Le porc progresse dans le monde, l’Europe trinque
La production de porcs a encore augmenté en 2023 dans le monde. Seule l’Europe accuse un repli marqué.
La production de porcs a encore augmenté en 2023 dans le monde. Seule l’Europe accuse un repli marqué.
Lors du forum « Le grand rendez-vous de l’élevage de porc français » organisé par la FNP à Paris le 21 novembre dernier, Élisa Husson, économiste à l’Ifip, a présenté les faits marquants qui caractérisent la production porcine des principaux pays producteurs de porcs dans le monde.
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« En 2023, la production mondiale était au sommet, avec un volume de 115 millions de tonnes équivalent carcasses (tec) produites, en progression de 0,8 % sur un an. » Mais tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Les pays émergents profitent de l’augmentation de la demande pour gagner des parts de marché. Les géants de la production (Chine, États-Unis) souffrent de la crise économique mais maintiennent leurs positions. L’Union européenne se démarque par un repli prononcé de sa production.
La production brésilienne en plein essor
Pour les producteurs de porcs brésiliens, tous les indicateurs sont au vert : des coûts de production compétitifs, une consommation intérieure dynamique grâce à l’augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs et une demande forte à l’export. Les exportateurs gagnent des parts de marché en Asie. Ils diversifient également leur clientèle en allant chercher des débouchés dans des pays voisins (Chili, Mexique, République dominicaine). De grands groupes agroalimentaires tels que JBS investissent aussi bien dans le pays qu’à l’étranger.
La Russie se renforce à l’international
La production russe est excédentaire depuis 2018, grâce notamment à un soutien sans faille de l’État.
« Les entreprises russes ont construit des élevages performants sur le modèle américain », explique Élisa Husson. Le renforcement des liens politiques et économiques avec la Chine aura très prochainement des répercussions directes sur les volumes de viande porcine destinées à ce pays. La Russie compte en effet y exporter environ 200 000 tonnes par an, soit 10 % des importations totales de l’empire du Milieu, selon Pig progress. Ces volumes lui permettraient de doubler ses exportations actuelles.
Une économie chinoise à la peine
Dans un contexte économique globalement fragile, la production porcine du pays est confrontée à une baisse de la demande intérieure.
Les prix du porc à la production ont chuté et la rentabilité n’est pas au rendez-vous. « Les petits producteurs sont les plus impactés par cette crise », constate Élisa Husson. Beaucoup d’entre eux liquident leur cheptel. En revanche, les grands groupes développent leurs activités dans le pays et à l’étranger. « La Chine souhaite élargir sa sphère d’influence en Amérique du Sud, en Europe… par l’achat d’entreprises. Par ailleurs, ils veulent augmenter leur éventail de fournisseurs, et favorisent les liens commerciaux avec des pays émergents tels que le Brésil et la Russie. » Début octobre, le pays a levé l’embargo sur les produits porcins russes mis en place en 2004 quand les premiers cas de peste porcine africaine étaient apparus… Malgré la déclaration de 38 nouveaux foyers dans les élevages russes depuis le début de l’année 2023 (décompte réalisé fin novembre).
Les élevages américains en crise
Le marché intérieur américain de la viande de porc est en pleine crise, avec une demande restreinte et une rentabilité des élevages négative. De plus, des freins à la production risquent prochainement de pénaliser les producteurs du pays. « 2024 est l’année de la mise en application des lois sur le bien-être animal, initiées en Californie et reprises dans beaucoup d’autres États de l’Union », indique Élisa Husson. Cependant, les méga entreprises américaines maximisent les opportunités de croissance à l’export, vers le Mexique et la Chine notamment. Cette volonté d’export se traduit par de nouveaux débouchés, « vers la Corée du Sud et la Colombie par exemple ».
Repli historique dans l’Union européenne
Dans l’Union européenne, les abattages de porcs ont reculé de 8,5 % sur les sept premiers mois de l’année, en comparaison avec la même période de 2022.
« Cela équivaut à 11,4 millions de porcs en moins, soit la moitié de la production française sur une année », s’alarme Élisa Husson. Sur le premier semestre de l’année, la baisse la plus forte est en Allemagne (-13,5 %), suivie de l’Espagne (-11,1 %) et les Pays-Bas (-9,4 %). La France s’en sort à peine mieux (-5,7 %). « Cette baisse n’est certainement pas terminée », estime Élisa Husson. L’économiste souligne le poids important des cadres réglementaires européens et nationaux (bien-être animal, environnement…), générateurs de surcoûts. La pression sanitaire est toujours importante, avec notamment la peste porcine africaine qui bloque les exportations de pays importants comme l’Allemagne. Par ailleurs, elle souligne la concurrence internationale intense et estime que les échanges pourraient à terme se régionaliser, avec en Europe un renforcement du positionnement de l’Espagne.