« Nous maîtrisons le parasitisme pendant la lactation de nos brebis laitières grâce à notre nouvelle conduite du troupeau »
La résistance aux antiparasitaires progresse dans les Pyrénées-Atlantiques où les strongles ne réagissent plus à l’éprinomectine. Véronique et Beñat Biscay cherchent des solutions pour leur élevage.
La résistance aux antiparasitaires progresse dans les Pyrénées-Atlantiques où les strongles ne réagissent plus à l’éprinomectine. Véronique et Beñat Biscay cherchent des solutions pour leur élevage.
Beñat et Véronique Biscay élèvent 280 brebis basco-béarnaises et 20 vaches blondes d’Aquitaine, à Barcus dans les Pyrénées-Atlantiques. Ils sont membres du GIEE [Groupement d’intérêt économique et environnemental] Libere, pour la lutte intégrée en brebis laitière dans les élevages confrontés à des nématodes résistants. En 2018, après la descente d’estive et malgré un traitement à l’Ivomec, certaines brebis présentaient des signes d’infestation parasitaire : vulves et des paupières blanches témoignant d’une anémie. La saison a tout de même pu démarrer normalement. Au printemps suivant, par habitude, comme les brebis étaient en lactation, les éleveurs ont traité à l’Eprinex (l’éprinomectine étant la seule molécule avec un délai d’attente nul pour le lait). Dix jours après la montée en estive, plusieurs brebis meurent subitement. Adhérents au Centre départemental de l’élevage ovin [CDEO], ils appellent à l’aide la vétérinaire. Avec l’intervention de l’École nationale vétérinaire de Toulouse [ENVT], le professeur Philippe Jacquiet pose le diagnostic : « C’est un des premiers cas de résistance des strongles à l’éprinomectine du département ». En effet, les différents tests d’efficacité montrent une résistance de l’espèce Haemonchus contortus, devenue prédominante. « Dans la famille des lactones macrocycliques seule la cydectine fonctionnait encore ! », raconte Véronique Biscay. Dès 2019, le couple prend conscience que leur conduite de troupeau doit évoluer car plus aucun traitement antiparasitaire en lactation ne sera possible.
Conduite rigoureuse du pâturage
Ils commencent par le pâturage cellulaire. « Le troupeau ne reste pas plus de deux jours dans une cellule et n’y passe qu’une fois au printemps. Les vaches pâturent la repousse avant les foins » explique Beñat Biscay, dont la ferme bénéficie d’une superficie de 38 ha de prairies. Il met en place trois à quatre cellules à la fois, ce qui lui prend deux heures, afin de ne pas s’y astreindre tous les jours. Pour ce faire ils ont investi dans 12 filets à électrifier. Les parcs fixes n’étaient pas pertinents en raison de la fauche. « Nous avons arrêté le système de pâturage au fil avant uniquement, car il y avait un risque de surpâturage et de réinfestation » se souvient Véronique. De l’agnelage aux premiers jours de lactation, les brebis restent en bergerie. Grâce à ce pâturage mixte et cellulaire, ils limitent le surpâturage et constatent que leurs prairies sont plus saines. « Les brebis sont au moins préservées le temps de la lactation », conclut Véronique Biscay.
Traitements maîtrisés
Désormais, ils font deux traitements issus de deux familles de molécules différentes : cydectine avant la lactation et Seponver au tarissement, précédés de coprologies, dont l’élevage bénéficie grâce au suivi mis en place par le GIEE, afin de vérifier l’état d’infestation et de ne pas traiter inutilement. « Globalement, depuis nos changements de pratiques, les analyses coprologiques restent bonnes pendant la période lactation. C’est seulement en estive que les brebis ont tendance à s’infester. Le mélange des troupeaux n’aide pas… », constate Beñat Biscay. Aussi, du fait de leur participation au GIEE, leurs brebis sont prioritaires pour être inséminées avec des paillettes des béliers les plus résistants aux strongles. « Le critère de résistance au parasitisme est héritable et va d’ailleurs rentrer dans l’index des béliers du CDEO, pour les races manech tête rousse et basco-béarnaise », indique Clémentine Rolland responsable du GIEE Libere.