La différenciation des produits du porc fait débat à l’assemblée générale de l'interprofession Inaporc
Les crises économiques et géopolitiques actuelles ont paradoxalement mis en évidence les atouts de la viande de porc auprès des consommateurs. Mais peu de solutions se dégagent pour assurer aux éleveurs un revenu décent sur le long terme.
Les crises économiques et géopolitiques actuelles ont paradoxalement mis en évidence les atouts de la viande de porc auprès des consommateurs. Mais peu de solutions se dégagent pour assurer aux éleveurs un revenu décent sur le long terme.
« Le porc est une viande plébiscitée par les Français », affirmait Thierry Meyer, le président d’Inaporc lors de son intervention à l’assemblée générale de l’interprofession à Paris le 5 juillet dernier. Alors que la consommation des ménages est à la baisse, la consommation de viande de porc a augmenté de 2,5 % sur les 12 mois arrêtés à fin mars (1). Avec 31,6 kilos consommés par habitant et par an, c’est la première viande consommée en France, devant la volaille (28,3 kg) et le bœuf (22,2 kg).
« Avec la crise, les consommateurs achètent moins de viande rouge pour plus de viande blanche », constate Nicolas Bonnetot, représentant de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) à Inaporc et directeur produits frais Auchan. Par ailleurs, l’influenza aviaire a raréfié l’offre en viande de volaille dans les rayons, ce qui profite au porc. « Le porc est une viande refuge en période de crise. »
Une hausse des cours trop décalée
Alors, pourquoi le cours au MPB a-t-il tant traîné à répercuter les hausses de coût de production ce printemps, malgré la loi Egalim 2 ? « Les négociations de début d’année se sont faites sur une base de cours du porc à 1,20 euro le kilo », rappelle Stéphane Poyac, directeur général de la branche viande d’Agrial. « La hausse est survenue juste après. Il a fallu rouvrir les négociations. Tout ceci a pris du temps. Mais globalement, les distributeurs ont été à l’écoute, ce qui a permis au final de répercuter les coûts. » Une affirmation confirmée par Nicolas Bonnetot. « Il y a désormais des indicateurs publics indexés sur le prix du porc que nous sommes obligés de suivre. » Malgré cela, Thierry Meyer souligne que « les éleveurs n’ont pas atteint une seule fois leur seuil de rentabilité depuis près d’un an, en raison de la flambée des prix de l’alimentation des porcs et de la stagnation du prix de vente ». Il estime que « 10 % des 10 000 élevages français pourraient disparaître cette année ».
Redonner confiance par la contractualisation
Pour François Valy, le président de la Fédération nationale porcine (FNP), un seul remède à cela : augmenter le prix de base. « Cependant, nous ne pourrons plus vendre nos porcs comme lors des 20 ou 30 dernières années, tient-il à préciser. Les jeunes demandent des garanties, par le biais de contrats. Ce terme n’est pas un gros mot. » Il souligne que depuis 15 à 20 ans, les céréaliers contractualisent en moyenne un tiers de leur production. « Il faut redonner confiance aux jeunes éleveurs de porcs, sinon la production risque de baisser fortement. La démographie joue contre nous. »
L’aval exprime un avis mitigé sur la question. « La contractualisation, oui, mais pour une partie seulement de la production, les produits à plus forte valeur ajoutée notamment », estime Stéphane Poyac. « Nous sommes sur un marché de l’offre et de la demande à l’échelle mondiale. On ne pourra pas tout légiférer. Chaque fois qu’on a essayé de le faire, ça a été une catastrophe. » Un avis partagé par le président d’Inaporc. « Il est difficile de faire des contrats sur du porc standard. La contractualisation se développe d’abord dans les filières différenciées. » Des filières différenciées qui pourraient constituer l’une des solutions de demain pour créer de la valeur ajoutée, selon Nicolas Bonnetot. « Communication, marketing et différenciation sont les solutions pour sortir d’un marché de produits basiques, explique-t-il. Certains marchés en Europe et dans le monde permettent de segmenter les produits du porc et d’augmenter leur prix de vente. Pour le moment, ce type de production est marginale en France », déplore-t-il.
Des freins à la différenciation
Selon l’avis de la plupart des intervenants à la table ronde, cette différenciation a ses limites qui empêchent son développement. « Le prix du porc bio dans les rayons est une aberration, déplore Thierry Meyer. Avec un prix trois fois plus élevé que celui de porc standard, il y a un blocage. Je crois que cette production est arrivée à un plafond. » L’aval met également la production en garde sur une montée en gamme trop importante du porc standard. « Elle risque de trouver ses limites avec la baisse du pouvoir d’achat des ménages en temps de crise », estime Stéphane Poyac. Scepticisme également sur la notion de production locale, pourtant de plus en plus privilégiée par le consommateur. « Difficile de faire des filières locales partout en France », fait remarquer Nicolas Bonnetot. Le représentant de la grande distribution met également en garde contre toute communication sur le bien-être animal, qui risque selon lui d’être contre-productif. « De bonnes conditions d’élevage sont considérées comme des acquis par les consommateurs. Plus on va rentrer dans ce débat, plus la filière va se faire taper dessus. Il est préférable de développer une communication positive plutôt que d’exposer nos problèmes sur la caudectomie ou la castration des porcelets. » Par ailleurs, il met en garde contre une différenciation trop importante sur de gros volumes. « Les filières spécifiques peuvent se permettre de financer de nouvelles mesures de bien-être animal. Mais sur des productions moins différenciées, il sera difficile de répercuter ces surcoûts à toutes les pièces de la carcasse, ce qui aboutit au final à une perte de marge. »