Pomme : deux méthodes pour réduire les doses de produits phytosanitaires
Une réduction des doses de produits phytosanitaires en verger de pommier est possible sans augmentation du risque sanitaire, d’après les résultats du projet Pulvarbo. La dose peut en effet être adaptée au développement végétatif des arbres.
Une réduction des doses de produits phytosanitaires en verger de pommier est possible sans augmentation du risque sanitaire, d’après les résultats du projet Pulvarbo. La dose peut en effet être adaptée au développement végétatif des arbres.
Une réduction maîtrisée des doses en vergers de pommier est possible par la prise en compte du développement végétatif des arbres à protéger. En effet, l’évolution de la végétation en cours de saison n’est actuellement pas prise en compte dans le raisonnement de la dose appliquée, exprimée majoritairement en litre ou kilogramme de produit par hectare. « La pratique de la dose fixe est certes facile à mettre en œuvre par le producteur mais elle peut conduire à des surdosages en début de végétation ou sur des jeunes vergers, ou à des sous dosages sur des arbres plus développés », souligne Florence Verpont, du CTIFL.
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Deux méthodes d’adaptation de la dose suffisamment simples à appliquer ont été mises au point au cours du projet Pulvarbo, conduit entre 2015 et 2020 par le CTIFL et ses partenaires (La Morinière, IFPC, Invenio, Cefel, SudExpe, La Pugère, Chambre d’agriculture Normandie, Agrial et Inrae). L’application de ces méthodes conduit à une réduction de l’IFT de 15 % en moyenne sur les vergers de plus de cinq ans, et même de 40 à 70 % sur les trois premières années du verger ! « Un pulvérisateur bien réglé est la condition nécessaire pour rentrer dans une démarche d’adaptation de la dose », rappelle Florence Verpont, qui conseille également de contacter son conseiller technique avant de se lancer dans une démarche de réduction de dose. En parallèle des démarches de réduction de dose, le projet Pulvarbo évalue les performances agroenvironnementales des matériels, des réglages et des pratiques de pulvérisation.
La surface foliaire comme indicateur
La première méthode retenue d’adaptation de la dose repose sur le principe du Leaf Wall Area (LWA), qui est une estimation de la surface foliaire à un instant donné. Il s’exprime en m² de haie par hectare de sol. Le LWAt correspond à la surface de haie fruitière traitée et s’obtient par le calcul suivant : LWAt = ((2 x hauteur traitée) x 10 000) /distance entre rangs. Cette première méthode d’adaptation de la dose est basée sur l’utilisation du LWAt comme indicateur d’évolution de la végétation entre les premiers traitements en sortie d’hiver et les traitements appliqués en pleine végétation. La dose de produit appliquée va évoluer de manière linéaire en fonction du LWAt de la parcelle considérée, dans la limite de la dose maximale par ha autorisée.
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En verger de pommes de table, la méthode LWA 17 000 est à privilégier pour les vergers « standards ». Pour ce qui est des vergers de pommes à cidre, elle doit être utilisée dans le cas de jeunes vergers (lire « A chaque type de verger sa méthode »). Avec la méthode LWA 17 000, pour la plupart des bioagresseurs considérés (contaminations primaires et secondaires de tavelure, pucerons cendrés et carpocapses/tordeuses), la dose adaptée permet des efficacités équivalentes ou supérieures aux efficacités obtenues avec la dose homologuée, et ce même en situation de forte pression. En revanche, dans un contexte annuel de moyenne ou forte pression oïdium, il est recommandé de ne pas adapter la dose de fongicides sous peine de ne pas maîtriser le développement de la maladie. Ces conclusions sont valables pour les vergers de pommes de table comme pour ceux de pommes à cidre.
Une grille donne la dose à appliquer
La deuxième méthode retenue d’adaptation de la dose s’appuie sur trois critères : la hauteur à traiter des arbres, leur largeur et le stade phénologique (BBCH). Une grille a été conçue, donnant la dose à appliquer exprimée en pourcentage de la pleine dose, en fonction des valeurs des trois paramètres. Cette grille a été réalisée en deux versions, pour les vergers de pommes de table et pour ceux de pommes à cidre. Les différentes classes de hauteurs à traiter et de largeurs de canopée ont été déterminées à partir des données issues du suivi des 260 vergers de pommiers.
Attention aux niveaux de pression des bioagresseurs
Avec la méthode grille, dans un verger de pommes de table, la dose adaptée permet des efficacités équivalentes ou supérieures aux efficacités obtenues avec la dose homologuée dans le cas de la tavelure (contaminations primaires et secondaires) et des pucerons cendrés, quel que soit le niveau de pression. Pour l’oïdium et les carpocapses/tordeuses, l’efficacité de la dose adaptée se montre insuffisante dans un contexte de moyenne ou forte pression. Il est alors recommandé de ne pas adapter la dose de fongicides ou d’insecticides.
Pour les vergers de pommes à cidre, la dose adaptée obtenue avec la méthode grille permet une bonne efficacité de protection en cas de faible pression tavelure (contaminations secondaires), oïdium, pucerons cendrés et carpocapses/tordeuses, ainsi que dans le cas des contaminations primaires de tavelure, quel que soit le niveau de pression. En revanche, elle se montre insuffisamment efficace en cas de moyenne ou forte pression oïdium, pucerons cendrés ou carpocapses/tordeuses, et en cas de forte pression tavelure (contaminations secondaires). Dans ces contextes sanitaires particuliers, il faut donc renoncer à adapter la dose et appliquer la pleine dose.
« Un pulvérisateur bien réglé est la condition nécessaire pour rentrer dans une démarche d’adaptation de la dose » Florence Verpont, CTIFL
Un guide pratique issu du projet Pulvarbo vient d’être publié par le CTIFL. Il détaille la mise en œuvre des deux méthodes d’adaptation de la dose en vergers de pommiers.
Un article d’Infos CTIFL de mars 2021 est consacré aux méthodes développées dans Pulvarbo (Florence Verpont, Joël Favareille).
Le LWA, nouveau mode d’expression de la dose
En 2019, une nouveauté a été introduite dans l’évaluation des nouveaux produits de protection des plantes à l’échelle européenne. Pour les essais sur les cultures de fruits à pépins, vigne et cultures légumières hautes sous abri, les doses s’expriment désormais avec l’indicateur LWA (Leaf wall area, surface de haie fruitière). Libre ensuite à chaque pays d’utiliser ce mode d’expression sur l’étiquette produit ou de le convertir dans le mode d’expression réglementaire en cours à l’échelle nationale. Le LWA est déjà utilisé en Belgique, en Allemagne ou en Autriche. En France, l’heure est à la réflexion et aux discussions entre les décideurs (MAAF, Anses), les sociétés de l’industrie phytopharmaceutique et les instituts techniques sur la base des résultats obtenus sur les filières concernées.
En pratique
Quelques prérequis sont indispensables avant de rentrer dans une démarche de réduction des doses :
- Un bon réglage du pulvérisateur
- Une connaissance de l’historique du verger et des périodes à risques vis-à-vis des bioagresseurs.
- Un bon positionnement et une alternance des produits phytosanitaires
- Une surveillance renforcée du verger en cours de saison
A chaque type de verger sa méthode
Pommes de table
La méthode LWA 17 000 est à privilégier pour les vergers « standards ». Ce sont les vergers qui ont une LWAt en pleine végétation ≤ 17 000 m²/ha, un inter-rang de 4 m, et une hauteur à traiter ≤ 3,3 m.La méthode grille doit être utilisée pour les vergers plus développés : LWAt comprise entre 17 000 et 21 000 m²/ha en pleine végétation, distance entre rangs ≤ 4 m et hauteur à traiter > 3,3 m.
Pommes à cidre
La méthode LWA 17 000 est à utiliser pour les jeunes vergers (LWAt pleine végétation ≤ 17 000 m²/ha, distance entre rangs ≥ 5 m, hauteur à traiter ≤ 4 m).
La méthode grille est plus adaptée pour les vergers standards (LWAt pleine végétation > 17 000 m²/ha, distance entre rangs entre 5 et 6 m, hauteur à traiter > 4 m).
Trois séries de mesures par an pour les jeunes vergers
La première mesure en sortie d’hiver
Les mesures doivent être effectuées trois fois chaque année, jusqu’à ce que le verger ait 5 ans (8 ans pour un verger de pommes à cidre). Par la suite, si aucune intervention autre que la taille classique n’a eu lieu (pas de changement radical de mode de conduite ou de taille forte), les mesures faites en 5e feuille (pomme de table) ou 8e feuille (pomme à cidre) peuvent resservir d’une année sur l’autre.
La première mesure de l’année se fait en sortie d’hiver, avant les premiers traitements. Les valeurs obtenues servent de base pour le calcul de la dose pour la période allant du premier traitement au stade fin de floraison (BBCH 67-69). La deuxième mesure doit avoir lieu après floraison, au stade BBCH 69 – 71. Les valeurs obtenues sont ensuite valables jusqu’à fin juin (BBCH 75-77). A ce stade, la troisième mesure est effectuée et servira de base jusqu’aux derniers traitements. Une fois le verger adulte, la pleine dose s’applique à partir du stade BBCH 75-77 (fin juin).