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Flavescence dorée : aspirer les cicadelles des vignes plutôt que traiter

Les partenaires du projet Vacuum bug essaient de voir s’il est possible d’aspirer les cicadelles vectrices de la flavescence dorée sur les vignes plutôt que de les traiter. Reportage.

Flavescence dorée : aspirer les cicadelles des vignes plutôt que de traiter
Les partenaires du projet Vaccum bug testent une méthode alternative de lutte contre la flavescence dorée, par le biais d'une machine aspirant les cicadelles vectrices.
© X. Delbecque

Et si l’on utilisait un aspirateur géant à cicadelle pour éviter la transmission du phytoplasme de la flavescence dorée ? L’idée peut paraître folle et pourtant, c’est bien ce que sont en train d’essayer les partenaires du projet Vacuum bug en région Paca. « Le but de ce projet Feader est de trouver des alternatives à la lutte chimique contre la cicadelle vectrice de la flavescence dorée », explique Ana Chavarri, conseillère à la chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône et responsable du projet lancé en 2017.

Depuis le début de la saison, la conseillère teste l’efficacité d’une machine développée par l’Inrae (voir ci-dessous) destinée à aspirer les cicadelles Scaphoideus titanus présentes sur les vignes plutôt que de les éliminer à coups d’insecticide. Car, si la technique semble peu respectueuse de la faune auxiliaire, il ne faut pas oublier que le Pyrévert non plus n’est pas sélectif. Et l’aspiration ne possède pas de rémanence, ce qui pourra s’avérer être une qualité vis-à-vis de la faune auxiliaire ou bien un défaut vis-à-vis de la lutte contre la cicadelle. Ana Chavarri et ses partenaires ont mis en place un protocole pointu pour vérifier ces hypothèses.

Trouver des parcelles d’essai n’a pas été une mince affaire

Elle a trouvé chez Christiane Nouals, viticultrice coopératrice à Rousset (Bouches-du-Rhône), des parcelles avec une importante population de cicadelles vectrices mais hors zone de traitement obligatoire, qui ne sont pas non plus traitées contre les vers de la grappe, et qui sont de plus soigneusement épamprées au pied, afin d’être sûrs que les larves soient remontées dans le cep.

« C’est sûr que faire partie du projet nous demande un peu de travail supplémentaire, admet Christiane Nouals. Mais nous avons la chance de pouvoir faire avancer la recherche. S’impliquer était important pour nous afin de préserver notre patrimoine, car certains ont perdu des parcelles à cause de la flavescence dorée, mais aussi pour trouver une porte de sortie des insecticides, qui ne sont pas des produits anodins» L’expérimentation est également menée dans le Vaucluse au domaine La Longue Bastide, ainsi qu’au domaine des Foulans, tous deux à Bonnieux. Les essais comparent quatre modalités différentes : une témoin sans traitement, deux traitées (soit au Pyrévert, soit en conventionnel) et une dernière avec aspiration des cicadelles.

Des comptages sur feuilles et sur pièges (plaques jaunes) sont réalisés avant les traitements et trois jours après. De même, tout ce qui est aspiré par la machine est identifié et compté. Ces expérimentations sont par ailleurs répétées sur une grande parcelle (plus d’un hectare) et une petite, que ce soit par la chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, par celle du Vaucluse ou par la Fredon Paca. « On voit que ce procédé aspire des cicadelles, puisque l’on en capture sur nos premiers résultats 0,5 cicadelle par mètre linéaire, révèle Ana Chavarri. Reste à savoir si c’est suffisant. » L’objectif est d’arriver à une efficacité a minima équivalente au Pyrévert, soit 70 %.

« Il est certain que l’on n’arrivera jamais à des niveaux équivalents aux traitements conventionnels, on ne peut pas lutter contre la chimie de synthèse. Mais si l’on offre une alternative aux viticulteurs bio c’est déjà une bonne chose », ajoute la conseillère. Les essais et les comptages ne sont pas terminés mais un résultat préliminaire sur micro-placette montre des chiffres similaires entre l’aspiration et le traitement chimique, ce qui est encourageant.

Combiner aspiration et traitements pourrait être une solution pour réduire les IFT

L’an prochain, les chercheurs essaieront d’améliorer encore la technique. Cela pourrait passer par un ciblage plus précis des stades de Scaphoideus titanus par exemple. « Peut-être aussi qu’il faudra partir sur une stratégie avec davantage d’aspirations, s’interroge Jean-Paul Douzals, ingénieur Inrae, responsable du prototype de machine. On a testé avec trois passages, comme pour les traitements, mais on peut en faire cinq si on veut, vu qu’il n’y a pas de rémanence ni d’aspect cumulatif. » Pour Ana Chavarri, une option possible serait également de combiner traitement et aspiration, afin de réduire les doses en gardant une efficacité satisfaisante.

La Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), antenne régionale du ministère, suit également de près le projet. Son intérêt étant de trouver une alternative efficace aux traitements chimiques dans la lutte obligatoire contre le vecteur de la flavescence dorée. Avant de valider cette technique, les porteurs du projet devront encore prouver – en plus de l’efficacité dans la lutte contre la cicadelle – qu’elle n’est pas plus impactante vis-à-vis des autres arthropodes (insectes et araignées). Le projet prendra fin l’année prochaine.

Une machine originale, créée pour le projet

Le prototype de la machine a été confié à l’équipe de l’Irstea de Montpellier (devenue Inrae). « Le cahier des charges que nous avions était d’aspirer sur l’ensemble du profil de la végétation et avoir une vitesse d’avancement correcte, qui sont deux facteurs primordiaux », explique Jean-Paul Douzals, ingénieur à l’Inrae. L’un des problèmes physiques les plus importants que son équipe ait eu à résoudre est d’avoir une aspiration homogène sur toute la hauteur du profil et de ne pas avoir de pertes de charges. Après diverses simulations aidées par informatique, les chercheurs se sont aperçus que le plus efficace pour aspirer sur tout le profil était d’avoir une rampe d’aspiration verticale en forme de cœur. Cette dernière permet d’aspirer sur 1 mètre de hauteur effective.

« Dans un premier temps nous avons testé avec une aspiration simple, mais ce n’était pas assez, relate l’ingénieur en charge du projet. Pour doubler la capacité d’aspiration, il nous aurait fallu huit fois plus de puissance, c’est pourquoi nous avons décidé de recycler la sortie de l’aspiration pour créer un flux d’air qui souffle vers la rampe. » Il y a ainsi deux flux d’air verticaux complémentaires : un qui souffle à travers la végétation et emmène les insectes vers la rampe d’aspiration, et un autre qui aspire les insectes à proximité de la rampe.

Les chercheurs ont ensuite réalisé le reste du châssis en faisant un face-par-face afin d’aspirer des deux côtés et de pouvoir travailler dans une végétation dense. Les turbines d’aspiration situées en haut de la rampe sont animées par deux moteurs hydrauliques en série. Pendant les essais, l’ingénieur roulait à 1,5 km/h et à 1 800 tours minutes. L’outil ne demande pas beaucoup de puissance, ce serait donc une solution relativement économe en énergie par rapport à une pulvérisation. Sur ce prototype, les insectes sont recueillis dans un filet pour les besoins de l’expérimentation.

voir plus clair

Le projet Vacuum bug a débuté en avril 2017 sous l’impulsion de 11 partenaires, dont l’IFV, l’Inrae, le CNRS, la Fredon Paca, le Grab, l’Itab ou encore les chambres d’agriculture du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône. Il dispose d’un financement européen Feader. Le premier volet s’est attaché à démontrer que la cicadelle Scaphoideus titanus se déplace avec les engins agricoles, ce qui a été fait l’an dernier. Le deuxième volet du projet concerne l’évaluation de la technique d’aspiration, et le dernier est destiné à étudier les effets non intentionnels de cette pratique sur la biodiversité du vignoble.

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