Un bâtiment novateur axé sur le bien-être du porc, chez Patrice Drillet, président de Cooperl
Cooperl a conçu un nouveau bâtiment d’engraissement pour répondre au défi du bien-être, mais aussi de l’environnement et des économies d’énergie. Un prototype a été présenté chez son président.
Cooperl a conçu un nouveau bâtiment d’engraissement pour répondre au défi du bien-être, mais aussi de l’environnement et des économies d’énergie. Un prototype a été présenté chez son président.
Deux ans ont été nécessaires aux équipes bâtiments et R & D de la Cooperl Arc Atlantique (CAA), pour concevoir ce prototype de 420 places d’engraissement, réalisé chez Patrice Drillet, gérant de l’EARL Mez Ar Forn et président de la coopérative. Le rendu final, unique en France, est assez surprenant. Vu de l’extérieur, deviner que c’est un outil porcin ne saute pas aux yeux. Son habillage imitation bois et l’absence d’équipements du fait de la ventilation statique font qu’il s’intègre esthétiquement dans le paysage. Une fois à l’intérieur, la découverte de plantes vertes étonne, dans un premier temps. Passé cet effet, l’impression d’espace liée au grand volume mais surtout de lumière naturelle font lever la tête. Et là, à l’emplacement d’un faîtage d’ordinaire fermé, s’ouvre un lanterneau de 30 m de long sur 3 m de large qui donne un accès direct au ciel. Tout de suite, on prend la dimension de l’effort réalisé pour le bien-être animal mais aussi pour la personne qui va travailler dans ce bâtiment.
Double climat
Pour concevoir ce prototype, l’inspiration des services techniques de la CAA vient essentiellement de conceptions autrichiennes et allemandes auxquelles des modifications ont été apportées afin de créer un bâtiment bien-être « made in La Cooperl ». Le concept initial se base sur la volonté de respecter le rythme circadien de l’animal avec une zone de couchage différenciée de la zone de vie pour une surface totale de 1,2 m²/porc et un double climat. La première, qui attribue 0,5 m² par porc, est située sur les deux côtés du bâtiment. Elle doit apporter un confort maximal propice au repos : chaud en hiver et frais en été. Pour ce faire, cet espace est cloisonné par des murs isolés. Le sol en béton plein est chauffé et recouvert de menue paille distribuée automatiquement. La deuxième zone, sur caillebotis béton, est située au centre. Avec un grand volume et de la lumière naturelle, l’ambiance se rapproche de l’extérieur. C’est à cet endroit que l’animal s’alimente et fait ses déjections. La préfosse sous le caillebotis est quotidiennement raclée par le système Trac. Plusieurs plans ont été imaginés avant d’aboutir à un bâtiment final qui, pour les techniciens et ingénieurs du groupement, doit « permettre de conserver des performances technico-économiques au plus proche de celles d’un porc élevé dans un engraissement standard ».
Charpente en lamellé-collé
Les concepteurs sont restés sur l’idée d’un bâtiment fermé sur les côtés afin d’éviter tout contact avec des contaminants extérieurs. Un filet antivolatiles équipe également le lanterneau. Pour des raisons économiques et techniques, le groupement a fait le choix de travailler avec une toiture en double pente. « Le monopente engendrait des surcoûts, explique Fabrice Le Fevre, technicien bâtiment CAA. Cette architecture, avec une charpente bois en lamellé-collé, nous a permis de travailler sur une grande largeur de bâtiment (21 m) mais aussi d’optimiser l’installation du Trac. » Contrairement à une charpente bois classique, le lamellé-collé a aussi l’avantage de ne pas retenir la poussière et d’apporter un plus côté esthétique.
Luminosité naturelle
Les zones de couchage ont été implantées sur les côtés du bâtiment et non au centre comme d’autres conceptions du même style. Plusieurs raisons expliquent ce choix. Lors des différentes visites, les techniciens avaient remarqué la difficulté de bien ventiler en statique la zone de couchage lorsque cette dernière se situait au centre du bâtiment. En inversant la disposition des zones, ils espèrent mieux la maîtriser avec un accès plus direct à l’air frais via des trappes murales de régulation. Pour la zone de vie, cette disposition donne du volume et de la luminosité naturelle grâce à un lanterneau. Elle permet aussi à l’éleveur d’avoir un visuel général sur ses animaux lors de l’alimentation. « Notre idée était d’arriver à ce que l’animal dispose d’une même ambiance que s’il était dehors, avec ici l’avantage d’être abrité », explique le technicien. L’absence de stockage de lisier sous le bâtiment grâce au système de raclage en V favorise la bonne ambiance et la maîtrise d’une ventilation statique.
L’effet de la porte ouverte organisée par CAA, le 27 juillet dernier, a été réussi. Reste maintenant à confirmer les choix techniques.
Vers un nouveau segment de production
Patrice Drillet avance deux raisons qui l’ont incité à se lancer dans ce type de bâtiment. « D’une part, le consommateur mange moins de produits carnés mais veut du goût, du sain et de l’éthique dans l’acte de production. Le marché s’ouvre à de nouvelles perspectives pour peu que l’on propose des innovations dans le modèle d’élevage. » La seconde raison est liée à la nouvelle génération d’éleveurs, plus sensible selon lui à cette tendance : « prendre le risque d’innover c’est aussi avoir une plus grande chance d’avoir un successeur ».
Trois cahiers des charges respectés
En plus d’améliorer le confort de vie des animaux, ce bâtiment répond aux exigences du label rouge sur paille. Les porcs engraissés seront également nourris sans OGM et élevés sans antibiotique dès la fin du sevrage. Trois cahiers des charges, officiels et privés, gages de qualité, seront ainsi respectés. Par ailleurs, grâce au système de raclage des déjections Trac, le bâtiment préserve l’environnement, participe à l’économie circulaire et à la transition énergétique, et valorise les produits organiques. En effet, on sait que le système de raclage en V divise par trois la surface normalement nécessaire à un plan et réduit de 50 % les émissions de gaz à effet de serre dont notamment l’ammoniac. La matière solide rachetée 20 euros la tonne par la CAA servira à alimenter son unité de méthanisation en cours de construction. Baptisé « Emeraude bio-énergie », ce projet qui vise à injecter du biogaz dans le réseau de gaz domestique GRDF, couvrira 75 % de la consommation de la ville de Lamballe. À lui seul, le nouveau bâtiment de l’EARL Mez Ar Forn alimentera 12 foyers.
Déjà plusieurs bâtiments similaires en Autriche et en Allemagne
Ce type de bâtiment, respectant le cycle circadien des animaux avec deux zones de vie, existe déjà depuis peu dans des pays où la pression sociétale est forte, tels que l’Autriche ou l’Allemagne. Néanmoins, encore en très faible nombre, ils sont construits par des éleveurs soucieux de valoriser leur production en vente directe par le bien-être animal. Ils créent ainsi de la valeur ajoutée pour mieux amortir le surcoût lié à l’investissement de l’infrastructure. Car ces bâtiments alternatifs ne sont pas destinés à une production dite conventionnelle. La surface de vie des animaux, 84 % supérieure à un système classique, engendre un coût (non communiqué par CAA puisqu’il s’agit d’un prototype) qui ne peut être couvert par un simple prix cadran VPF. Il faut donc aller chercher plus et se tourner vers un segment de production supérieur au label rouge sur paille. Les attentes sociétales de plus en plus exigeantes sur les conditions de vie des animaux le justifient.
Esthétisme, espace et confort
Le bâtiment d’engraissement de 420 places est divisé en 28 cases de 15 animaux. Sa longueur totale (fumière et locaux technique compris) est de 47 mètres, pour une largeur de 21 mètres. Sa hauteur va de 2,7 à 6,60 mètres sous le faîtage.