Méthanisation agricole : quel avenir pour le soutien à la production de biogaz?
Un rapport de la Cour des comptes vient d’émettre un avis assez critique sur le soutien du développement du biogaz. Elle encourage l’Etat à clarifier ses modalités de soutien à la méthanisation agricole et à un meilleur suivi de ses politiques.
Un rapport de la Cour des comptes vient d’émettre un avis assez critique sur le soutien du développement du biogaz. Elle encourage l’Etat à clarifier ses modalités de soutien à la méthanisation agricole et à un meilleur suivi de ses politiques.

« Des unités de méthanisation agricole présentent des rentabilités excessives, en particulier celles ayant bénéficié de contrats d’achat signés avant 2020 », peut-on lire dans un rapport de la Cour des comptes paru le 6 mars qui estime « que le maintien du soutien pour l’installation d’unités de production d’électricité devrait être discuté, compte tenu des formes alternatives de production d’électricité renouvelable et des autres moyens de décarboner le secteur agricole ».
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Des objectifs de biogaz à horizon 2030 mal évalués ?
Fin 2023, la France comptait 1911 unités de méthanisation, principalement agricoles et de petite ou moyenne taille, délivrant une production totale d’énergie de près de 12 TWh de gaz et d’électricité (hors production de chaleur), rappelle la Cour des comptes. La France s’est fixée comme objectif de quadrupler la production de biogaz d’ici à 2030 en vue d’une décarbonation totale de la consommation de gaz d’ici à 2050, selon le projet de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie. Des objectifs qui selon la Cour des comptes « tiennent insuffisamment compte des conséquences de la baisse future de consommation de gaz naturel » et qui nécessiteraient de « s’assurer de la disponibilité de la biomasse » avec l’apparition de « tension d’approvisionnement » dès 2030.
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Quel coût du soutien à la méthanisation agricole ?
Critique, la Cour des comptes s’interroge par ailleurs sur l’efficience des soutiens financiers apportés au développement de la filière méthanisation agricole au regard des coûts de production de cette énergie. Les contrats d’obligation d’achat ont représenté 2,6 milliards d’euros entre 2011 et 2022 et cette politique nécessitera encore 12,7 milliards à 16,2 milliards d’euro de dépenses publiques pour l’achat du biométhane, au titre des contrats signés jusqu’au début de l’année 2023.
Ces mesures de soutien s’adaptent mal à l’hétérogénéité des coûts de production inhérente aux caractéristiques très diverses des installations
Or « ces mesures de soutien s’adaptent mal à l’hétérogénéité des coûts de production inhérente aux caractéristiques très diverses des installations », estime la Cour des comptes. Dans leur rapport, les Sages de la rue de Cambon soulignent que la médiane des taux de rentabilité interne avant impôt des projets de méthanisation en injection (avec des contrats antérieurs à 2020) atteindrait 16,9% en tenant compte des subventions d’investissement. Une rentabilité « jugée excessive » par la Cour des Comptes.
A l’avenir l’Etat entend principalement soutenir la filière par le mécanisme des certificats de production de biogaz qui devrait « favoriser les installations de grande taille et le portage de projets par des industriels ou des énergéticiens » estiment également les Sages.
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Quel impact sur les pratiques agricoles ?
Si la méthanisation a permis aux exploitations agricoles d’accroître en moyenne leur excédent brut d’exploitation de 20% par rapport aux exploitations similaires non impliquées dans ce processus, la Cour de comptes met en garde sur l’effet plus incertain pour les exploitations se limitant à approvisionner un méthaniseur ou à en récupérer le digestat.
De plus elle estime que l’impact de la méthanisation sur les pratiques agricoles et la gestion des déchets est effectif mais encore mal évalué.
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Que propose la Cour des comptes ?
Face à ces constats, la Cour des comptes formule plusieurs recommandations parmi lesquelles :
- Organiser un contrôle périodique des coûts et de la rentabilité des installations de méthanisation soutenues
- Confier à la commission thématique interfilière « bioéconomie » le suivi de l’effet de la méthanisation sur les pratiques agricoles, sur la base d’une liste d’indicateurs clés
- Mieux tracer les intrants de la méthanisation
- Revoir le soutien au développement de nouvelles installations en cogénération « sur la base d’une évaluation actualisée des bénéfices associés »
- Mieux associer les gestionnaires de réseaux de gaz et d’électricité pour définir les objectifs de production de biogaz à horizon 2050
- Actualiser la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse
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