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Pomme : deux méthodes pour réduire les doses de produits phytosanitaires

Une réduction des doses de produits phytosanitaires en verger de pommier est possible sans augmentation du risque sanitaire, d’après les résultats du projet Pulvarbo. La dose peut en effet être adaptée au développement végétatif des arbres.

L’application des méthodes d'adaptation de la dose conduisent à une réduction de l’IFT de 15 % en moyenne sur les vergers de plus de cinq ans, et même de 40 à 70 % sur les trois premières années du verger. © RFL
L’application des méthodes d'adaptation de la dose conduisent à une réduction de l’IFT de 15 % en moyenne sur les vergers de plus de cinq ans, et même de 40 à 70 % sur les trois premières années du verger.
© RFL

Une réduction maîtrisée des doses en vergers de pommier est possible par la prise en compte du développement végétatif des arbres à protéger. En effet, l’évolution de la végétation en cours de saison n’est actuellement pas prise en compte dans le raisonnement de la dose appliquée, exprimée majoritairement en litre ou kilogramme de produit par hectare. « La pratique de la dose fixe est certes facile à mettre en œuvre par le producteur mais elle peut conduire à des surdosages en début de végétation ou sur des jeunes vergers, ou à des sous dosages sur des arbres plus développés », souligne Florence Verpont, du CTIFL.

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Deux méthodes d’adaptation de la dose suffisamment simples à appliquer ont été mises au point au cours du projet Pulvarbo, conduit entre 2015 et 2020 par le CTIFL et ses partenaires (La Morinière, IFPC, Invenio, Cefel, SudExpe, La Pugère, Chambre d’agriculture Normandie, Agrial et Inrae). L’application de ces méthodes conduit à une réduction de l’IFT de 15 % en moyenne sur les vergers de plus de cinq ans, et même de 40 à 70 % sur les trois premières années du verger ! « Un pulvérisateur bien réglé est la condition nécessaire pour rentrer dans une démarche d’adaptation de la dose », rappelle Florence Verpont, qui conseille également de contacter son conseiller technique avant de se lancer dans une démarche de réduction de dose. En parallèle des démarches de réduction de dose, le projet Pulvarbo évalue les performances agroenvironnementales des matériels, des réglages et des pratiques de pulvérisation.

La surface foliaire comme indicateur

La première méthode retenue d’adaptation de la dose repose sur le principe du Leaf Wall Area (LWA), qui est une estimation de la surface foliaire à un instant donné. Il s’exprime en m² de haie par hectare de sol. Le LWAt correspond à la surface de haie fruitière traitée et s’obtient par le calcul suivant : LWAt = ((2 x hauteur traitée) x 10 000) /distance entre rangs. Cette première méthode d’adaptation de la dose est basée sur l’utilisation du LWAt comme indicateur d’évolution de la végétation entre les premiers traitements en sortie d’hiver et les traitements appliqués en pleine végétation. La dose de produit appliquée va évoluer de manière linéaire en fonction du LWAt de la parcelle considérée, dans la limite de la dose maximale par ha autorisée.

 
Mesure de la hauteur traitée sur pommier. © CTIFL
En France, le LWAt d’un verger de pommes de table adulte, conduit en axe et en pleine végétation, est en moyenne de 17 000 m² par hectare de sol. Il faut quatre à cinq ans à compter de la plantation pour atteindre cette valeur moyenne. Ainsi, la valeur de LWAt de 17 000 m²/ha a été choisie au cours du projet comme le seuil à partir duquel l’application de la pleine dose est conseillée. En dessous de ce seuil, c’est-à-dire en début de végétation ou pour des jeunes vergers, la dose peut être adaptée en fonction du LWAt. Lorsque le LWAt mesuré est supérieur à 17 000 m²/ha, la dose maximale homologuée s’applique. La dose adaptée en kg/ha se calcule ainsi : dose adaptée = (dose homologuée x LWAt) /17 000.

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En verger de pommes de table, la méthode LWA 17 000 est à privilégier pour les vergers « standards ». Pour ce qui est des vergers de pommes à cidre, elle doit être utilisée dans le cas de jeunes vergers (lire « A chaque type de verger sa méthode »). Avec la méthode LWA 17 000, pour la plupart des bioagresseurs considérés (contaminations primaires et secondaires de tavelure, pucerons cendrés et carpocapses/tordeuses), la dose adaptée permet des efficacités équivalentes ou supérieures aux efficacités obtenues avec la dose homologuée, et ce même en situation de forte pression. En revanche, dans un contexte annuel de moyenne ou forte pression oïdium, il est recommandé de ne pas adapter la dose de fongicides sous peine de ne pas maîtriser le développement de la maladie. Ces conclusions sont valables pour les vergers de pommes de table comme pour ceux de pommes à cidre.

Une grille donne la dose à appliquer

La deuxième méthode retenue d’adaptation de la dose s’appuie sur trois critères : la hauteur à traiter des arbres, leur largeur et le stade phénologique (BBCH). Une grille a été conçue, donnant la dose à appliquer exprimée en pourcentage de la pleine dose, en fonction des valeurs des trois paramètres. Cette grille a été réalisée en deux versions, pour les vergers de pommes de table et pour ceux de pommes à cidre. Les différentes classes de hauteurs à traiter et de largeurs de canopée ont été déterminées à partir des données issues du suivi des 260 vergers de pommiers.

 

 
Grille d'adaptation de la dose pour la pomme de table. © Infos CTIFL
« Par exemple, imaginons le cas où les mesures sont réalisées le 1er mars dans un verger de pommes de table, avant les premiers traitements, et donc à un stade BBCH inférieur à 69, détaille Florence Verpont. Si la hauteur à traiter est de 3,1 m et la largeur de canopée de 1,6 m, la grille nous donne une dose adaptée égale à 80 % de la dose maximale homologuée ». La méthode grille doit être utilisée pour les vergers de pommes de table plus développés que les vergers standards. En verger de pommes à cidre, elle est adaptée aux vergers standards.

Attention aux niveaux de pression des bioagresseurs

Avec la méthode grille, dans un verger de pommes de table, la dose adaptée permet des efficacités équivalentes ou supérieures aux efficacités obtenues avec la dose homologuée dans le cas de la tavelure (contaminations primaires et secondaires) et des pucerons cendrés, quel que soit le niveau de pression. Pour l’oïdium et les carpocapses/tordeuses, l’efficacité de la dose adaptée se montre insuffisante dans un contexte de moyenne ou forte pression. Il est alors recommandé de ne pas adapter la dose de fongicides ou d’insecticides.

Pour les vergers de pommes à cidre, la dose adaptée obtenue avec la méthode grille permet une bonne efficacité de protection en cas de faible pression tavelure (contaminations secondaires), oïdium, pucerons cendrés et carpocapses/tordeuses, ainsi que dans le cas des contaminations primaires de tavelure, quel que soit le niveau de pression. En revanche, elle se montre insuffisamment efficace en cas de moyenne ou forte pression oïdium, pucerons cendrés ou carpocapses/tordeuses, et en cas de forte pression tavelure (contaminations secondaires). Dans ces contextes sanitaires particuliers, il faut donc renoncer à adapter la dose et appliquer la pleine dose.

« Un pulvérisateur bien réglé est la condition nécessaire pour rentrer dans une démarche d’adaptation de la dose » Florence Verpont, CTIFL

 

Un guide pratique issu du projet Pulvarbo vient d’être publié par le CTIFL. Il détaille la mise en œuvre des deux méthodes d’adaptation de la dose en vergers de pommiers.

Un article d’Infos CTIFL de mars 2021 est consacré aux méthodes développées dans Pulvarbo (Florence Verpont, Joël Favareille).

Le LWA, nouveau mode d’expression de la dose

En 2019, une nouveauté a été introduite dans l’évaluation des nouveaux produits de protection des plantes à l’échelle européenne. Pour les essais sur les cultures de fruits à pépins, vigne et cultures légumières hautes sous abri, les doses s’expriment désormais avec l’indicateur LWA (Leaf wall area, surface de haie fruitière). Libre ensuite à chaque pays d’utiliser ce mode d’expression sur l’étiquette produit ou de le convertir dans le mode d’expression réglementaire en cours à l’échelle nationale. Le LWA est déjà utilisé en Belgique, en Allemagne ou en Autriche. En France, l’heure est à la réflexion et aux discussions entre les décideurs (MAAF, Anses), les sociétés de l’industrie phytopharmaceutique et les instituts techniques sur la base des résultats obtenus sur les filières concernées.

En pratique

Quelques prérequis sont indispensables avant de rentrer dans une démarche de réduction des doses :

- Un bon réglage du pulvérisateur
- Une connaissance de l’historique du verger et des périodes à risques vis-à-vis des bioagresseurs.
- Un bon positionnement et une alternance des produits phytosanitaires
- Une surveillance renforcée du verger en cours de saison

A chaque type de verger sa méthode

 

Pommes de table

© RFL
La méthode LWA 17 000 est à privilégier pour les vergers « standards ». Ce sont les vergers qui ont une LWAt en pleine végétation ≤ 17 000 m²/ha, un inter-rang de 4 m, et une hauteur à traiter ≤ 3,3 m.

La méthode grille doit être utilisée pour les vergers plus développés : LWAt comprise entre 17 000 et 21 000 m²/ha en pleine végétation, distance entre rangs ≤ 4 m et hauteur à traiter > 3,3 m.

 

 

 

 

Pommes à cidre

© V. Motin
La méthode LWA 17 000 est à utiliser pour les jeunes vergers (LWAt pleine végétation ≤ 17 000 m²/ha, distance entre rangs ≥ 5 m, hauteur à traiter ≤ 4 m).

 

La méthode grille est plus adaptée pour les vergers standards (LWAt pleine végétation > 17 000 m²/ha, distance entre rangs entre 5 et 6 m, hauteur à traiter > 4 m).

Trois séries de mesures par an pour les jeunes vergers

 

 
Mesures à effectuer pour déterminer le LWAt. © Guide pratique Pulvarbo
Quelle que soit la méthode de réduction de dose utilisée, il est conseillé d’établir un tableau de saisie de mesures pour les différentes parcelles de l’exploitation. Les mesures consistent à noter, pour chaque parcelle, la distance entre rangs (méthode LWA 17 000), le stade BBCH (méthodes LWA 17 000 et grille) et à mesurer la hauteur traitée (méthodes LWA 17 000 et grille) et la largeur de canopée (méthode grille). Les mesures doivent être réalisées sur dix arbres afin d’avoir une moyenne.

 

La première mesure en sortie d’hiver

Les mesures doivent être effectuées trois fois chaque année, jusqu’à ce que le verger ait 5 ans (8 ans pour un verger de pommes à cidre). Par la suite, si aucune intervention autre que la taille classique n’a eu lieu (pas de changement radical de mode de conduite ou de taille forte), les mesures faites en 5e feuille (pomme de table) ou 8e feuille (pomme à cidre) peuvent resservir d’une année sur l’autre.

La première mesure de l’année se fait en sortie d’hiver, avant les premiers traitements. Les valeurs obtenues servent de base pour le calcul de la dose pour la période allant du premier traitement au stade fin de floraison (BBCH 67-69). La deuxième mesure doit avoir lieu après floraison, au stade BBCH 69 – 71. Les valeurs obtenues sont ensuite valables jusqu’à fin juin (BBCH 75-77). A ce stade, la troisième mesure est effectuée et servira de base jusqu’aux derniers traitements. Une fois le verger adulte, la pleine dose s’applique à partir du stade BBCH 75-77 (fin juin).

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