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S’adapter au changement climatique, le grand chantier de France Brebis laitière

Lors de son assemblée générale à Millau dans l’Aveyron, l’association interprofessionnelle France Brebis laitière a rappelé son investissement autour de la crise climatique et dévoile ses stratégies.

Le domaine Saint-Estève surplombe Millau, au cœur de l’Aveyron. La vue sur la ville, les plateaux des Causses et le célèbre viaduc est imprenable. C’est ce cadre hors du commun qu’a choisi France Brebis laitière (FBL) pour tenir sa troisième assemblée générale, le 20 avril dernier.

Outre un rapport d’activité très dense, Sébastien Bouyssière, l’animateur de l’association interprofessionnelle de la filière lait de brebis nationale, a rappelé que « 90 % des brebis laitières de France sont élevées en zone de montagne, l’élevage ovin lait participe activement à l’entretien des paysages ». L’ancrage territorial de la filière lait de brebis est fort – à travers les trois bassins de production historiques que sont les Pyrénées-Atlantiques, l’Aveyron et la Corse – et se caractérise par la performance de ces systèmes agropastoraux. Cependant comme toute filière de ruminants, très dépendante du climat via la ressource en herbe, la filière ovin lait se mobilise pour faire face au changement climatique. « Nous travaillons autour de deux axes majeurs qui sont la mise en œuvre de mesures opérationnelles d’adaptation et d’atténuation de la crise climatique et écologique », développe Sébastien Bouyssière. La réflexion autour de la stratégie « adaptation au changement climatique » a permis de mettre en lumière six axes de travail.

Caractériser le changement climatique dans la filière ovin lait

Le premier, sans doute le plus important, va être de caractériser le phénomène et ses effets dans les zones de production de lait de brebis. « Il existe de nombreuses études et observations autour du changement climatique dans de nombreuses régions, malheureusement peu d’entre elles prennent en compte les spécificités de l’élevage ovin lait, souligne l’animateur de FBL. Nous souhaitons par ailleurs recenser les initiatives qui fleurissent un peu partout afin d’avoir une vision globale des études et travaux autour de la filière ovin lait et du climat. » Le premier chantier de l’association interprofessionnelle va donc être de produire des références techniques pour chaque bassin de production, à partir desquelles les autres chantiers vont venir s’articuler. Au niveau de la production, plusieurs niveaux d’adaptation sont possibles, qui sont à mettre en perspective des spécificités de chaque système : adaptation des systèmes fourragers pour limiter l’impact des sécheresses, excès d’eau, températures extrêmes. L’introduction de nouvelles variétés végétales et/ou de nouvelles pratiques de pâturage et de récolte seront à l’étude. La conduite du troupeau et l’animal lui-même devront s’adapter via la sélection génétique sur des individus plus résilients et résistants aux aléas climatiques et capables de valoriser différentes ressources alimentaires, notamment les nouvelles variétés mentionnées ci-dessus. Les bâtiments d’élevage font actuellement l’objet de projet Batcool qui a pour objectif de définir des pistes d’amélioration du confort lors des fortes chaleurs. Toutes ces adaptations impacteront forcément la production à l’échelle nationale et il sera du ressort d’un des axes de travail d’évaluer ces impacts sur la filière dans son ensemble.

Et si le climat impactait la qualité du lait ?

FBL s’est également positionnée en chef de file de Climonut. Ce projet Casdar, tout récemment déposé en février, a pour but d’identifier les impacts des stratégies alimentaires adaptées au changement climatique en élevage de brebis laitières sur la qualité nutritionnelle du lait et des produits laitiers. « Force est de constater que la littérature scientifique est très pauvre sur l’impact du climat sur la qualité intrinsèque du lait de brebis et sur les produits laitiers », appuie Fanny Albert, de l’Institut de l’élevage. Le Casdar permettra d’approfondir les connaissances de la composition fine du lait de brebis, de produire des outils adaptés aux spécificités de ce lait et des références standardisées et fiables, qui pourront ensuite permettre de mesurer une évolution de la qualité du lait en fonction du contexte climatique. « Le fait que la filière prenne en main ce projet est gage d’appropriation du sujet par les acteurs de l’amont et de l’aval », apprécie Fanny Albert.

30 millions d’euros demandés au ministre

Cette force du collectif inspiré par le déploiement depuis trois ans de FBL se retrouve sur de nombreux autres travaux. « 2022 a été pour nous une année de grande mobilisation pour défendre le revenu des producteurs de lait de brebis », explique Jean-Marc Chayriguès, dans son rapport moral. Le président sortant de FBL rappelle qu’à l’automne dernier, l’alerte avait été donnée au ministère de l’Agriculture quant à la situation périlleuse dans laquelle se trouvait alors (et toujours) la filière. « Pour tenter d’endiguer l’écart entre les charges de production et le revenu des éleveurs, et ce malgré la solidarité des entreprises de l’aval qui ont accepté de revaloriser le prix du lait, nous avions demandé une enveloppe de 30 millions d’euros, soit une aide de 100 euros aux 1 000 litres. Cette demande est restée sans réponse depuis », se navre le président.

Ce dernier va passer la main à Sébastien Rossi, président du collège producteurs, qui prendra donc la tête de FBL pour l’année à venir. « L’implication et la participation de chacun dans les sujets qui touchent la filière ovin lait sont primordiales pour les faire avancer. On a vu la force du collectif sur la question de la Charte brebis laitière, les échanges ont été nombreux mais la finalité est là, illustre cet éleveur de brebis laitières en Corse. Durant mon mandat, je souhaiterais avancer vers la reconnaissance officielle de FBL en tant qu’interprofession nationale, afin que nous gagnions en légitimité auprès des pouvoirs publics et en visibilité au sein de la filière. »

Chiffres-clés

La filière lait de brebis en France

 

  • 4 080 élevages professionnels

  • Plus de 8 000 éleveuses et éleveurs

  • 1,5 million de brebis laitières

  • 320 millions de litres de lait produits

  • Plus de 90 % de la production en zone de montagne

  • Plus de 10 % de la production en bio

  • Plus de 90 entreprises de transformation

  • 63 000 tonnes de fromages pur brebis produites en France

  • 29 000 tonnes de produits ultra-frais

 

À la rencontre des Bergers du Larzac

La journée s’est poursuivie avec une visite du site de production des Bergers du Larzac. La coopérative aveyronnaise, en pleine expansion, compte 33 producteurs de lait membres et emploie une grosse cinquantaine de salariés à l’année. Les Bergers du Larzac, fondé en 1996, sont devenus, en une vingtaine d’années, un acteur d’importance dans la filière ovin lait. En 2016, ils doublent la surface du site, passant à 4 300 m², divisé en deux ateliers distincts, d’un côté les tommes et les historiques pâtes pressées et d’un autre, les pâtes molles et les lactiques, afin d’éviter toute contamination croisée. La coopérative transforme 3,8 millions de litres de lait de brebis, à peu près moitié de bio et moitié de conventionnel.

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