Les races porcines locales européennes décryptées au sein du projet Geronimo
Les éleveurs de races locales de porcs décrivent leurs élevages et leurs attentes dans une large enquête du projet européen Geronimo axé sur la génétique et l’épigénétique.
Les éleveurs de races locales de porcs décrivent leurs élevages et leurs attentes dans une large enquête du projet européen Geronimo axé sur la génétique et l’épigénétique.
![<em class="placeholder">Le projet Geronimo explore les possibilités de sélectionner la race porc gascon.</em>](https://medias.reussir.fr/porc/styles/normal_size/azblob/2025-02/_rpo324_strat_filieres_techporc_geronimo_niv1.jpg.webp?itok=dXkcoh2S)
Dans le cadre du projet Geronimo (1), l’Ifip et sept partenaires européens ont mené une vaste enquête auprès de 339 acteurs, majoritairement des éleveurs, engagés dans la conservation des races locales de porcs.
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Avec un tiers de participants français, les six races locales françaises sont bien représentées. Les résultats partiels sont indiqués à l’échelle de l’enquête globale, en soulignant les spécificités françaises lorsqu’elles existent. Les élevages sont souvent de type naisseur-engraisseur, familiaux et plutôt récents ; un quart des éleveurs français se sont installés depuis trois ans ou moins.
![<em class="placeholder">Ventilation des participants par pays et par profil</em>](https://medias.reussir.fr/porc/styles/normal_size/azblob/2025-02/_rpo324_strat_filieres_techporc_geronimo_niv1_graph01.jpg.webp?itok=g4qZ38Ot)
Les ateliers se distinguent par leur petite taille : la moitié des élevages a au maximum 9 truies et une production annuelle de 52 porcs charcutiers atteignant 75 porcs en France. L’activité s’intègre presque toujours dans une démarche collective de type association de race ou filière spécifique. Un éleveur sur six (un peu plus en France) s’implique personnellement dans les programmes de gestion et de conservation des races.
Quatre profils de participants
Quatre profils de participants ont été identifiés. Les éleveurs du premier profil, particulièrement originaires de Croatie et de Slovénie, affichent moins de motivation économique, de plus faibles parts de revenus associés aux races locales et des tailles d’ateliers plus petites que les autres ; le deuxième profil comporte les plus grands élevages et est surreprésenté au Portugal ; le troisième, très présent en France, se caractérise par les plus fortes activités de transformation et de vente de viande ou produits de races locales ; enfin, le dernier regroupe surtout des techniciens et conseillers non-éleveurs. Malgré leurs différences, tous les profils partagent le même intérêt pour la préservation de la diversité génétique, qui figure en tête de leurs motivations pour les races locales.
Les races locales de porcs représentent en moyenne 42 % du revenu des éleveurs. Ce pourcentage monte à 57 % en France avec des différences entre races : il est proche de 38 % pour les races de porcs Limousin, Bayeux et Basque, contre 65 et 73 % pour les races de Porc Gascon et Nustrale (Corse). Les charges les plus élevées concernent l’alimentation, puis la protection sanitaire des élevages. Les crises sanitaires du Covid-19 et la fièvre porcine africaine (FPA) semblent avoir dégradé la rentabilité des élevages, mais de façon moins marquée en France : 7 % des élevages étaient en déficit en 2019 et 13 % en 2020, contre respectivement 18 % et 33 % globalement. La majorité des déficits concerne des petits élevages.
Beaucoup d’éleveurs transformateurs en France
La France se distingue par une activité économique majeure liée à la transformation et la vente de produits, réalisées par la moitié des éleveurs, suivie par la vente de viande fraîche. La vente de porcs charcutiers vient seulement après alors qu’elle domine à l’échelle de l’enquête globale. Les participants français déclarent à 63,5 % valoriser les porcs et produits de races locales sous signes de qualité. Les appellations d’origine protégée (AOP) représentent 78 % des labels et concernent principalement les élevages de taille importante ; moins fréquent (22 %), le label Agriculture biologique est surtout prisé du profil d’éleveurs avec des activités de transformation.
En France, la concurrence liée à l’utilisation abusive des noms de races locales représente la source d’inquiétude économique la plus significative. Lutter contre cette concurrence vient en tête des attentes vis-à-vis des politiques publiques.
Le mode d’élevage des porcs de races locales a lieu majoritairement en plein air total ou partiel, surtout en phase d’engraissement et de finition. Cependant, un tiers des participants français déclarent des naissances et du post-sevrage en bâtiment. Pour l’alimentation, les deux tiers des réponses mentionnent le pâturage des porcs et les ressources naturelles qui complètent le plus souvent des aliments composés.
Les porcs sont abattus lourds (150 kg de poids vif en France) et les mâles généralement castrés. Les femelles de certaines races d’Europe du Sud sont ovariectomisées par des vétérinaires pour réduire les contacts avec la faune sauvage et les risques sanitaires. Les pratiques de coupe des queues ou de meulage de dents sont presque inexistantes. La reproduction se fait très majoritairement, et en France presque exclusivement, par saillie naturelle et en race pure, avec un autorenouvellement des femelles dans les élevages.
Très peu de programmes de sélection
Seule une minorité de races locales, comme les porcs ibériques (Espagne) et Alentejano (Portugal), disposent de programmes de sélection. Les autres ont des programmes de conservation dans lesquels les accouplements sont maîtrisés pour limiter l’apparentement entre reproducteurs et gérer la diversité génétique. Le choix des futurs reproducteurs repose ensuite avant tout sur le respect des standards raciaux et l’aspect général des animaux.
Une majorité des participants (80 %, contre 70 % en France) se disent néanmoins favorables à la sélection. Priorité est donnée aux caractères de reproduction, puis de qualité de viande, sans réelle distinction entre eux en France. Les éleveurs transformateurs tendent à montrer plus d’intérêt que les autres pour les caractères de qualité de viande. Parmi les obstacles à la sélection, les participants retiennent surtout le manque de ressources humaines et financières, ainsi que la diversité des modes d’élevage. Au-delà de l’enquête, les possibilités de sélection de la race porc Gascon seront explorées dans le projet Geronimo.
Marie-José Mercat, marie-jose.mercat@ifip.asso.fr