L’acidification, une alternative efficace aux antibiotiques en élevage de porcs
Les associations d’acides dans les aliments ou l’eau de boisson constituent une solution efficace pour apporter une sécurité bactériologique via l’aliment et l’eau de boisson tout au long du tractus digestif.
Les associations d’acides dans les aliments ou l’eau de boisson constituent une solution efficace pour apporter une sécurité bactériologique via l’aliment et l’eau de boisson tout au long du tractus digestif.
Il n’existe pas un acide capable à la fois d’améliorer la digestion des nutriments et de contrôler la flore pathogène des aliments et de l’eau. « Cependant, en associant judicieusement plusieurs types d’acides, on peut arriver à constituer une réelle alternative naturelle et efficace aux antibiotiques », affirmait Emmanuel Landeau, chef produit porc Vitalac, lors d’une réunion Airfaf organisée à Carnoët, dans les Côtes-d’Armor. Des acides dont le rôle se situe en premier lieu dans l’estomac. Cet organe joue, en effet, le rôle d’un sas de décontamination. Grâce à un pH très bas (entre 2,5 et 4) permis par une sécrétion importante d’acide chlorhydrique (HCl), il diminue la pression bactérienne du bol alimentaire. « C’est ce qu’on appelle une action bactériostatique, c’est-à-dire que l’acidification du milieu empêche le développement des germes pathogènes », explique Emmanuel Landeau, qui rappelle que la plupart des bactéries pathogènes ne peuvent pas se développer dans un milieu dont le pH est inférieur à 4. L’acidité de l’estomac permet aussi d’activer les enzymes sécrétées (pepsine) dont le rôle est de faciliter la dégradation des protéines, et donc la digestion des aliments. Or, un porcelet sevré ne secrète pas beaucoup d’acide chlorhydrique. Ainsi, le pH de son estomac est élevé. Son action bactériostatique est donc trop faible pour empêcher la croissance des bactéries pathogènes et pour activer les enzymes digestives. « Un porcelet ne devient adulte d’un point de vue digestif que trois à quatre semaines après le sevrage », souligne Emmanuel Landeau. Ce qui explique que s’il ingère des matières premières contenant des protéines qu’il ne digère pas (tourteaux, céréales crues…), il sera plus sensible d’un point de vue digestif. En acidifiant son aliment et/ou son eau de boisson, on peut ainsi aider le processus naturel d’acidification de l’estomac. Cette acidification se fait d’autant plus facilement que l’acide utilisé est fort (acide phosphorique par exemple). Cette baisse a pour effet à la fois d’améliorer la digestibilité des aliments, et d’éviter les diarrhées provoquées par la fermentation bactérienne des protéines partiellement digérées migrant vers la partie basse du tube digestif.
Une action efficace contre les bactéries pathogènes
L’acidification permet aussi d’avoir une action bactéricide, c’est-à-dire qu’elle permet de tuer les bactéries pathogènes responsables de troubles digestifs. Les acides les plus efficaces pour cette action sont les acides faibles, plus particulièrement les acides organiques absorbés sous leur forme non dissociée (acide formique par exemple). Ils sont les seuls acides à pouvoir entrer dans les bactéries pathogènes afin de les détruire de l’intérieur, grâce à la libération de leurs atomes d’hydrogène qui acidifie le contenu cellulaire. Ces acides n’ont pas la même efficacité selon les types de contaminants. L’acide formique agit essentiellement contre les bactéries gram -, dont les Escherichia coli. Il est donc bien utile pour éviter le recours à l’antibiothérapie en post-sevrage. Par ailleurs, les acides ont la capacité de libérer leurs atomes d’hydrogène à des niveaux de pH différents. « En associant plusieurs acides efficaces à différents pH, on peut donc intervenir tout au long du tractus digestif dont le pH varie de 2,5 dans l’estomac, jusqu’à 8,5 dans le gros intestin », fait remarquer Emmanuel Landeau.
Les acides faibles comprennent aussi la famille des acides gras volatils (AGV), parmi lesquels figure l’acide propionique. Ces AGV sont une source d’énergie importante pour les entérocytes, ces cellules de la paroi intestinale qui servent à la fois à l’absorption de certains nutriments et à la sécrétion d’enzymes. C’est également un carburant essentiel des lactobacilles, une flore naturellement présente dans le tractus digestif et qui joue un rôle bénéfique pour le bon déroulement de la digestion.
Des effets prouvés sur la flore bactérienne des pré-soupes
Vitalac a mesuré l’effet de son mix d’acides (Vitacid) incorporé dans la soupe ou la pré-soupe de 38 élevages de porcs. « Nous avons constaté une réduction du nombre de coliformes dans 80 % des cas », souligne Élodie Stéphan, experte en démarches nutritionnelles. Cette réduction est d’autant plus importante que le niveau de coliforme initial est élevé. Elle note aussi une baisse quasi-systématique du nombre d’entérobactéries de bactéries lactiques, sans que le nombre de bactéries lactiques, favorables à la digestion, soit affecté. « Il existe un effet dose important », prévient-elle. Dans une pré-soupe, l’acidifiant doit être ajouté à la dose de 4 à 5 litres par tonne au minimum dans une première phase puis par la suite être réduite en fonction de l’assainissement de cette pré-soupe. L’effet du mix d’acides se traduit également par une amélioration des performances quand la qualité sanitaire de l’alimentation ou de l’abreuvement est mise en cause. « Dans un élevage qui subissait des dérapages digestifs au démarrage, on a réussi à améliorer le GMQ 30-115 de 46 g/j et l’indice a été réduit de 0,22, et le taux de pertes de 1,3 %, par l’ajout de Vitacid dans la pré-soupe. » En ce qui concerne l’eau de boisson, Vitalac préconise une supplémentation minimum à 500 ml/m3 pour obtenir un effet bactéricide. « Cette dose sera à moduler à la hausse en fonction des caractéristiques physico-chimiques de l’eau que Vitalac contrôle par un kit de prélèvement et d’acheminement de l’échantillon d’eau », conclut Elodie Stéphan.