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« La vente de Grignon n’est plus nécessaire à l’Etat »

Après la manifestation le 11 septembre et l’annonce d’un recours par la Communauté de communes Cœur d’Yvelines, Grignon 2000 reste mobilisée pour faire annuler la vente du domaine de Grignon au promoteur immobilier Altarea. Interview croisée de Georges d’Andlau et Hervé Lecesne (président de Nactis) et Mathieu Baron, respectivement coprésidents et délégué général de l’association portant le projet Grignon 2026.

Equipe de l'association Grignon 2000
Equipe de l'association Grignon 2000 lors du dépôt du projet Grignon 2026 en décembre 2020. Ee gauche à droite : Clothilde Caron (étudiante administratrice), K. Lecesne (invitée), Hervé Lecesne (coprésident) Marlène Styckel ( étudiante administratrice), Pascal Clerc (administrateur), Thibault Lange (salarié), Alice Durieux (ex-salariée), Mathieu Baron (délégué général), S. Pinot (avocat), Georges d'Andlau (Coprésident), Jean Baptiste Lacoudre (architecte)
© Grignon 2000

Quelles ont été les conséquences de votre manifestation du 11 septembre devant le domaine de Grignon ?

Mathieu Baron : Nous avons eu de bonnes retombées dans la presse et une forte mobilisation des élus. Nous étions finalement 500 dont un tiers d’étudiants. Autre retombée directe : le communiqué de la Communauté de communes Cœur d’Yvelines annonçant sa volonté de déposer un recours gracieux auprès de l’Etat.

Georges d’Andlau : Nous avons eu des soutiens d’élus locaux mais aussi de députés et sénateurs de tous bords politiques au-delà du département.

Ce mouvement ainsi que la publication de nombreux articles dans la presse dont celui de Mediapart ont-ils fait bouger les choses au niveau du gouvernement ?

Mathieu Baron : Nous sommes toujours sans réponses du gouvernement.

Lire : AgroParisTech : vente choc du domaine de Grignon au promoteur immobilier Altarea

Georges d’Andlau : Nous avons rencontré le directeur du cabinet du ministre de l’Agriculture le 26 août puis le conseiller du directeur de l’Immobilier de l’Etat le 3 septembre. Ces discussions n’ont pas donné grand-chose. Le directeur de l’immobilier de l’Etat dit exécuter les décisions de ventes de domaines générées par l’Agriculture et n’avoir jamais eu d’autres propositions même si nous avons proposé de lancer un appel à projets avec bail emphytéotique ou mise en place d’une société d’économie mixte. Cela a été balayé par le ministre de l’Agriculture qui dit n’avoir jamais été impliqué dans le Jury (le Canard Enchaîné dit au contraire qu’il était représenté par deux haut fonctionnaires). Sur les conseils du président du Sénat Gérard Larcher nous avons aussi écrit à un certain nombre de ministres qu’ils nous rencontrent. Et pour l’heure nous n’avons pas de retour.

La communauté Cœur d’Yvelines vient d’exercer un recours gracieux auprès de l’Etat, y êtes-vous associé ? Qu’est-ce que cela implique ?

Mathieu Baron : Le recours a été annoncé, mais n’est pas encore déposé. De notre côté nous sommes en train d’étudier l’axe le plus intéressant.

Georges d’Andlau : Le recours gracieux suspend pendant deux mois la transaction. De notre côté nous avons demandé aux ministres de l’Agriculture et de l’Economie et des finances de se positionner.

Lire : Pourquoi AgroParisTech Alumni ne s’oppose pas au rachat de Grignon par Altarea

AgroParisTech alumni ne s’oppose pas au projet Altarea, évoquant notamment le fait que des délais supplémentaires générés par un recours contre le processus de la vente de Grignon pourraient entrainer des dégradations et coûts de rénovation supplémentaires. Que répondez-vous ?

Georges d’Andlau : C’est un argument qui pourra être développé l’an prochain ! Cette année, l’enseignement se déroule toujours à Grignon donc il n’y a pas de détérioration possible. L’entretien des locaux continuera à se faire jusqu’à la fin 2022, date annoncée pour le déménagement après la réception des locaux de Saclay. Aujourd’hui cet argument ne tient pas la route.

Gilles Trystram part de la direction d’AgroParisTech fin octobre

L’association indique aussi participer à une mission confiée à Gilles Trystram pour améliorer le projet. Comment percevez-vous cette mission ?

Georges d’Andlau : Après nous avoir dit qu’il n’était pas impliqué, le ministre de l’Agriculture a demandé à Gilles Trystram de mener une mission en conformité avec les décisions prises pour réfléchir à une nouvelle proposition avec le promoteur immobilier.

Hervé Lecesne : Et là où ça devient compliqué c’est que Gilles Trystram part de la direction d’AgroParisTech fin octobre.

Georges d’Andlau : C’est une mission de cautérisation ça ne nous semble pas fondamental.

Hervé Lecesne : Le financement du chantier de Saclay (230 millions d’euros dont plus de la moitié est financé par un emprunt de très long terme garanti par l’Etat) vient d’être bouclé par la vente des locaux de la rue Claude Bernard à Paris (lieu d’enseignement des deuxièmes et troisièmes années d’AgroParisTech), qui a été bien mieux gérée que Grignon. La vente de Grignon n’est plus nécessaire à l’Etat. La vente de la rue Claude Bernard a rapporté 110 millions d’euros et le site de Massy (centre d’enseignement dédié à la formation et la recherche pour les industries agricoles et alimentaires) est en cours de vente. Pour la rue du Maine (où étudie une partie des élèves de troisième année), un bail emphytéotique a réussi à être conclu.

De petits scandales annexes

Georges d’Andlau : Pour revenir à la mission de Gilles Trystram, on ne veut pas y participer car cela nous paraît aberrant d’introduire dans l’affaire un promoteur immobilier qui veut construire des logements et va perturber la gestion à long terme d’un campus international pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Entre les acheteurs de logements, l’activité d’intérêt public et les chercheurs, on aura toujours des intérêts divergents. Grignon peut devenir un centre de développement économique lié à l’avenir de l’agriculture et de l’environnement. On manque aujourd’hui cruellement de projets de ce genre-là. Il y a urgence devant les changements climatiques qui nous attendent. Y renoncer pour 5 millions d’euros (différence entre l’offre d’Altarea et celle de Grignon 2000, ndlr) c’est vraiment dommage. Sans parler des « petits scandales annexes » avec la récupération de subventions (défiscalisation, ndlr) liés aux monuments historiques pour installer des logements.

Quelles sont selon vous les chances que le projet de vente de Grignon à Altarea soit annulé ?

Georges d’Andlau : C’est notre objectif. On y compte bien à travers notre combat juridique et médiatique.

Hervé Lecesne : On compte aussi sur nos partenaires (dont une centaine d'entreprises, d'organisations de la société civile et d'acteurs du mondes professionnel) avec qui nous avons beaucoup travaillé sur notre projet. Ils sont tous très déçus de la décision prise.

On appelle à manifester le 30 septembre rue de Varenne

Vous allez organiser un autre mouvement de contestation dans les jours qui viennent ?

Mathieu Baron : On appelle à manifester le 30 septembre rue de Varenne. On ne sait pas encore si ce sera devant le ministère de l’Agriculture.

Lire aussi : Pourquoi les étudiants d'AgroParisTech bloquent-ils le site de Grignon ?

Les étudiants de Grignon semblent être pour l’annulation de la vente, mais ne soutiennent pas pour autant votre projet, quelles relations entretenez-vous avec eux ?

Georges d’Andlau : Aujourd’hui on continue de discuter avec eux. Au niveau de Grignon 2000 nous avons été mis dans une seringue : on était pour un bail emphytéotique avec la communauté de communes et l’Etat nous a mis devant le fait accompli d’un appel d’offres réalisé pour un groupe immobilier. Nous avons été obligés de nous positionner sur une option d’achat.

Mathieu Baron : Nous nous retrouvons tous derrière ce mot d’ordre : « pas de vente à Atlarea ».

Hervé Lecesne : Beaucoup d’étudiants suivent Grignon 2000.

Mathieu Baron : On discute avec les étudiants et ils appellent à manifester avec nous le 30 septembre.

Le précédent du château de Pontchartrain

Hervé Lecesne : A noter qu’Altarea a réussi à acheter le château de Pontchartrain dans les Yvelines et a un projet avec Histoire & Patrimoine qui va défigurer le domaine et permettre la construction de 110 voire 120 logements. On a très peur de ça, d’être pris dans un engrenage avec eux. C’est dans leur ADN, on ne peut pas leur reprocher.

 

 

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