[Interview] Gilles vk : « C’est à nous agriculteurs de parler d’agriculture »
Peu de gens qui parlent d’agriculture sur les plateaux de télé sont des agriculteurs. C’est ce que constate Gilles vk, agriculteur dans le Loiret. En revanche, les réseaux sociaux offrent une belle tribune aux professionnels de la filière. L’agriculteur a décidé d’y être présent, notamment avec sa chaîne YouTube. Depuis 5 ans, au travers de ses vidéos, il invite les internautes à partager son métier au quotidien.
Peu de gens qui parlent d’agriculture sur les plateaux de télé sont des agriculteurs. C’est ce que constate Gilles vk, agriculteur dans le Loiret. En revanche, les réseaux sociaux offrent une belle tribune aux professionnels de la filière. L’agriculteur a décidé d’y être présent, notamment avec sa chaîne YouTube. Depuis 5 ans, au travers de ses vidéos, il invite les internautes à partager son métier au quotidien.
Avant de s’installer Gilles vk était salarié dans un centre de gestion. Il conseillait les entreprises, notamment agricoles. Puis, en 2012, il s’est installé à Chatillon Coligny dans le Loiret. Aujourd’hui il est à la tête d’une exploitation de 250 ha où il cultive du blé et de l’orge, du colza, du maïs, du tournesol, de la féverole et des oignons semence. Un peu présent au départ sur les réseaux sociaux, il a « passé la 2nde au niveau communication » en 2016 en créant sa chaîne YouTube « Gilles vk agriculteur du Loiret ». Cinq ans après, il fait partie des communicants reconnus en agriculture. Il parle de son métier en montrant, en expliquant… Grâce à ses vidéos, 113 000 personnes ont visité sa ferme, 194 000 ont suivi le coulage de la dalle béton dans son hangar de 300 m2, 161 000 ont assisté au changement des 4 pneus sur son nouveau tracteur… « C’est la réalité de ce qui se passe, » dit-il simplement. Ce mardi 26 octobre, à près de 7 km/h dans son tracteur, en plein semis de blé et tournage vidéo, il a accepté de répondre à quelques questions pour parler de cette activité de communication qui est devenue une des facettes de son métier.
Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?
Gilles vk – « Quand j’étais salarié, je constatais déjà une grande différence entre ce que je vivais sur les exploitations et ce que les gens pensaient. Quand je me suis installé, j’étais sur Twitter, c’est tout. En 2016, une émission " Cash Investigation " d’Elise Lucet m’a poussé à mieux communiquer. La journaliste affirmait que 97 % des denrées alimentaires contenaient des résidus de pesticides. Elle a démenti ce chiffre ensuite dans un journal mais on était partis sur quelque chose de faux. A l’époque, mon fils qui avait une dizaine d’années allait sur YouTube. Je me suis dit " si les jeunes sont sur YouTube, c’est là qu’il faut être ". J’ai démarré pour parler de mon métier d’agriculteur. Mon objectif, c’est de partager ce que je fais au quotidien. J’ai envie de communiquer. »
Sur quels réseaux sociaux êtes-vous présent ?
Gilles vk – « Je suis sur Facebook, Twitter, Instagram et surtout sur YouTube où j’ai deux chaînes. La principale, où je poste une vidéo longue par semaine, compte 45 000 abonnés. La secondaire, où je poste des petites vidéos en direct, a 15 - 16 000 abonnés. »
Y a-t-il une vidéo dont vous êtes particulièrement fier ?
Gilles vk – « Non. Chaque vidéo a son intérêt et son public. Il y en a quelques-unes qui marchent mieux mais ce ne sont pas forcément celles où j’ai passé le plus de temps et dont je suis le plus content. Il peut m’arriver en revanche d’être fier de certains commentaires. Quand on me dit par exemple : " merci pour vos vidéos, j’habite en ville, c’est mon bol d’air du week-end ". »
« C’est la réalité de ce qui se passe. »
Quelle est votre meilleure audience ?
Gilles vk – « Je ne sais pas trop. Je regarde les audiences 2 à 3 h après la mise en ligne pour m’assurer qu’il n’y a pas de gros problème. Ensuite, je ne m’y intéresse plus vraiment. Je ne fais pas ça pour faire de l’audience. Quand j’ai posté ma première vidéo, un mois après, il y avait 200-300 vues. C’était une vidéo qui expliquait que les agriculteurs raisonnent leurs apports d’engrais. Je me suis dit : " c’est extraordinaire d’avoir cet auditoire ". Essayez de réunir 300 personnes dans une salle pour leur parler de ce sujet ! Aujourd’hui, mes vidéos font plus souvent 50 000 vues mais même si ce n’est que 10 000, c’est déjà énorme toutes ces personnes que j’ai pu emmener dans mon champ. Mon objectif n’est pas de faire 200 000 vues à chaque fois. Je ne veux pas devenir YouTubeur et arrêter mon métier d’agriculteur. »
Avez-vous déjà fait un « bad buzz » avec une de vos vidéos ?
Gilles vk – « Ce n’est pas vraiment un bad buzz mais il y a eu une vidéo pour laquelle les réactions ont été très compliquées. Il y a 2 ou 3 ans, j’ai posté un sujet sur le semis direct et la destruction du couvert végétal avec du glyphosate. Au début, il n’y a pas eu de souci. Et puis à un moment, d’un seul coup, la vidéo a dû partir dans un réseau " anti " et là, il y a eu un déferlement de commentaires méchants et haineux. Les gens cherchent à vous " casser " parce qu’ils ne partagent pas votre opinion. J’ai dû couper les commentaires pendant une semaine. Il faut savoir se déconnecter des réseaux quand ça part en vrille. Je ne suis pas là pour être tout le temps en réponse. La communication de crise, ce n’est pas mon créneau. Mais ça n’est arrivé qu’une seule fois. »
C’est un post que vous regrettez ?
Gilles vk – « Non. J’en ai fait d’autres sur le sujet et je continue à expliquer. Il n’y a pas de tabou. Globalement, les commentaires que je reçois sont positifs. Il y a quelquefois des gens qui posent des questions en titillant mais quand on leur explique, ils sont contents. Les gens peuvent ne pas être d’accord mais ils ne peuvent pas me contredire puisque c’est ce que je vis sur mon exploitation. »
« En fait, Elise Lucet a fait énormément de bien à la communication agricole.
Qu’est-ce qui vous a marqué, voire énervé, en matière de communication sur l’agriculture ?
Gilles vk – « Il y a obligatoirement des choses énervantes. Je vais reparler d’Elise Lucet et des émissions grand public sur l’agriculture. Chacun a le droit de s’exprimer mais je constate que peu de gens qui parlent de l’agriculture sur les plateaux de télé sont des agriculteurs. Ca se passe à Paris, il faut être présent et on n’a pas le temps de se déplacer. Les médias grand public ne peuvent pas s’empêcher d’être dans le " c’était mieux avant ". Ce n’est pas la réalité. Et ceux qui font ces émissions préfèrent inviter des gens connus. Ca fait plus le buzz qu’un agriculteur. Nous, on n’est pas là pour faire de l’audimat. En revanche, on a la chance de pouvoir nous exprimer sur les réseaux sociaux. A nous d’y être pour expliquer ce que l’on fait.
Avez-vous un modèle sur les réseaux sociaux, un exemple que vous avez suivi ?
Gilles vk – « J’ai rencontré Thierry agriculteur d’aujourd’hui et David Forges au Salon de l’agriculture, à l’époque où ils n’étaient pas encore connus. Entre agriculteurs sur les réseaux sociaux, on se connaît. J’échange beaucoup avec d’autres YouTubeurs. On a tous notre créneau et on n’est pas en concurrence. Quand on a commencé, gagner les premiers abonnés, c’était très compliqué. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus facile, il y a une a une audience agricole.
Quel a été votre déclic pour vous lancer ?
Gilles vk – « Mon déclic, ça a vraiment été Elise Lucet. Mais en fait, je la remercie. Elle a fait énormément de bien à la communication agricole. »
« Peu de gens qui parlent de l’agriculture sur les plateaux de télé sont des agriculteurs. »
Combien de temps passez-vous sur les réseaux sociaux ?
Gilles vk – « Beaucoup trop. Les prises de vue, le montage, la mise en ligne, répondre aux commentaires… Et je ne parle pas des demandes d’interview auxquelles on répond parfois ! (NDLR : humour !) Tout ça prend beaucoup de temps. En plus, je suis en pleine campagne, je n’ai pas la fibre. Mis bout à bout, ça peut aller de 4 h par semaine à 2 jours. Cela prend aussi de la disponibilité de votre cerveau. Quand on tourne en travaillant, on est beaucoup moins efficace donc on passe plus de temps. Et il faut penser aux prochains sujets… Je fais une vidéo par semaine car j’ai des abonnés qui l’attendent à l’heure pile. Et avec les algorithmes, malheureusement, pour rester dans la partie visible, il faut de la régularité. »
Quel conseil donneriez-vous à un agriculteur qui veut se lancer sur les réseaux sociaux ?
Gilles vk – « La bonne nouvelle, c’est que les premières vidéos sont très peu vues, qu’elles soient mauvaises ou bonnes ! C’est ce que je dis à ceux qui veulent se lancer. En fait, il faut beaucoup de temps avant de faire des vidéos de qualité. En général, les premières vidéos des YouTubeurs ne sont pas bonnes mais il ne faut pas avoir peur de les poster, elles seront très peu vues. Plus on sera nombreux à expliquer ce qu’on fait et comment on le fait, mieux ce sera. Il y a une multitude d’agriculteurs différents et d’agricultures différentes. Si nous agriculteurs ne parlons pas d’agriculture, d’autres en parlent à notre place. »
Retrouvez toutes les interviews des agriculteurs communiquant sur les réseaux :
Amandine Muret Béguin : « Les réseaux sociaux ne remplacent pas le contact humain »
Océane Future agricultrice : « Il y a beaucoup trop de préjugés sur les femmes en agriculture »
Cédric, éleveur dans le Cantal et défenseur de SA cause animale
Gaël Blard agriculteur bio : « Être présent sur les réseaux sociaux aide à se dépatouiller »
Christelle @LaVacaPreciosa : « j’arrive à montrer une belle image de l’agriculture aux gens »
Marco l’Agricoolteur : l’agriculteur français le plus suivi sur TikTok
Bruno Cardot, agriculteur : « être dans l'autodérision et la satire »
Le Berger des étoiles chemine sur Twitter sans tomber dans « le piège de la provocation »
Lucie Gantier alias @JoliesRousses : parler de l'abattage de ses poules sans tabou sur Twitter