« La médiatisation des affaires de francisation tend à dissuader les entreprises de tromper sur l’origine de leurs produits »
Caroline Rivier-Deloye, avocate spécialisée en droit commercial, consommation et propriété intellectuelle, représente des associations professionnelles qui luttent contre les pratiques de francisation de fruits et légumes.
Caroline Rivier-Deloye, avocate spécialisée en droit commercial, consommation et propriété intellectuelle, représente des associations professionnelles qui luttent contre les pratiques de francisation de fruits et légumes.
Les cas de francisation sont-ils en hausse ?
« De plus en plus d’affaires de francisation de fruits et légumes font l’objet de poursuites pénales. Pour le seul kiwi, la DGCCRF a initié des procédures judiciaires contre neuf entreprises ayant commercialisé plusieurs milliers de tonnes de kiwis italiens sous une fausse origine France. Parmi elles, six ont déjà été jugées, parfois avec leur dirigeant. Les associations professionnelles ont à cœur de lutter contre ces pratiques qui déstabilisent l’ensemble de la filière française. J’en représente certaines qui se constituent partie civile dans ces procédures pour défendre la filière française et mettre fin à ces pratiques. »
En quoi consiste le travail de lutte contre la francisation ?
« Toute la difficulté dans ces affaires est de pouvoir évaluer les marges illicites substantielles dégagées par les fraudeurs. C’est un travail fastidieux mis en œuvre par la DGCCRF qui consiste à comparer les prix d’achat et de vente des fruits et légumes produits hors de France et vendus par les fraudeurs sous une fausse origine France, aux prix d’achat et de vente des fruits et légumes produits en France. Nous veillons à démontrer le préjudice subi, d’une part, par la filière française du fait de ces actes de concurrence illicite et, d’autre part, par les consommateurs qui sont dupés. En effet, ces fraudes pourraient discréditer l’authenticité et la valeur de l’origine « France » des produits répondant à des normes sociales, fiscales et environnementales élevées et entraîner une désorganisation générale du marché. »
Quelles sont les sanctions encourues ?
« Les sanctions prononcées sont variées et l’appréciation de leur effet dissuasif est relativement subjective. Néanmoins, des amendes importantes peuvent être prononcées. Récemment, pour la première fois, un prévenu a été condamné à une peine de prison. Avec sursis, certes, mais il y a là, indéniablement, un changement d’échelle. La publicité des jugements et la médiatisation des affaires tendent incontestablement à dissuader les entreprises de commettre des délits de tromperie sur l’origine de leurs produits. En particulier les répercussions en termes d’image pour les grossistes traitant avec la grande distribution peuvent s’avérer extrêmement néfastes. La grande distribution se détournant de fournisseurs avec lesquels la confiance est rompue. Les procédures judiciaires engagées et leur médiatisation ont sans aucun doute un effet bénéfique pour l’ensemble de la profession. »