Que représentent les cantines de collectivités pour Sicaba ?
Luc Mary - Au 15 mars 2020, 45 % du chiffre d’affaires de
Sicaba (toutes espèces confondues) étaient orientés sur la restauration : 28 % en restauration collective, 12 % en restauration commerciale et quelques pourcents pour des grossistes et plateformes de distribution. Le premier confinement a été une douche froide. Notre première décision a été de réduire le niveau des tueries pour ne pas congeler. Une partie de notre clientèle (artisans bouchers, magasins bio spécialisés et e-commerce) a heureusement simultanément enregistré une progression d’activité.
Comment évolue la situation depuis l’automne ?
L. M. - Comme lors du premier confinement, la fermeture de la restauration commerciale depuis le 30 octobre nous fait perdre un débouché clé pour certains muscles (faux-filet, entrecôte, rumsteak…). Pour les bouchers, la situation est assez disparate selon les magasins. La restauration scolaire n’est pas revenue à son niveau d’antan. Il y a moins d’enfants qui déjeunent dans les cantines et ces dernières se sont réorientées vers des viandes moins chères (volaille…) que le bœuf bio ou label rouge. S’y ajoute la problématique des menus végétariens.
Avez-vous un exemple ?
L. M. - Par l’intermédiaire de Sodexo dont nous sommes fournisseurs, Sicaba sert 280 crèches de Paris en viande bio. En 2018, ce débouché a représenté pour nous 33,8 tonnes. En 2019, c’était 29,3 tonnes et seulement 13 tonnes l’an dernier. La viande bovine a été remplacée par de la volaille et des plats vegan. Voilà comment la Mairie de Paris, associée aux élus Verts, aide à promouvoir l’élevage allaitant bio ! Les élevages de nos adhérents ne sont pourtant pas l’enfer sur terre ! Ils reposent tous sur la valorisation de prairies naturelles avec une moyenne d’un bovin par hectare. Qui plus est, nous sommes au cœur d’une zone bocagère avec un total de 4 150 kilomètres de haies chez les 345 apporteurs de Sicaba.
La viande bio devrait pourtant être en phase avec les attentes des Verts ?
L. M. - On pensait que les municipalités « vertes » nous faciliteraient l’accès à de nouveaux marchés avec de la viande bio ou label et c’est tout le contraire ! Non seulement ce sont des antiviandes, mais ce sont aussi des antiviandes bio. La restauration collective est pourtant un débouché idéal pour les veaux bio. Ces derniers ont souvent une part de fourrages dans leur alimentation avec une viande d’un rosé soutenu mais qui convient bien pour ce débouché. Cela permettait aux éleveurs d’avoir des veaux mieux valorisés que s’ils les vendaient en broutard en filière conventionnelle. Les décisions prises par ces élus compromettent le devenir de ces démarches, pourtant stratégiques pour les systèmes allaitants bio de nos régions.
Quels sont leurs arguments ?
L. M. - Réduire la place de la viande dans les repas fait partie des convictions des élus « verts ». On aimerait que le parti écologiste nous précise clairement sa stratégie sur la viande bio et son devenir. Notre problème est que ces élus prennent des décisions alors qu’ils ne connaissent pas les réalités économiques de l’agriculture, de l’élevage et surtout des systèmes bio. Même pour nos systèmes herbagers du Bourbonnais, on nous ressort les habituels poncifs comme « il faut 15 000 litres d’eau pour faire un kilo de viande ». La logique voudrait qu’ils encouragent la production de viande bio. Ils font tout l’inverse.
J’ai peur que ces évolutions fassent tâche d’huile. Quand dans une famille Madame devient végétarienne, voir végane, ses enfants le deviennent souvent par mimétisme. Le phénomène prend de l’ampleur chez les « CSP + » de moins de 40 ans vivant dans les grandes agglomérations.