Un abattoir allemand choisit la vaccination pour remplacer la castration à vif des porcelets
À partir du 1er janvier 2021, les naisseurs allemands auront interdiction de castrer leurs porcelets mâles à vif. Ils doivent choisir entre élever des mâles entiers, castrer sous anesthésie ou vacciner. L’abattoir Tummel encourage ses livreurs à partir sur cette dernière option.
À partir du 1er janvier 2021, les naisseurs allemands auront interdiction de castrer leurs porcelets mâles à vif. Ils doivent choisir entre élever des mâles entiers, castrer sous anesthésie ou vacciner. L’abattoir Tummel encourage ses livreurs à partir sur cette dernière option.
À Schöppingen, à une encablure de la frontière néerlandaise, l’abattoir Tummel tourne à un rythme de 13 000 porcs par semaine. Il a abattu ses premiers mâles vaccinés à l’Improvac en août 2019. À l’automne 2020, les abattages cumulés de cette catégorie d’animaux atteignaient quelque 50 000 têtes. « Nous avons pris contact avec la société Zoetis en février 2019 et visité un abattoir belge dans la foulée. Nous voulions prendre les devants pour être prêts le jour J ! En ne proposant rien, les cessations d’activité auraient été plus nombreuses », justifie Reinhard Daldrup, responsable des achats chez Tummel. L’abattoir est approvisionné par un bon millier d’ateliers. En septembre 2020, 140 d’entre eux s’étaient convertis à la vaccination, un chiffre que Tummel espère doubler d’ici la fin de l’année.
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Jusqu’à 3 euros de plus par carcasse
« Nous ne croyons pas aux mâles entiers. Leur agressivité entraîne des combats. Leur carcasse est souvent abîmée. Ces animaux sont trop stressés pour donner une viande de qualité. Le risque de viande odorante n’est pas non plus à écarter. La repérer demande un important déploiement de moyens. Tout cela coûte cher, reprend Reinhard Daldrup. La castration sous anesthésie, c’est beaucoup d’organisation, de temps et de main-d’œuvre. En revanche, la vaccination à deux injections programmées à 35 et 90 kilos est une méthode facile à mettre en œuvre par l’éleveur. C’est ce que nous recherchons. Sa mise en œuvre nécessite une étroite collaboration entre éleveur et abatteur afin de bien positionner et de bien enregistrer les interventions sur les cochons, s’assurer qu’ils sont bien calmes quand ils arrivent à l’abattoir. Nous avons formé nos éleveurs à la vaccination. Ils nous remercient de leur avoir donné une alternative. »
Selon une étude menée en 2018 par la vétérinaire Barbara Poulsen-Nautrup, l’éleveur est le premier gagnant de la vaccination. Car le GMQ des porcs vaccinés augmente de 32 grammes par jour, leur indice de consommation baisse de 0,23 en engraissement et le rendement en viande des carcasses est supérieur de 1,2 % aux mâles castrés. Reinhard Daldrup affirme d’expérience : « ces animaux sont plus calmes, leur peau est intacte, leur viande bien rose, juteuse, avec suffisamment de gras pour structurer le jambon. Le rapport TMP/gras est satisfaisant. C’est une viande de porc normale ». À la découpe, l’abattoir valorise une telle carcasse à 50 % en viande fraîche, à 25 % en boucherie et à 25 % à l’export. Son meilleur classement se traduit par un plus de 2 et jusqu’à 3 euros par carcasse. Concrètement Tummel paye ces porcs sur la même grille de prix que les autres et sans séparer les carcasses des animaux castrés et vaccinés. Avant de franchir le pas, l’abattoir s’est assuré de ses débouchés. « Cinq de nos clients ont d’abord refusé d’en acheter. Nous avons pris le temps d’échanger avec eux et ils ont changé d’avis. Nous avons de bons retours de la part des transformateurs », affirme Reinhard Daldrup.
Un moyen de rester compétitif
À l’échelle nationale, le porc mâle vacciné n’a aujourd’hui plus si mauvaise presse qu’il y a encore vingt mois. « Le consommateur n’a pas à avoir peur. Le vaccin est sûr. Il respecte parfaitement le bien-être animal. Il laisse une empreinte carbone moindre. Les animaux produisent un lisier moins chargé, ce qui est bénéfique pour l’environnement », argumente Andreas Kracke, directeur de Zoetis Allemagne. Tönnies, premier abatteur allemand, « les traite en routine ». Westfleisch et Vion, ses deux principaux concurrents, les intègrent progressivement dans leur programme. « Toute la grande distribution à l’exception de Edeka Nord, suit le mouvement tout comme l’export vers les pays tiers », souligne Andreas Kracke. La vaccination a de plus l’avantage de permettre aux naisseurs nationaux de rester compétitifs, comparés à leurs collègues danois et néerlandais qui envoient 100 000 porcelets par mois aux engraisseurs allemands. Les premiers calculs de coût de revient estiment que castration sous anesthésie comme vaccination représentent une dépense d’environ 4 euros par tête. « Sauf que la situation n’est pas du tout comparable », enchaîne Andreas Kracke. « La castration sous anesthésie représente un coût supplémentaire impossible à rattraper en engraissement. C’est totalement l’inverse pour la vaccination. Elle s’amortit largement sur la seule phase d’engraissement grâce à l’amélioration de l’IC et un meilleur classement à la sortie des animaux et sans préjuger de la grille de paiement. »
Il y aurait environ 500 élevages allemands à vacciner leurs mâles fin 2020. L’augmentation de ce nombre est directement liée au choix des producteurs, mais aussi à la réponse que les autorités donneront à la question de savoir si l’Improvac pourra être utilisé en conduite bio. Une quinzaine d’organisations, du syndicat majoritaire DBV à des associations de défense de la cause animale, tout en passant par la grande distribution, soutiennent cette solution. Mais si l’éthique bio la refusait, cela mettrait à mal son acceptation par les éleveurs conventionnels.
Faire jeu égal avec l’anesthésie
En Allemagne, les atouts de la vaccination Improvac en termes d’un plus faible indice de consommation, de qualité de viande, de calme des animaux, de bien-être animal et d’innocuité en comparaison à la castration par anesthésie se heurtent encore à une certaine réticence des distributeurs dont certains craignent que ce produit soit assimilé à une hormone. Mais les experts tablent sur ses chances de progresser à moyen terme. Zoetis pense se tailler une part de marché oscillant entre 30 et 50 %, et ainsi faire jeu égal avec la castration sous anesthésie. Le laboratoire table sur un rythme de vente de deux millions de doses par mois dès 2021 contre 100 000 par mois en 2020. Son équipe d’intervention, qui grossira de 19 à 45 opérateurs en 2021, est prête à intervenir en direct dans les élevages qui le lui demanderaient. Cette solution externe devrait concerner 10 % des animaux à vacciner, les autres étant traités par les éleveurs eux-mêmes.