Sécheresse : si « en 2022, le pire a été évité », un rapport appelle à accélérer la transformation de notre modèle agricole
Un rapport commandé par le gouvernement cherche à tirer les leçons de la sécheresse de 2022. Il prône notamment un effort collectif massif pour accélérer la transformation du modèle agricole, fragilisé par le changement climatique.
Un rapport commandé par le gouvernement cherche à tirer les leçons de la sécheresse de 2022. Il prône notamment un effort collectif massif pour accélérer la transformation du modèle agricole, fragilisé par le changement climatique.
« Le pire a été évité lors de la gestion de la sécheresse 2022 grâce d’une part à la mobilisation exceptionnelle de l’ensemble des acteurs, et d’autre part à un niveau de remplissage élevé des nappes et des retenues à la sortie de l’hiver 2021-2022. De telles conditions pourraient ne plus être réunies si un phénomène similaire se reproduisait dans les prochaines années, voire dès 2023 », peut-on lire en conclusion du rapport « retour d’expérience sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse 2022 », commandé par le gouvernement et rendu public hier.
La mission interministérielle qui a réalisé ce rapport souligne que « les sécheresses étant amenées à se répéter, la seule gestion de crise, même optimisée, ne pourra pas garantir dans la durée le maintien des usages actuels, comme l’a de nouveau montré la sécheresse de 2022 ».
Appel à réduire les consommations d’eau dans chaque filière
« Seul un effort de réduction des consommations d’eau dans la durée permettra de sécuriser la satisfaction des besoins de chaque filière, sans mettre en danger le grand cycle de l’eau et donc la capacité de la ressource à se renouveler », poursuivent les auteurs du rapport.
La mission recommande aux ministères en charge de chaque filière d’inviter les acteurs à élaborer des feuilles de route nationales d’économies d’eau, en fonction des références de bonnes pratiques lorsqu’elles existent.
La récurrence des sécheresses met en lumière la fragilité de notre modèle agricole
« Au-delà, la récurrence des sécheresses met en lumière la fragilité de notre modèle agricole et l’impérieuse nécessité d’un effort collectif massif pour en accélérer la transformation ainsi que le préconisait le rapport « Changement climatique, eau et agriculture d’ici 2050 » de juillet 2020, effort dont le Varenne constitue une première étape », souligne le rapport.
Une situation critique dans plus de 1000 communes en 2022
La mission interministérielle tire dans son rapport le bilan de la sécheresse 2022. Elle rappelle que 1052 communes ont dû mettre en place au moins une mesure de gestion dérogatoire pour assurer la continuité du service sur tout ou partie de leur territoire. 1093 n’en ont pas eu besoin, mais sont passées près de la rupture.
Les mesures dérogatoires ont été de différentes natures :
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Obtention d’une dérogation au débit réservé pour la prise d’eau en rivière (138 communes)
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Mobilisation d’une ressource de secours exceptionnelle (205 communes)
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Dessalement d’eau de mer (deux communes dans le Morbihan et en Haute-Corse)
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Mise en place d’une interconnexion de secours (271 communes)
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Citernage (transport d’eau par camion) (343 communes)
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Distribution de bouteilles d’eau (196 communes)
Le rapport souligne que 138 communes ont mis en place plusieurs mesure dérogatoires et 7 communes ont été contraintes à une interruption totale du service pendant plusieurs jours, 1 commune ayant distribué de l’eau non consommable pendant deux semaines.
Quel impact sur la production agricole ?
La mission rappelle que les impacts de la sécheresse ont été « sévères » sur la production agricole, avec des baisses de rendement entre 10 et 30% par rapport à la moyenne quinquennale pour certaines filières, notamment, le maïs, les pommes de terre et les betteraves (selon Agreste) et surtout une réduction de plus de 30% de la production de fourrages.
18 recommandations pour mieux anticiper et gérer les épisodes de sécheresse
Ce rapport qui viser à tirer les leçons de la gestion de la crise de 2022 formule 18 recommandations destinées à améliorer l’anticipation et la gestion des épisodes de sécheresse. Huit d’entre elles sont déjà incluses dans le plan Eau présenté le 30 mars par Emmanuel Macron à Savines-le-Lac. « C’est le cas notamment des recommandations relatives au développement de la réutilisation, à la sobriété des usages ou encore au renforcement de la communication », pointe l’entourage de Christophe Béchu.
Huit recommandations sont des mesures de crise et « seront mises en œuvre ou sont en cours déjà de mise en œuvre en vue de l’été prochain », poursuit le cabinet du ministre. Parmi elles :
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Mettre en place un dispositif de suivi des impacts des sécheresses en temps quasi-réel et en différé notamment sur l’eau potable, sur les milieux et sur les activités économiques
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Donner une feuille de route au réseau hydrométrique de l’Etat pour développer la prévision des étiages et des nappes
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Renforcer les lignes directrices nationales pour les mesures de restriction et pour les dérogations possibles
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Encourager le déploiement progressif de compteurs télérelevés sur les différents usages : agricole, eau potable, industriels, forages domestiques…
Instaurer des sanctions « applicables et efficaces »
Deux recommandations à plus moyen terme « nécessitent une réflexion supplémentaire », souligne l’entourage de Christophe Béchu. Il s’agit de la recommandation visant à réexaminer les conventions et la gouvernance de la gestion des retenues les plus importantes afin notamment de clarifier les obligations de lâchers d’eau pour le soutien d’étiage ou encore de celle qui vise à instaurer des sanctions « applicables et efficaces » dans les contextes particuliers de sécheresse.
Le rapport pointe notamment un élément qui inquiète les services de contrôle à savoir « le faible effet dissuasif des amendes au regard notamment des délais de mise en œuvre des sanctions pénales et de la valeur des récoltes dans le cas des agriculteurs irrigants ». « Même une contravention de classe 5 pèse peu face au prix de marchés des céréales, particulièrement en cas de pénurie » soulignent les auteurs.