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La forte taxation des terres agricoles encourage leur artificialisation en France

Les terres agricoles sont bien plus taxées en France que dans le reste de l’Europe, et les loyers de fermage sont plus faibles. Une combinaison favorable à l’artificialisation selon une étude de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

Résidences proches de terres agricoles
© Marie-Annick Carré

La lourde fiscalité pesant sur les terres agricoles en France serait en cause dans leur artificialisation, ce qui a un impact négatif sur la biodiversité, selon un récent rapport de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) (disponible en bas de l’article).

;Les travaux universitaires montrent que l’urbanisation des terres agricoles est freinée par la rentabilité de l’agriculture et lorsque les prix des terres agricoles est élevé », écrivent les auteurs de l’étude en préambule. « La taxation influe sur ces facteurs : si elle est trop élevée elle peut diminuer la profitabilité de l’agriculture et donc faciliter l’urbanisation des terres agricoles », poursuivent-ils.

Cinq taxes non liées au revenu appliquées en France

Or les terres agricoles semblent bien plus taxées en France que dans le reste de l’Europe, soulignent les auteurs après une étude comparée de la taxation des terres en Europe.

« Outre, plusieurs taxes annuelles liées au revenu (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux), la France applique, sur les terres agricoles, cinq taxes non liées au revenu : la taxe foncière, la taxe pour frais de Chambre d’agriculture, les droits de mutation à titre onéreux, les droits de mutation à titre gratuit, et le cas échéance l’impôt sur la fortune immobilière », écrivent les auteurs, trois de ces taxes étant prélevées annuellement.

La France applique aux terres agricoles le taux marginal le plus élevé en Europe pour l’impôt sur le revenu, le deuxième taux marginal le plus élevé pour les droits de mutation à titre gratuit, le quatrième taux le plus élevé pour les trois de mutation à titre onéreux et le cinquième taux le plus élevé pour les plus-values immobilières, avec des abattements très lents et la durée de taxation la plus longue, détaille l’étude. La France est aussi l’un des quatre seuls pays dans lesquels un impôt sur la fortune s’appliquant aux terres agricoles existe.
 

Une taxation qui augmente

En outre, alors que dans plusieurs pays européens, la suppression récente de certains impôts a allégé la pression fiscale sur les terres agricoles, la taxation des terres agricoles françaises a augmenté ces dernières années.
 

Faibles niveaux de loyers de fermage et de rentabilité

A cette taxation, s’ajoute un niveau de loyers de fermage nettement plus faible en Europe qu’en moyenne dans l’Union européenne : avec des loyers moyens de fermage à l’hectare de 140 euros/ha contre 800 aux Pays-Bas, 530 au Danemark, 350 en Allemagne ou encore 300 en Irlande. « En France, depuis 1950, les loyers de fermage augmentent moins vite que l’inflation. Ils reculent d’environ 1,2% à 1,3% par an en euros constants. Entre 1999 et 2019, le rendement locatif brut des terres agricoles a même diminué de près de moitié », précise l’étude.

La forte taxation des terres agricoles non liée aux revenus combinée à des loyers de fermage bas « aboutit tendanciellement à une rentabilité après impôt nulle ou négative », déplorent les auteurs de l’étude.

Selon l’étude, alors que l’hectare agricole vaut en moyenne 6000 euros quand il est libre (4500 euros quand il est loué), ce montant s’élève à 10 000 en Pologne, 12 000 en Espagne et en Grèce, 21 000 en Allemagne, 23 000 en Irlande et même 63 000 aux Pays-Bas. Un différentiel de prix qui faciliterait le rachat des terres agricoles françaises par les étrangers, souligne au passage la note de la FRB.

Ces éléments ont déjà pointés dans un rapport IGF-CGAAER qui montrait dès 2013 que sur vingt ans en France :

  • Les terres agricoles sont l’actif qui a le rendement le plus faible
  • Leur rendement est le seul qui soit inférieur à l’inflation et donc négatif en euros constants


Tentation d’affecter les terres à d’autres usages

Une situation qui conduirait les détenteurs de terres agricoles à les affecter à d’autres usages (boisement, énergies renouvelables, urbanisation), affirme la Fondation pour la recherche et la biodiversité.

Ainsi le cadre législatif français institué après la seconde guerre mondiale pour faciliter l’accès à la terre pour les exploitations agricoles aurait aujourd’hui des effets pervers en conduisant notamment à l’artificialisation des sols, dénonce l’étude.
 

Recommandations pour réduire l’artificialisation

Face à cette situation, et alors que suite à la loi climat et résilience du 22 août 2021, la France s’est fixée l’objectif de zéro artificialisation des sols nette (ZAN) à horizon 2050, la Fondation pour la recherche et la biodiversité formule quatorze recommandations dont

  • augmenter les loyers bruts ou diminuer la taxation des terres agricoles 
  • diminuer le coût fiscal du portage des terres agricoles
  • diminuer la taxation des terres agricoles sur lesquelles sont implantées des haies ou qui sont converties à l’agroforesterie (tout en modifiant le statut du fermage sur ce point)
  • Allonger l’exonération de la taxe foncière pour les parcelles agricoles en zones humides ou les parcelles converties en agriculture biologique
  • Exonérer les prairies de la taxe foncière non bâtie pour éviter leur retournement en terres de culture
  • Mettre en place une écofiscalité incitative en « taxant un terrain en fonction de sa valeur écologique, des services environnementaux qu’il délivre, voire des pratiques qui permettent de maintenir sa valeur écologique et la délivrance de services écosystémiques, voire de les augmenter »
  • soumettre le bail rural à clauses environnementales (institué par la loi d’orientation agricole de 2006, mais encore peu répandu) à une fiscalité incitative
  • tester en France des programmes du type Williamson Act et Open Space Act, mis en place en Californie, « qui permettent de conserver des terres agricoles non bâties en évitant une surtaxation de ces terres », notamment sur le littoral, sur l’arrière littoral ou en périurbain.
 

Retrouvez l’étude de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité

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