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Se prémunir et éviter la propagation de la gale ovine

La gale psoroptique est une maladie hautement contagieuse en recrudescence inquiétante depuis une dizaine d’années. Pierre Autef, vétérinaire à Bellac et membre de la commission ovine de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires alerte sur les éléments de propagation et les difficultés à assainir les élevages.

Pierre Autef, vétérinaire en Haute-Vienne : "Il est important de prévenir les éleveurs voisins lorsque le diagnostic est posé chez soi. Cela leur permet d'anticiper et de faire un traitement préventif sur leurs animaux."
Pierre Autef, vétérinaire en Haute-Vienne : "Il est important de prévenir les éleveurs voisins lorsque le diagnostic est posé chez soi. Cela leur permet d'anticiper et de faire un traitement préventif sur leurs animaux." © L. Duverne

La gale ovine épargne aujourd’hui peu de bassins ovins en France. Sont particulièrement touchées les zones transhumantes où les troupeaux se mélangent, d’autant qu' « il existe une omerta autour de la gale, encore envisagée comme une maladie honteuse », d’après Pierre Autef, lors des Zoévines 2022, évènement organisé par les laboratoires Zoetis. Par ailleurs, l’agent de la maladie, l’acarien Psoroptes ovis, est très résistant dans le milieu extérieur, permettant à la gale de se propager facilement au sein d’un troupeau et de s’exporter très bien vers les autres cheptels. « Il suffit d’introduire un animal porteur, parfois asymptomatique, pour infester rapidement tout un troupeau ».

Une maladie peu détectable pendant 20 jours

L’acarien possède un cycle assez court de 14 jours entre le stade œuf et le stade femelle adulte ovigère. Lorsque le parasite est introduit dans l’élevage, on observe une période d’incubation de 20 à 25 jours, avec peu de signes cliniques à part des pertes de laine sur les flancs des brebis. Puis, on arrive sur une forme chronique installée de la maladie, avec une perte d’état corporel et de laine de derrière l’épaule vers le haut du dos. La contagion devient alors exponentielle. « Les symptômes sont plus flagrants en bergerie », informe Pierre Autef. « Les brebis se grattent moins en extérieur, l’infestation est donc plus difficile à détecter ». Une phase d’immunisation apparaît ensuite, poussant l’acarien à se réfugier vers des cryptes, bien souvent le conduit des oreilles et le coin des yeux. Il entre alors en latence dans l’attente d’un nouvel hôte.

Appliquer les règles de la biosécurité

La gale psoroptique, préoccupante par sa contagiosité, l’est aussi par ses conséquences économiques. Une fois installée, elle peut entraîner une perte de productivité pouvant atteindre 20 %. Pour s’en prémunir, Pierre Autef rappelle les consignes de biosécurité qui doivent s’appliquer dans tous les cheptels : la bio exclusion, qui évite l’entrée de la maladie, par la maîtrise de la faune périphérique, l’assurance de la qualité sanitaire des animaux introduits, soumis à quarantaine avec des traitements systématiques ; la compartimentation des animaux infestés grâce à un diagnostic précoce, le traitement rapide de l’ensemble du troupeau et la désinfection des bâtiments alliée à un vide sanitaire suffisant ; le confinement pour ne pas propager la maladie à l’extérieur de l’élevage. « Il est important de prévenir ses voisins une fois le diagnostic posé. Ils pourront éventuellement traiter leurs animaux avec un antiparasitaire en prévention », conseille le vétérinaire.

Traiter très vite tout le troupeau

Le traitement de la gale psoroptique est assez délicat à mettre en place. « Le traitement doit concerner la totalité des effectifs, avec une adaptation aux stades physiologiques et à l’âge des animaux. Il est absolument essentiel de traiter tout le troupeau en moins de 72 heures pour éviter les recontaminations ! Les produits doivent avoir une rémanence d’au moins 14 jours pour agir sur tous les stades parasitaires. Sinon il faut renouveler le traitement ».

Le traitement par injection présente des inconvénients évoqués par le vétérinaire. « Il est très difficile de réussir toutes les injections sur un grand nombre d’animaux. Or, un seul animal manqué peut recontaminer le troupeau. De plus, les antiparasitaires utilisés ont aussi un impact sur les strongles et peuvent favoriser le développement de souches résistantes ». L’autre technique consiste à baigner les animaux dans une émulsion de principes actifs. Pour un trempage efficace, il faut maintenir les animaux dans le bain au moins une minute, en les faisant bouger, et immerger la tête entière au moins une fois, sauf pour les agneaux de moins de trois mois qui risquent de se noyer. La solution doit être régulièrement rechargée. Cette méthode a aussi des inconvénients. « Il faut proscrire les bains lors du dernier mois de gestation, à cause des risques d’avortement, et au cours du premier mois de lactation pour ne pas rompre le lien olfactif entre la brebis et l’agneau ». En outre, il faut veiller à maîtriser les écoulements présentant une forte écotoxicité, et éviter les parcelles avec des cours d’eau dans les 24 heures suivant le bain.

Le laboratoire Zoetis a édité un guide de bonnes pratiques à destination des vétérinaires, pour aider à la mise en place d’un protocole rigoureux et efficace.

La résistance aux anthelminthiques sous surveillance

La résistance des parasites aux traitements devient une problématique majeure de l’élevage ovin lait. Le projet Antherin va permettre de dresser le tableau de la situation actuelle.

Philippe Jacquiet, professeur en parasitologie à l'école nationale vétérinaire de Toulouse, alerte sur les traitements systématiques qui favorisent l'apparition de résistance.
Philippe Jacquiet, professeur en parasitologie à l'école nationale vétérinaire de Toulouse, alerte sur les traitements systématiques qui favorisent l'apparition de résistance. © B. Morel

Le projet Antherin vise à objectiver les défauts d’efficacité des anthelminthiques sur les strongles gastro-intestinaux dans les élevages ovins laitiers. L’école nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) a conduit en complément une étude similaire dans des élevages allaitants de diverses régions. Des cas de perte d’efficacité, voire de résistance, à diverses molécules ont été identifiés dans tous les bassins étudiés. Dans les élevages laitiers, l’espèce de strongles présentant le plus de résistance est Haemonchus contortus, la plus pathogène, entraînant de fortes pertes de productivité, et potentiellement la mort. D’autres souches résistantes ont été détectées dans les bassins allaitants. Dans certains cas, le changement de molécule a permis de regagner de l’efficacité, dans d’autres aucun traitement ne s’est révélé efficace à 100 %. L’ENVT, par la voix de Philippe Jacquiet, professeur en parasitologie, alerte sur les traitements systématiques, et préconise d’agir de manière ciblée et sélective grâce à des coprologies réalisées en retour de pâturage, alliées à une surveillance de l’état corporel. En cas de résistance avérée, le professeur donne quelques pistes d’actions comme la modification des protocoles de traitements, un assainissement du pâturage, en alternant par exemple des ovins et des bovins, la sélection génétique d’animaux résistants aux strongles. En cas de suspicion, les éleveurs doivent alerter leur vétérinaire afin de confirmer le diagnostic et mettre en place une méthode de lutte efficace, comme un protocole de traitement ciblé sélectif, en test dans le cadre d’Antherin.

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