"Nous testons le Viti-Tunnel dans nos vignes, en remplacement du cuivre"
Le château Montrose, dans le médoc, dispose d’un service R & D particulièrement actif. L’un de ses axes de recherche concerne la protection du vignoble contre le mildiou et donc les alternatives au cuivre.
Le château Montrose, dans le médoc, dispose d’un service R & D particulièrement actif. L’un de ses axes de recherche concerne la protection du vignoble contre le mildiou et donc les alternatives au cuivre.
Niché au bord de la Gironde et tiré à quatre épingles, le château Montrose ressemble de loin aux autres prestigieux domaines médocains. Pourtant, ses vignes et ses chais fourmillent d’expérimentations, à l’instar de ces quelques rangs équipés du Viti-Tunnel, ou de ces différents contenants accueillant son vin.
Nombre de produits sont lancés après y avoir été testés, comme en témoignent le robot d’Exxact Robotics ou encore les exosquelettes Liftsuit. Mais qu’est-ce qui guide les essais R & D du château Montrose ? C’est ce que nous avons voulu découvrir en nous rendant sur place. « Il y a deux grands volets, annonce Vincent Decup, directeur technique du grand cru. Le premier concerne la protection du vignoble, le second, la compréhension et la valorisation de nos terroirs et de nos vins. » Pour mener à bien ces deux objectifs, le château compte sur un responsable R & D et quatre stagiaires durant six à huit mois de l'année.
Trouver des alternatives au cuivre
Le premier axe, protection du vignoble, s’attache essentiellement à trouver des alternatives au cuivre, avec lequel le château protège actuellement ses vignes du mildiou. « Le cuivre est un vrai problème, relève le directeur technique. Nous ne savons pas s’il sera ré-homologué en 2027, et surtout, nous aimerions trouver une solution qui respecte davantage les hommes et l’environnement. » Quitte à ce qu’il s’agisse d’un mix de différentes solutions.
Le château explore plusieurs voies, à l’instar du Viti-Tunnel, qui donne toute satisfaction. Sans aucun traitement, la vigne sous ce dispositif n’a pas de mildiou. Si le domaine en est satisfait, il s’agit néanmoins d’un dispositif onéreux, ayant un impact visuel important, et pour le moment pas autorisé par l’Inao en AOC. Il favorise en outre l’oïdium. « Mais si en 2027 on nous enlève le cuivre, on sait qu’avec cette installation, on peut s’affranchir du mildiou », se rassure Vincent Decup.
Parallèlement à cela, différents produits de biocontrôle sont passés au crible. « En partenariat avec l’IFV, nous avons commencé par tester, durant quatre ans, tous les produits de biocontrôle du marché en association avec une petite dose de cuivre (1 à 2 kg de cuivre métal par hectare et par an), indique le responsable technique. Sans résultat satisfaisant, alors que nous ne cherchons qu’une efficacité de l’ordre de 10 % ou 15 %. » Déçu par ces produits, le château se tourne à présent vers des alternatives encore dans les cartons, à l’image des algues d’Immunrise, ou autres telles que la stimulation par les UV d’UVBoosting.
Création d’un modèle de prévision mildiou
À côté de ces aspects « protection », le château Montrose a voulu créer son propre modèle de développement du mildiou, en vue de n’intervenir qu’au moment propice. Cela passe par une meilleure compréhension du cycle du champignon et notamment de sa germination. « Nous travaillons avec l’entreprise Staphyt sur cet aspect-là, poursuit Vincent Decup. Elle réalise des prélèvements au niveau du sol pour voir quand le mildiou germe. À ce moment-là, on sait qu’il n’attend plus qu’une pluie pour commencer à contaminer la vigne et donc qu’il faut intervenir. »
De même, avec la start-up Oberon, Montrose encadre une thèse sur les microbiotes antagonistes du mildiou et observe l’évolution des spores de mildiou : apparition, germination, etc. Si ces différents travaux ne sont pas achevés, le domaine a néanmoins mis au point son propre modèle. « Nous l’avons testé l’an dernier avec succès », dévoile le directeur technique. Grâce à cela, les premiers traitements ont pu être effectués dix jours avant l’apparition du mildiou sur les témoins non traités. Des résultats qui doivent toutefois être confirmés sur au moins deux campagnes supplémentaires, et être complétés par davantage de références techniques et physiologiques.
Robots, injection directe et fermeture automatique de tronçons
Autre domaine exploré : le matériel de traitement. Le château est partenaire de Diimotion, qui tente depuis nombre d’années de mettre au point un système d’injection directe, permettant de moduler les doses tant en fonction de la sensibilité des différents cépages, que de la densité de feuillage. Le château travaille également avec Trimble pour tout ce qui concerne la fermeture automatique de tronçons, ou encore avec Exxact Robotic.
S’il a testé la version travail du sol du robot, c’est plus particulièrement celle dédiée à la pulvérisation qui l’intéresse. Elle devrait être en test au château sous peu. « La robotisation a plusieurs avantages, résume Vincent Decup. Les salariés ne sont pas au contact des produits, le poids est moindre (environ 1,5 tonne contre 3 ou 4 pour un gros-porteur) ce qui respecte mieux le sol, et on peut y embarquer des capteurs. »
Enfin, le domaine se penche sur la dépollution de ses sols, avec l’entreprise Biomede. « Certaines parcelles ont reçu du cuivre depuis la fin du XIXe siècle, rappelle le directeur technique. Nous ne rencontrons pas de problème de phytotoxicité, mais nous voulons essayer de diminuer la concentration en cuivre des sols. » Dans cette optique, le domaine a semé des graines sur un hectare. Les plantes extractrices de cuivre sont ensuite broyées et extraites de la parcelle. Même s’il est encore trop tôt pour connaître le retour de cette pratique, le château est confiant.
Micro-oxygénation, jus de presse et obturateurs à la loupe
Dans le cadre du second volet R & D, le château Montrose mène diverses expérimentations au chai, dans le but de mieux valoriser ses vins. L’une d’entre elles concerne les récipients de vieillissement. Si le château ne souhaite pas troquer ses barriques pour d’autres contenants, le département R & D étudie néanmoins le comportement du vin dans quatre autres récipients de même capacité : un fût en inox, une jarre en terre cuite, une en grès et une dernière en céramique. Le but est de comprendre l’évolution du vin au niveau micro-oxygénation, en s’affranchissant des autres apports du bois, notamment aromatiques et structurants. En 2022, des bondes connectées Rtech viendront compléter l’essai.
De même, le domaine souhaite affiner son travail sur les jus de presse. « Cela représente 15 à 20 % des volumes et contribue à valoriser nos vins, souligne Vincent Decup. Mais d’un point de vue analytique, nous ne savons pas pourquoi certains vins de presse sont qualitatifs et d’autres moins. Nous ne savons pas comment ils évoluent, pourquoi, ni ce qui se déroule au niveau microbiologique. » Autant de critères qui devraient être analysés lors d’une prochaine thèse.
Dernier sujet de recherche en œnologie : les bouchons. Les vins du château Montrose ayant vocation à vieillir durant des décennies, la qualité de l’obturateur est primordiale. Mais pas seulement. Le taux d’oxygénation d’une bouteille à l’autre doit être constant. « Un consommateur qui aura une très belle expérience avec l’une de nos bouteilles et qui en ouvre une seconde ne doit pas être déçu, pointe le responsable technique. Nous devons pouvoir acheter nos bouchons sur des critères d’homogénéité. » Les travaux, menés depuis cinq ans, semblent porter leurs fruits. La masse volumique conditionnerait la perméabilité des bouchons. Le château Montrose opte désormais pour des obturateurs en liège ayant une densité de 160 à 180 kg/m3 pour ses grands crus…
repères
Château Montrose
Surface 95 hectares dont 89 exploités
Nombre de salariés 75
Production annuelle entre 400 000 et 500 000 cols
Commercialisation place bordelaise