Interview exclusive
L'Ukraine a besoin de gazole et de produits phytosanitaires pour son agriculture
Nommé ministre de l’agriculture ukrainien en décembre 2020, Roman Leshchenko avait commencé à conduire une réforme agraire dans le pays, il était également investi dans un programme de soutien à l’irrigation. Mais la guerre est arrivée, qui menace désormais la campagne de semis 2022. Grâce à Yurii Honcharenko, rédacteur en chef du magazine Zerno, dont l’activité a été stoppée par la guerre, Roman Leshchenko a accordé un entretien exclusif à nos confrères d'Agra presse, par messagerie. Il fait le point sur l’état de l’agriculture ukrainienne et des infrastructures d'export, et ses besoins d'appui des pays voisins, tel qu’ils étaient connus le 11 mars.
Nommé ministre de l’agriculture ukrainien en décembre 2020, Roman Leshchenko avait commencé à conduire une réforme agraire dans le pays, il était également investi dans un programme de soutien à l’irrigation. Mais la guerre est arrivée, qui menace désormais la campagne de semis 2022. Grâce à Yurii Honcharenko, rédacteur en chef du magazine Zerno, dont l’activité a été stoppée par la guerre, Roman Leshchenko a accordé un entretien exclusif à nos confrères d'Agra presse, par messagerie. Il fait le point sur l’état de l’agriculture ukrainienne et des infrastructures d'export, et ses besoins d'appui des pays voisins, tel qu’ils étaient connus le 11 mars.
Quel est l’effet de la guerre sur la filière alimentaire en Ukraine ? Qu’attendez-vous des pays voisins en matière de sécurité alimentaire ?
La guerre a interrompu les chaines d’approvisionnement à l’export. Nos principales exportations passent par les ports et ils sont fermés. Nous sommes un pays orienté vers l'exportation, 70% des produits agricoles ont été exportés.
Il est difficile de remplacer rapidement certaines choses, y compris en matière d’importations. Cela concerne en premier lieu des produits phytosanitaires et du carburant, qui sont nécessaires à la conduite des semis.
Afin d'assurer la sécurité alimentaire, nous devons maintenant terminer toutes les interventions culturales du printemps. Pour cela, comme nous sommes dans un état critique, nous avons besoin de livraisons de gazole et de produits phytosanitaires depuis l'Europe. D’autres autres facteurs ne sont pas critiques, pour lesquels nous sommes prêts à couvrir nos besoins.
Par ailleurs, nous avons décidé d'interdire l'exportation des engrais importants depuis l'Ukraine, en raison de l'état de guerre et dans le but de maintenir un équilibre sur le marché domestique. J'insiste pour dire que cette interdiction est prise sous la contrainte et de manière temporaire, pour s'assurer de la réussite des semis.
L'infrastructure d'exportation est bloquée, mais pas gravement endommagée
Dans quelle mesure les principales infrastructures d'exportation de céréales ont-elles été endommagées ? En combien de temps pourraient-elles fonctionner à nouveau ?
Actuellement, l'infrastructure d'exportation est bloquée, mais pas gravement endommagée. Par conséquent, si le transport maritime était débloqué, nous pouvons reprendre les exportations d'ici une semaine.
Comment la guerre affecte-t-elle l’agriculture ukrainienne, en particulier les semis des cultures de printemps ? Quel niveau de production l’agriculture ukrainienne peut-elle atteindre cette année?
Actuellement, il n’y a pas d’impact sur les cultures de printemps, étant donné que la saison des semis commencera de manière active le 7 avril. En même temps, nous savons déjà que nous n’aurons pas une récolte record – la production des cultures de printemps sera au moins inférieure de 30% à l’année précédente. Notre capacité à atteindre 70% dépendra de l’approvisionnement en diesel, d’autres facteurs de production, et de l’évolution des opérations militaires russes sur le territoire.
La production des cultures de printemps sera au moins inférieure de 30% à l'année précédente
Vous avez récemment annoncé que les agriculteurs et les ouvriers agricoles étaient exemptés de mobilisation dans l’armée. Combien ont quitté leurs fermes jusqu’à présent ? Cela affecte-t-il la production?
Oui, nous avons débuter une procédure de mise en réserve des agriculteurs, pour pouvoir réussir la campagne de semis. En ce moment, les agriculteurs ne peuvent pas travailler là où les hostilités se poursuivent. Sur le reste du territoire, il n’y a pas eu d’interruption de leur travail. Toutes les activités d’élevage sont réalisées au quotidien, et la production agricole devrait être semée en avril.
Nous avons entendu parler des problèmes de logistique des semences et des difficultés pour les agriculteurs à obtenir des prêts pour acheter des marchandises importées. Quelle est la situation?
La logistique pose effectivement des problèmes. Aujourd’hui, toute la logistique est redirigée vers le transport ferré avec les pays européens: Roumanie, Hongrie, Slovaquie, Pologne.
En matière de crédit, l'Etat envisage de mettre en place un mécanisme préférentiel de crédit aux agriculteurs afin qu'ils puissent acheter tous les moyens de production nécessaires. Dans les prochains jours, des décisions seront prises et annoncées aux agriculteurs.
Quelle est l'importance des régions de Donetsk et Louhansk en termes d'agriculture ?
Une grande partie des oblasts de Donetsk et Louhansk ont été temporairement occupés au cours des huit dernières années. Par conséquent, ces territoires cultivaient pour couvrir les besoins internes de la population et ne jouaient pas un rôle essentiel pour assurer la sécurité alimentaire de l'Ukraine.
Soit vous soutenez l'agresseur, soit vous refusez de coopérer avec lui
Quelle est votre position sur le fait que les entreprises alimentaires de l'UE ne quittent pas la Russie, arguant qu'elles doivent maintenir la sécurité alimentaire ?
Ma profonde conviction est que, pendant la guerre, il ne peut y avoir de "demi-teintes" et de position "moyenne". Soit vous soutenez l'agresseur, soit vous refusez de coopérer avec lui jusqu'à ce qu'il arrête toutes ses activités criminelles.
C’est seulement dans le cas où la communauté européenne affirme son unité et sa position la plus forte, c'est à dire le refus intégral du financement de l'occupant, que ce dernier sera plus enclin à faire des concessions et à négocier. D'autant plus que la nourriture, contrairement aux vêtements ou aux appareils électroménagers, est vraiment une question de nécessité.