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Viande caprine
Une charte pour le chevreau

La section caprine d’Interbev met en place une charte d’engraissement du chevreau. Appliquée volontairement par les naisseurs, les engraisseurs et les abatteurs, elle permettra une montée en gamme de la filière.

Est-ce le renouveau du chevreau ? Ces dernières années, les éleveurs caprins avaient parfois délaissé l’élevage des chevreaux, trop peu valorisés par rapport au lait et aux fromages. Depuis la création de la section caprine d’Interbev en 2014, la filière s’est remobilisée sur ce sujet et elle proposera en début d’année prochaine une Charte des bonnes pratiques d’engraissement des chevreaux.

« Dans son plan de filière caprin, la profession avait montré sa volonté de réenchanter la production de viande caprine, tant en termes d’images que de revenu », explique Jean-Luc Bouton en charge de la section caprine à Interbev. La charte en cours de finalisation sera un socle minimal d’engagement commun qui va permettre une montée en gamme de la production du chevreau. En s’engageant à mieux soigner les chevreaux dès leur naissance, les éleveurs pourraient contribuer à diminuer l’utilisation d’antibiotiques en engraissement. En répondant aux attentes de la société en termes de bien-être animal, les éleveurs, les transporteurs et les abatteurs peuvent aussi espérer une plus grande acceptation du chevreau dans les assiettes des consommateurs et dans les rayons des grandes surfaces.

Une démarche pédagogique pour progresser dans la biosécurité

Pour les éleveurs, les engagements reposent sur des bonnes pratiques réparties dans six domaines : identification, sanitaire, alimentation, bien-être, environnement et élevage des jeunes. « Beaucoup de ces engagements de bonnes pratiques sont déjà dans le Code mutuel caprin », rassure Jean-Luc Bouton.

Grâce à un formulaire en ligne, les naisseurs, engraisseurs, naisseurs-engraisseurs compléteront un questionnaire qui leur permet de faire le point sur leur situation. Par exemple, à l’affirmation « je boucle les chevreaux dans de bonnes conditions d’hygiène et avec du matériel propre », l’éleveur indique si ce point est correctement rempli ou s’il y a des choses à améliorer. « C’est avant tout une démarche pédagogique pour que les éleveurs progressent », assure Jean-Luc Bouton. Ainsi, en respectant les principes de biosécurité, en isolant les animaux malades, en désinfectant le cordon, en séchant le chevreau, en lui donnant du colostrum, en nettoyant et paillant correctement ou respectant les classes d’âges, les chevreaux ont plus de chance de bien grandir sans antibiotiques.

Valcabri et guide de contractualisation pour une meilleure valorisation

Une fois la cinquantaine de questions en ligne remplie, la base génère un mail de confirmation de l’adhésion à la charte. « Il n’y aura pas de visite d’évaluation des pratiques par un technicien, confirme Jean-Luc Bouton. C’est une autoévaluation par l’éleveur mais les laiteries ou les engraisseurs pourront accompagner cette démarche ». Car, si la démarche est volontaire, elle pourra être encouragée par l’aval, c’est-à-dire les trois gros abatteurs français et la quarantaine d’engraisseurs spécialisés. « Nous avons l’objectif que tous les chevreaux passent par cette charte d’ici deux à trois ans, détaille Jean-Luc Bouton. La charte a été validée, il nous reste quelques points de la grille à peaufiner mais l’objectif est la charte soit opérationnel sur le terrain en janvier 2020. »

En parallèle de cette charte, l’interprofession du bétail et des viandes travaille à la rédaction d’un guide de contractualisation qui laisse la possibilité d’inclure les coûts de production. Car, en demandant plus de soins à la naissance, un chevreau charté coûtera forcément plus cher à produire. Comme les autres sections d’Interbev et en réponse aux lois Egalim, la section caprine devrait ainsi prochainement publier, deux fois par an, des données sur les coûts de production du chevreau. Ces chiffres pourront servir aux futures négociations des prix du chevreau.

Du côté de la recherche, le programme Valcabri qui démarre devrait aussi apporter des éléments pour améliorer la rentabilité de l’engraissement à la ferme. Pour mémoire, une série d’expérimentations va tester l’engraissement de chevreaux de race pure et de chevreaux croisés pendant 30, 60 ou 90 jours. Des itinéraires techniques d’engraissement à la ferme seront également étudiés jusqu’en 2021. En plus du suivi zootechnique et économique de l’engraissement des chevreaux, de nouvelles découpes de chevreau seront testées et dégustés. Un nouveau chevreau est peut-être en train d’éclore.

En chiffres

La viande caprine en France

3 200 tonnes équivalent carcasses de viande chevreau
2 960 tonnes équivalent carcasses de viande de chèvre
55 % de la viande de chevreau française est exportée en Europe.
60 % de la viande de chevreau fraîche consommée en France est vendue en grande surface, principalement sous forme de demi-carcasses mises en barquette.
40 % de la viande de chevreau fraîche consommée en France est vendue en boucherie ou circuits courts.
Source : Idele/Ovinfos/Interbev

Du chevreau en octobre

Mélanger la viande caprine et le mois d’octobre et voici Goatober, contraction de goat (chèvre en anglais) et d’october (octobre). Créé en 2011 aux États-Unis et repris en 2016 en Grande-Bretagne par le chef anglais James Whetlor, Goatober veut valoriser la viande de chevreau à d’autres moments qu’à Noël et Pâques. En Ile-de-France, Centre, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie ou Auvergne-Rhône-Alpes, plusieurs restaurants ont ainsi mis du chevreau à leur carte en octobre.

Une viande encore trop méconnue

Le cuissot de chevreau de quatre heures mariné au citron et au miel et les carrés de côtes de côtes de chevreau grillé au romarin ont été cuisinés par Alexandre Bottée de Toulmon, le chef et boucher du restaurant-boucherie Bidoche à Paris. © D. Hardy

Pour Alexandre Bottée de Toulmon, le chef et boucher du restaurant-boucherie Bidoche à Paris, cuisiner du chevreau pour la première fois a été un vrai défi. En transformant le chevreau en boulette, cuissot de 4 heures mariné ou carré de côtes grillé au romarin, il a pu apprécier la finesse et la saveur naturelle d’une viande maigre, fondante et, finalement, facile à cuisiner. Le restaurateur espère jouer sur la curiosité de sa clientèle pour la servir en salle. Car si la viande de chevreau est consommée occasionnellement dans les régions d’élevage (Centre-Ouest, Centre, Rhône-Alpes, Sud-Est…), elle reste méconnue d’une grande partie des Français.

Une consommation à désaisonnaliser

« Nous avons besoin de remettre le chevreau en phase avec les consommateurs d’aujourd’hui, appelle Franck Moreau, éleveur du Cher et président de la section caprine d’Interbev. Il faut notamment qu’il soit présent dans les grandes surfaces. On en trouve à Noël et à Pâques mais les opérateurs doivent ensuite à chaque fois batailler pour les remettre en rayon ». En faisant la promotion régulière du chevreau, l’interprofession du bétail et des viandes espère désaisonnaliser la consommation. Pour James Whetlor qui promeut la consommation de viande caprine en Grande-Bretagne mais aussi en Australie, Pays-Bas, Irlande, Canada, Espagne, Italie ou Trinidad, « plus on parle de la viande de chevreau, mieux c’est. Cela permet de valoriser les mâles et, au final, de donner plus de revenus aux producteurs ». Impressionné par le développement mondial de Goatober, le chef de 42 ans conclut : « tout cela n’aurait pas pris si cette viande n’était pas délicieusement goûteuse ! »

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