la crème à part pour bien la valoriser, illustre-t-il. Cela va relever le prix moyen de la cave. »
Pour autant, pas question de se diversifier tous azimuts ou de s’éparpiller. « Le marché des blancs est à l’équilibre, pointe Maxime Claeys. Donc à moins d’avoir un marché en face, il n’y a pas de demande. De même, on ne se met pas à produire du rosé si on n’a pas de débouché. » Christophe Pasta est du même avis. Il ajoute que si les blancs rhodaniens se vendent bien, surtout les cépages aromatiques comme le grenache, la clairette ou le bourboulenc, le rosé ne doit être produit que sur demande, étant donné qu’il a une durée de conservation moindre que le rouge.
Tous deux précisent également que s’il faut rester attentif à l’évolution du marché des vins désalcoolisés ou primeurs, il ne faut pas se lancer sans client.
Ne pas faire de produit particulier sans marché en face
La situation est globalement similaire dans le Languedoc-Roussillon. « À moins d’avoir des préréservations ou une demande de la part d’un client, on ne va pas se mettre à produire des effervescents ou des blancs de noirs, met en garde Louis Servat. C’est dangereux de partir à l’aveuglette sur un nouveau marché, c’est un coup de poker. Mieux vaut produire ce que l’on sait produire. » Christophe Pasta est un peu plus nuancé concernant les effervescents. « Cela manque dans la région, il y en a très peu. Il y a de la demande dans des marchés de niche », expose-t-il.
Pour les rouges, Louis Servat indique qu’il y a de la demande pour des premium structurés, concentrés et colorés. « La couleur est très importante, insiste-t-il. C’est bien de jouer sur des macérations longues. » En revanche, il peut être plus compliqué de valoriser des pinots, cinsaults ou grenaches faciles à boire mais avec moins de couleur. Dans le Rhône, la tendance est aux rouges « charnus, avec du fruit, ronds, sans tanins secs et sans déviations de type Brettanomyces ou autre », avance Christophe Pasta. Syrah, marselan, mourvèdre séduisent, tout comme les thermovinifications.
Du côté des rosés, la tendance est toujours aux vins très pâles, limite blancs, proches d’une typicité Provence. « Quelques acheteurs demandent du rosé de table, avec davantage de structure, mais ce n’est pas le gros du marché, enseigne Louis Servat. J’ai certains clients qui, si le rosé est trop coloré, ne le dégustent même pas. » Sur les blancs, il attire l’attention sur l’importance de respecter la typicité des cépages. « Lorsque le marché est en forme, on arrive à commercialiser la qualité générique, mais sinon c’est compliqué », argue-t-il.
Dans le Val de Loire, les rouges collent naturellement à la tendance du marché, avec des profils fruités, pas trop taniques, ronds et souples. En revanche, les rosés font face à un marché compliqué. Pour qu’ils trouvent preneurs, ils doivent être très aromatiques, avec des couleurs de plus en plus pâles, tirant vers du rose saumon tendre, et des notes fruitées (fraise, framboise, agrumes), sans amertume. La tendance tend à un degré alcoolique moindre (0,5 % vol. de moins en moyenne) et un taux de sucre inférieur. « Le but est d’avoir des rosés frais et digestes », résume Christine Touron-Lavigne. Les blancs secs fonctionnent bien, notamment avec le chenin. Quant aux liquoreux, s’ils sont sur un profil frais, fruité, avec une sucrosité contenue, ils affichent également une belle dynamique.
Décrochez des médailles
Présenter ses vins à des concours de type Paris ou Orange peut permettre de sortir du lot. « Un vin médaillé d’or est toujours plus simple à vendre », rappelle Christophe Pasta. Maxime Claeys le constate également, mais sur le marché bouteilles. Même si ce dernier ne représente qu’une petite partie de la demande des négociants, certains disposent de marchés conditionnés, surtout à l’export, sur lesquels les médailles ou reconnaissances fonctionnent bien, à l’image des notes Hachette, Wine Spectator ou Decanter. « Il faut avoir un argument sur la bouteille, comme une collerette, un macaron, une médaille », décrit Maxime Claeys.
voir plus loin
Marché conditionné : soyez souples
Travailler avec le négoce sur des marchés bouteille implique d’être équipé d’une chaîne d’habillage et d’être capable d’une grande réactivité. « Chaque marché est particulier, argue Maxime Claeys. Il faut adapter la langue, ajouter des mentions spéciales, mettre dans un carton différent, etc., et cela de manière très rapide. »
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