PÉDOLOGIE
Les sols des Côtes d'Auvergne n'auront bientôt plus de secrets
Les sondages de sols sont en cours dans le vignoble des Côtes d'Auvergne. Les premiers résultats sont attendus dans le courant de l'année 2024.
Les sondages de sols sont en cours dans le vignoble des Côtes d'Auvergne. Les premiers résultats sont attendus dans le courant de l'année 2024.
Elle parcourt depuis plusieurs mois maintenant les vignobles puydômois. Véronique Genevois est pédologue à l'Institut Français du Vin (IFV) et a pour mission de cartographier les terroirs viticoles du Puy-de-Dôme. Ici, aux pieds des volcans, la lecture seule du paysage et de ses courbes ne suffit pas à déterminer ce qui se cache sous la végétation ; au point d'avoir fait perdre les repères de la pédologue. « Je n'ai plus aucune certitude ici, tout est surprenant et mélangé. La tarière est indispensable. » Le volcanisme est le père de cette terre où les vignerons et les viticulteurs d'aujourd'hui produisent un vin d'exception, un breuvage aussi magmatique que son terroir. Face au réchauffement climatique qui s'opère, ils ont besoin d'en connaître la nature véritable pour assurer la pérennité de leur production. Le Syndicat des Côtes d'Auvergne a donc lancé ce vaste chantier de cartographie en 2023, sur plus de 350 hectares, pour permettre aux vignerons et viticulteurs de s'adapter. Ce jour de janvier, Bastien Mignon, jeune vigneron installé depuis 2021 sur la commune d'Enval, reçoit la pédologue dans une ancienne vigne, arrachée, et longtemps laissée en friche. Il attend de ses recherches des indications qui lui permettront de choisir le porte-greffe et le cépage les plus adaptés au sol de sa parcelle. « Une vigne, on ne la plante pas pour une année mais pour plusieurs décennies. »
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« Un conte pédologique »
Cette grande étude a démarré à l'automne 2023. À son terme, toutes les parcelles analysées seront caractérisées à la fois d'un point de vue géologique et pédoclimatique.
Dans la parcelle de Bastien Mignon, sur les hauteurs de l'ancien village vigneron, c'est à la tarière que Véronique Genevois sonde le sol pour la 295ème fois. « Je vais descendre jusqu'à 1,20 m, à moins que la roche ne m'arrête avant ». Elle recherche en premier lieu des indicateurs qui vont l'aider à déterminer la nature des éléments qui ont donné naissance à ce sol. En fonction de la morphologie de la parcelle, deux carottages pourront être nécessaires pour évaluer l'épaisseur du sol, caractériser les différents horizons et déterminer le pH.
« Dans les sols basiques, la vigne présente un risque de chlorose ferrique. À l'inverse, un sol acide aura une vie biologique limitée et il faudra prévoir des amendements. Concrètement, le gamay aime les sols acides mais pas le chardonnay. Ce pH peut plus ou moins limiter la production » explique Bastien Mignon.
Véronique Genevois poursuit ses prélèvements. « Ici, le sol est profond. » Elle commence à trouver la roche à 1,20 m. Encore une fois, elle est surprise par ce qu'elle découvre. « Au premier regard, on aurait pu croire cette parcelle plutôt sableuse mais elle contient une belle quantité d'argile. La terre tache les mains. Nous sommes sur une zone limono-argileuse sableuse. » Un beau fouillis en somme. La présence de basalte confirme le passé volcanique des lieux. Quant au sable, « il peut provenir de maar », un cratère volcanique d'explosion, parfois rempli par un lac « ou bien de l'Allier qui montait jusqu'ici ».
Bien plus que de la simple terre, c'est un conte géologique qui se dévoile. La proximité de la faille de Limagne multiplie les hypothèses de sa naissance.
« Le volcanisme dans le Puy-de-Dôme est unique mais sa faille de Limagne l'est encore davantage puisqu'elle rassemble tous les types de roches. L'effondrement de cette vallée il y a des millions d'années, a tout mélangé. Les sols sont très hétérogènes d'un secteur à un autre mais aussi au sein des parcelles. » L'exercice de la cartographie, pourtant habituel pour la pédologue, s'en trouve complexifié. « Nous sommes loin d'un vignoble homogène comme en Bourgogne, par exemple. »
Véronique Genevois va réaliser des sondages jusqu'au mois de mars. Au total, plus de 700 seront nécessaires à la cartographie, sans compter les analyses en laboratoire pour déterminer le pH, la teneur en éléments chimiques... À ces milliers de résultats s'ajouteront ceux d'une dizaine de fosses, pouvant aller jusqu'à deux mètres de profondeur, creusées dans différentes zones du vignoble pour déterminer plus finement la nature des sols.
Doubler la surface du vignoble
Une fois terminée, cette cartographie permettra certes aux vignerons et viticulteurs d'adapter leurs pratiques face au changement climatique mais aussi, pour le syndicat viticole de préserver les surfaces existantes de l'urbanisation grandissante et de réorienter le foncier en vue de l'expansion de la zone d'appellation Côtes d'Auvergne. La filière ambitionne de doubler la surface du vignoble qui compte aujourd'hui 350 hectares et de favoriser la création de 35 nouvelles exploitations. Bastien Mignon en fait partie. Son exploitation n'est pas une reprise mais une création. Il a acquis un hectare de vignes en production ainsi que quelques parcelles. Son projet est de replanter cinq hectares dans les cinq prochaines années dont 0,5 hectare en 2024.
« La cartographie des sols arrive à point nommé. Je voudrais surtout connaître la capacité de rétention en eau de mes parcelles pour choisir le porte-greffe le plus adéquat. » confie Bastien Mignon.
Le terroir a lui seul ne suffit pas à faire du bon vin. Selon Bastien Mignon, le matériel végétal, et son adaptation au contexte pédoclimatique de la parcelle, est la clé de voûte de la réussite et surtout de la pérennité. Finalement, un bon vin, n'est-ce pas quand terre et vigne ne font plus qu'un ?
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