Royaume-Uni : comment se porte la filière ovine post-Brexit ?
Le Salon du mouton britannique, le NSA Sheep Event, a été l’occasion de faire le point sur la situation des éleveurs près de quatre ans après la sortie de l’Union européenne.
Le 30 juillet dernier, le Salon du mouton britannique ouvrait ses portes dans le Worcestershire, à 200 kilomètres au nord-ouest de Londres. Tous les deux ans, la National Sheep Association rassemble les professionnels de la filière ovine autour de séminaires, démonstrations et ateliers sur les enjeux du mouton au Royaume-Uni.
Une transition en douceur
Sous les flashs des photographes, le tout nouveau ministre d’État à l’Environnement, à l’Alimentation et aux Affaires rurales Daniel Zeichner a ouvert la journée en présentant les travaux en cours sur la filière ovine. Les questions sur les nouveaux programmes de subvention fusent, les réponses se veulent rassurantes mais restent floues.
Huit ans après le référendum qui a acté le Brexit, le gouvernement britannique s’est finalement débarrassé de la politique agricole commune, qui accordait des subventions proportionnelles à la surface exploitée. En moyenne, ces aides représentaient 55 % du revenu agricole anglais en 2019, selon le ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales.En 2021, les agriculteurs ont continué à percevoir les mêmes aides que les années précédentes, mais elles ont été financées par le Royaume-Uni. À partir des années suivantes, les paiements directs diminuent jusqu’à disparaître en 2028, et sont compensés par des programmes environnementaux. Il s’agit notamment de planter des haies et des arbres, de restaurer des tourbières ou de contribuer à la purification de l’air ou de l’eau.
Les exportations augmentent
« Nous craignions des taxes à l’importation importantes en sortant de l’Union européenne, mais nous avons passé un accord pour les limiter, souligne Phil Stocker, directeur du syndicat national ovin (NSA). Grâce à cet accord le prix de l’agneau n’a pas tellement évolué. » Les exportations d’agneau semblent bien se porter depuis le Brexit, dépassant de 6 % la moyenne 2015-2019 l’année dernière.« L’Union européenne reste le principal importateur de l’agneau anglais, la France jouant un rôle important là-dedans. » La production diminue légèrement, « pour s’adapter au recul des achats par les consommateurs » selon l’Institut de l’élevage, dégageant ainsi des volumes pour l’exportation.
La souveraineté alimentaire en péril ?
Avec le poids des programmes environnementaux dans la nouvelle politique agricole anglaise, certains éleveurs craignent une réduction de la surface allouée à la production agricole et, par conséquent, un risque pour la souveraineté alimentaire du pays.
Certains programmes semblent en effet plutôt attrayants à première vue. Le programme « bordures, blocs ou bandes de gazon riches en fleurs » rapporte 798 livres (ou 941 euros) par hectare, ou encore « nourriture d’hiver pour oiseaux sur terres arables et horticoles » qui rapporte 853 livres (ou 1 006 euros) par hectare. Il pourrait devenir tentant pour certains agriculteurs de convertir des superficies importantes dans ces actions, qui peuvent rapporter davantage que certaines surfaces en culture.
Si les opinions sur les nouveaux programmes environnementaux divergent, le nouveau système de paiement semble mieux convenir aux agriculteurs en termes de charge administrative, qui était l’un des points les plus critiqués de la politique agricole commune.
Des initiatives pour valoriser la laine
Le Brexit a également poussé les éleveurs à revoir leur utilisation de la laine. « Beaucoup d’innovations ont vu le jour ces dernières années, poursuit Phil Stocker. La laine devient intéressante pour l’isolation, l’emballage, ou les vêtements. » Le pays voit émerger des entreprises de fabrication de pulls, cardigans et joggings, qui répondent à une demande grandissante des consommateurs de s’habiller local, même si les prix restent élevés. Les protège-tronc en laine semblent également bien fonctionner auprès des particuliers qui souhaitent limiter l’utilisation du plastique dans leur jardin.Le Royaume-Uni a également vu grandir la production de compost à base de laine ou encore de granulés fertilisants, qui présentent des concentrations d’azote et de soufre accrues. « La génétique a également un rôle à jouer dans la qualité de la laine, car nous avons mis ce caractère de côté pendant longtemps. Finalement, la Covid-19 et le Brexit ont forcé la filière ovine à mieux valoriser ce produit, plutôt que de se contenter de solutions court-termistes. »
Investir pour lutter contre le parasitisme
Avec des pertes à la mise bas en moyenne de 20 % au niveau national, la gestion du parasitisme et des maladies abortives est au cœur des préoccupations. « La santé et le contrôle des parasites sont probablement le seul domaine où nous devrions investir davantage », admet le directeur du syndicat ovin.Les vers gastro-intestinaux sont bien présents sur le territoire anglais et font souffrir les élevages en plein air, particulièrement exposés au parasitisme. « Le défi consiste à faire adopter les bonnes pratiques dans les exploitations agricoles. Il y a beaucoup de travail en cours pour lutter contre le parasitisme, au travers de pâturages plus propres et d’une plus grande résilience dans notre génétique, mais ces innovations n’atteignent pas toujours les élevages. »
William Cawley, éleveur ovin dans le Herefordshire
Une réalité du terrain bien différente
« Les nouveaux programmes environnementaux ont été vendus aux agriculteurs comme remplacement des anciens paiements directs, mais il semble qu’ils servent à réduire les fonds destinés à soutenir les agriculteurs. Avec les programmes “Countryside Stewardship” pour la modernisation, le gouvernement vise à concentrer les fonds en immobilisations, en équipement et en innovation pour stimuler la croissance économique par une efficacité accrue à la ferme.
Dans un monde parfait, cela signifie que plus de terres seraient disponibles pour les biens environnementaux. En pratique, le tableau est très différent. Aucune quantité de béton ni un tracteur flambant neuf n’empêcheront la météo de détruire nos parcelles ou les marchés de prendre une tournure cruelle. »
Le saviez-vous ?
Le système de paiement basé sur des programmes environnementaux ne s’applique qu’à l’Angleterre. Les autres nations du Royaume-Uni ont opté pour un système de subvention basé sur le même principe des paiements directs de la politique agricole commune.