À Mayotte, « les pillages sont devenus la norme sur ma ferme depuis le passage du cyclone Chido »
À Mayotte, deux mois après le passage du cyclone Chido qui a dévasté l’archipel, Saïdina Omara, exploitant agricole depuis dix-sept ans, situé à deux pas de la capitale Mamoudzou, témoigne son désarroi. Au-delà des ravages causés par les rafales à plus de 220 km/h, c’est l’insécurité chronique sur l’île qui rend son quotidien « invivable ».
À Mayotte, deux mois après le passage du cyclone Chido qui a dévasté l’archipel, Saïdina Omara, exploitant agricole depuis dix-sept ans, situé à deux pas de la capitale Mamoudzou, témoigne son désarroi. Au-delà des ravages causés par les rafales à plus de 220 km/h, c’est l’insécurité chronique sur l’île qui rend son quotidien « invivable ».




« Je me suis installé à la suite de mon père en 2008 sur une exploitation de cinq hectares. J’élève une dizaine de bovins et je cultive des ananas et de la vanille, à trois kilomètres au-dessus de la capitale Mamoudzou, à Mayotte. Les tôles de ma maison d’habitation et de mes bâtiments d’élevage n’ont pas résisté à la puissance des vents. J’ai aussi perdu trois vaches.
Nous ne pouvons rien contre la nature, mais l’insécurité, c’est autre chose. Dans les jours qui ont suivi le désastre de Chido, les pillages se sont intensifiés. Le peu de tôles encore en place et le restant de panneaux solaires ont été incendiés ou volés sur ma ferme. On m’a aussi volé mes chiens, les sacs d'aliment pour mon troupeau et tout mon outillage. N’ayant plus de toit sur place, j’ai dû retourner me loger en ville, ce qui laisse le champ libre aux bandits. Je viens monter la garde tous les jours, alors même que les pistes d’accès sont quasi impraticables, à cause des arbres déracinés par la tempête. Je n’ai qu’une petite tronçonneuse pour me frayer un passage avec mon 4x4. Sur ma ferme, je n’ai plus d’électricité et pour abreuver mes animaux, je dois remplir des jerricans au point d’eau le plus proche, à 1 km. Heureusement, l’herbe est encore verte et abondante en ce moment avec la saison des pluies.
Le peu de tôles encore en place et le restant de panneaux solaires ont été incendiés ou volés sur ma ferme
Nous avons rapporté les dégâts causés aux instances locales mais honnêtement, je n’attends pas grand-chose de l’État ou du conseil départemental. En 17 ans d’activité, je n’ai jamais bénéficié d’aides pour moderniser mon exploitation que j’ai pourtant fait évoluer, avec l’investissement notamment à hauteur de 13 000 euros dans des panneaux solaires et le montage d’un cheptel à partir de souches de la métropole (jersiaises et montbéliardes). Au total, ce sont près de 200 000 euros d’investissements qui sont partis en fumée et le climat actuel empêche tout espoir de reconstruction. »
296,3 millions d'euros de dommages après le passage du cyclone Chido sur Mayotte
Dans une note publiée le 12 février, la Chambre d’Agriculture, de la Pêche et de l’Aquaculture de Mayotte (CAPAM) estime les pertes à 296,3 millions d'euros, incluant les pertes de productions végétales et animales ainsi que les dommages aux infrastructures agricoles, « aggravant durablement la précarité des exploitations ». Cette évaluation repose sur 300 enquêtes de terrain et des analyses croisées avec les données du RGA et du Référentiel Technico-Économique de Mayotte.