Pourquoi la pénurie de main-d’œuvre en abattoir de porc s’accentue en Europe
Les abattoirs font face à un manque croissant de main-d’œuvre dans l’Union européenne. Pour répondre à cette pénurie, un développement de l’automatisation des chaînes d’abattage et de découpes s’envisage, même si de nombreuses contraintes complexifient ce déploiement.
Les abattoirs font face à un manque croissant de main-d’œuvre dans l’Union européenne. Pour répondre à cette pénurie, un développement de l’automatisation des chaînes d’abattage et de découpes s’envisage, même si de nombreuses contraintes complexifient ce déploiement.
Depuis des années, l’industrie de la viande est confrontée aux manques de personnel pour mener à bien ses activités d’abattage, de découpe et de transformation de la viande.
Malgré les améliorations considérables apportées ces dernières années grâce à de lourds investissements, le secteur reste intense en main-d’œuvre. Les conditions de travail pénibles (basses températures, forte humidité, bruit, positions physiques contraignantes, etc.) participent à la difficulté de recruter. Cette pénurie de main-d’œuvre ne se limite pas aux pays d’Europe de l’Ouest. Il s’observe aussi dans toute l’Union européenne et dans plusieurs pays du monde, en particulier d’Amérique du Nord. L’industrie de la viande fait donc appel depuis de nombreuses années à du personnel étranger, venu notamment d’Europe de l’Est. Cependant, ces derniers ne suffisent pas au besoin de main-d’œuvre aujourd’hui supérieur à l’offre. Par conséquent, les abattoirs augmentent les salaires pour rester attractif, engendrant une hausse des coûts salariaux. Pour pallier en partie à cette carence, ainsi qu’à l’augmentation du poste des coûts de main-d’œuvre, des investissements doivent être réalisés pour placer des équipements automatisés. Les réglementations nationales, qui s’orientent de plus en plus vers une amélioration des conditions de travail (limitations des charges portées, temps d’exposition au froid, etc.), sont propices au développement de l’automatisation. Le bien-être des salariés est également une préoccupation au cœur de ce processus d’innovation.
Une automatisation complexe
Le développement de l’automatisation dans les abattoirs de porcs est sans aucun doute une affaire plus complexe que dans d’autres secteurs tels que la volaille. Premièrement, le porc couvre une gamme beaucoup plus large de produits, adaptés à une grande variété de clients tant au niveau national qu’international. En effet, de nombreux clients expriment des demandes spécifiques (jambon désossé, coupes de pièces, etc.). Les coupes les plus connues sont les « coupes hollandaises » ou bien les « coupes danoises ». Deuxièmement, les adaptations de la chaîne d’abattage sous forme de machines ou de robots entraînent immédiatement des investissements importants et souvent difficiles à mettre en œuvre. De fait, les machines pour le porc, plus volumineuses qu’en volaille, ont besoin de plus d’espace qu’un ou plusieurs employés pour une même opération. Très souvent, les abattoirs ne disposent pas d’espace suffisant, ce qui nécessiterait des agrandissements considérables. Outre l’aspect coût, un projet de construction d’un nouvel abattoir se heurte dans de nombreux pays à une forte opposition de la part des riverains, qui ne souhaitent pas être confrontés aux nuisances de transport des animaux et de la viande. Toutefois, le secteur de l’abattage ne pourra se passer de l’automatisation.
Développer l’attractivité des métiers
Plusieurs abattoirs, afin d’attirer les travailleurs, offrent des logements à leur personnel. Cette pratique est particulièrement vraie dans les pays qui connaissent de graves pénuries de logements, notamment en Allemagne. Cela engendre in fine des coûts plus élevés pour les abattoirs. Une partie de la solution réside alors dans l’adaptation de l’organisation du travail pour attirer des personnes d’autres secteurs. Pour élargir le potentiel de main-d’œuvre, les lignes ont été adaptées et les emplois du temps aménagés afin que davantage de fonctions puissent attirer et être exercées par des femmes. Par exemple, certaines entreprises emploient des équipes de coupe avec des horaires permettant aux parents d’accompagner leurs enfants à l’école le matin et en fin de journée. De plus, le turnover du personnel, souvent peu spécialisé dans les opérations de découpes, peut être important. Les nombreuses nationalités constituant les équipes nécessitent des adaptations managériales. Afin de faciliter le travail, les manipulations de découpes sont représentées devant eux sur des photos avec des instructions en plusieurs langues. Ils n’ont donc plus besoin d’être des spécialistes de la découpe. La pénurie de travailleurs pousse des entreprises européennes, notamment en Allemagne, à s’orienter vers des implantations plus petites et parfois plus éloignées géographiquement des bassins traditionnels d’élevage, là où le chômage est plus prégnant et la main-d’œuvre est disponible. Cela permet d’utiliser la population locale pour effectuer des travaux plutôt que d’attirer des gens d’autres pays. La régionalisation de la production est également vue d’un bon œil par la société, surtout après la pandémie de Covid, durant laquelle les produits locaux ont pris de l’importance. Par ailleurs, ce type d’implémentation peut répondre à une stratégie de gestion des risques de la part des entreprises, afin de bloquer le moins possible l’activité en cas de problème sur un site. Certaines d’entre elles envisagent des délocalisations de leurs activités.
Vers une mutation des entreprises de la viande
L’automatisation, la robotisation et la digitalisation semblent être le moyen pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre qui s’accentue, mais aussi pour gagner en compétitivité dans les prochaines années. Une course à l’automatisation pourrait avoir lieu entre les entreprises des principaux pays producteurs et exportateurs de porcs, entraînant ainsi les équipementiers, qui vont probablement se concurrencer, à innover afin de proposer de nouveaux automatismes. Cependant, des freins et contraintes au développement de chaînes de production très automatisées sont à dépasser : difficultés de découpe des carcasses de porcs, pression sociétale, réglementation, appel à des techniciens très qualifiés, niveau considérable d’investissement et optimisation de l’espace sur les sites. Une mutation des entreprises de la viande de porc s’entrevoit.