Arrêt de la coupe des queues des porcelets, une équation difficilement maîtrisable
Sur un essai mené à Guernévez, l’arrêt de la caudectomie n’a pas pénalisé les performances des animaux. Mais le nombre important de victimes de morsures démontre la difficulté de maîtriser la caudophagie.
Sur un essai mené à Guernévez, l’arrêt de la caudectomie n’a pas pénalisé les performances des animaux. Mais le nombre important de victimes de morsures démontre la difficulté de maîtriser la caudophagie.
Si on regarde les conséquences de l’arrêt de la caudectomie au moment du départ à l’abattoir, les résultats des essais menés à la station expérimentale de Guernévez par la chambre d’agriculture de Bretagne sont plutôt positifs. Aucun porc n’a dû être écarté pour cause de cannibalisme. Au départ à l’abattoir, 81 % des porcs à queue non coupée à la naissance ne présentaient aucune blessure. Cependant, seuls 12 % des animaux avaient une queue entière ce même jour. Les autres porcs ont tous été victimes de caudophagie au cours de la phase d’élevage, ayant entraîné un raccourcissement de la queue, avec cependant une guérison des plaies. Le post-sevrage est la période critique, avec 83 % des porcs à queue entière victimes de caudophagie à partir de cette phase, 4 % étant victimes uniquement en engraissement. En fin d'engraissement, la longueur moyenne des queues était de 22.7 cm. Celles des porcs non blessés sur l'ensemble de la période d'élevage mesuraient 29.7 cm en moyenne. En cas de caudophagie, différentes stratégies ont été mises en place. Les soins appropriés étaient réalisés en priorité (cicatrisant, répulsif, protocole de soins médicamenteux). En parallèle, des matériaux manipulables supplémentaires ont été mis à la disposition des porcs. Si l’état de santé des animaux mordus l’exigeait, ils étaient sortis de la case et placés en infirmerie. Si un grand nombre de porcs à queue entière a été victime de caudophagie, cela n’a pas eu d’impact sur les saisies, les performances de croissance, les poids de carcasse ou encore les taux de muscle des pièces (TMP).
Un protocole conçu pour limiter les facteurs de risque
L’arrêt de la coupe des queues ne s’improvise pas. Le protocole utilisé à la station de Guernévez visait à limiter certains stress (absence de mélange des animaux, abreuvement disponible à volonté…) et à offrir des matériaux de manipulation diversifiés et en nombre important. Pour l’essai, trois bandes de 55 porcs à queue coupée (22 par bande) et à queue entière (33 par bande) élevés en contemporains sur caillebotis intégral ont été suivies. En post-sevrage les animaux étaient nourris en alimentation sèche à volonté. Ils disposaient chacun de 0,4 m² de surface dans un bâtiment sur préfosses. En engraissement, les porcs étaient nourris en alimentation soupe rationnée et disposaient chacun de 0,72 m² de surface dans un bâtiment avec racleur en V dans la préfosse. Les cases se différenciaient par l’enrichissement du milieu permettant à la fois d’étudier l’utilisation des matériaux manipulables ainsi que leur impact sur les épisodes de caudophagie. L’enrichissement proposé était de deux types. Un enrichissement « classique » avec une chaîne par case en post-sevrage et engraissement. Un enrichissement « plus » composé en post-sevrage d’une corde et d’une chaîne et en engraissement d’une corde, d’une chaîne, d’un morceau de bois et de la paille distribuée dans un râtelier. Cette dernière possibilité était permise grâce au racleur qui évacue rapidement les déjections sans risque de bouchage. Tous les matériaux utilisés en enrichissements ont été utilisés par les porcs : chaîne, corde, bois, paille en engraissement. Cette utilisation était fortement liée à leurs moments d’activité. L’étude n’a pas montré d’influence de l’enrichissement du milieu sur la note d’état des queues, qu’elles soient coupées ou non à la naissance.
Les porcelets ont été identifiés à la naissance pour permettre un suivi des queues (entières et coupées) lors du sevrage, de la mise à l’engrais et du départ à l’abattoir. Lors de ces examens, la longueur de la queue a été relevée et une note d’état lui a été attribuée. Les porcs ont également été pesés individuellement. En parallèle, une étude de l’utilisation des matériaux manipulables a été réalisée par des observations comportementales régulières.
Les matériaux manipulables ne sont pas suffisants
La caudectomie réalisée en routine n’est réglementairement pas acceptée et des travaux nombreux sont en cours pour essayer de s’en passer dans les conditions d’élevage en France. Les résultats montrent la difficulté de maîtriser tous les facteurs de risque de caudophagie. L’apport de matériaux manipulables, présenté par de nombreux scientifiques comme une solution à l’arrêt de la caudectomie, ne semble pas suffisant à lui seul pour enrayer les morsures à la queue. L’attention doit être portée au stade de post-sevrage qui apparaît comme étant celui où se déclenchent les morsures. Le déclenchement de la caudophagie est multifactoriel et d’autres travaux seront nécessaires pour trouver des solutions permettant d’élever des porcs à queue entière.