Les Ovinpiades mondiales font leur Tour de France
Du 26 mai au 1er juin 2024, les Ovinpiades mondiales ont permis à 28 jeunes bergères et bergers venus des quatre coins de la planète de s’affronter au cours de six épreuves. Un événement extraordinaire qui renforce les liens internationaux de la production ovine.
Du 26 mai au 1er juin 2024, les Ovinpiades mondiales ont permis à 28 jeunes bergères et bergers venus des quatre coins de la planète de s’affronter au cours de six épreuves. Un événement extraordinaire qui renforce les liens internationaux de la production ovine.
Voir au-delà de la compétition. Le leitmotiv est partagé par les 28 candidats et leurs accompagnants qui ont participé aux Ovinpiades mondiales, organisées par Inn’Ovin, du 26 mai au 1er juin.
Au cours des six épreuves et des cinq étapes de ce petit Tour de France ovin, les jeunes bergers des 17 États en lice ont pu affirmer leur passion pour la production de moutons, en viande comme en lait. Mais plus qu’un concours technique et sportif, l’événement avait pour vocation de resserrer ou créer des liens entre les nations et de renforcer les synergies de formation ovine entre elles.
Première étape : le Ciirpo
Les Ovinpiades mondiales en France ne pouvaient commencer ailleurs qu’en Haute-Vienne, fief historique de la production ovine allaitante. Venus de quatre coins du globe et des cinq continents, les 28 candidats, tous âgés de 18 à 26 ans et leurs accompagnants, ont pu découvrir l’excellence de la gastronomie limousine et ont été accueillis royalement à Limoges et au pôle bovin de Lanaud. Là, les grandes tablées d’Interbev les attendaient autour d’un bon dîner avant les premières épreuves du lendemain.
C’est sur la ferme du Mourier, centre névralgique de la recherche de l’expérimentation en production ovine, où les équipes du Ciirpo et d’Idele attendaient les participants de pied ferme, que se sont déroulées les premières épreuves, la tonte et le parage des onglons. « Peut-être les deux épreuves les plus dures du circuit », d’après Denis Gautier, responsable de la ferme expérimentale.
Abou, l’un des deux candidats togolais, ne peut que confirmer. « Au Togo, les moutons n’ont pas de laine, je ne connais pas le matériel et les bons gestes, c’était une première ! »
À la découverte du roquefort
Pour se remettre de l’intensité de ce premier jour, la caravane des Ovinpiades a fait un crochet détente par l’Aveyron, afin de présenter les spécificités de la filière brebis lait française, avec un focus particulier sur le roi des fromages. Entre la visite des caves de roquefort, celle d’un élevage laitier et un tour à vélo rail, les jeunes sportifs ont su créer des liens et mettre un temps de côté la pression de la veille.
Après bien des péripéties en autocar, la quarantaine de voyageurs a pris place pour la troisième étape à Mazeyrat-d’Allier, en Haute-Loire. Sur le site de Fedatest se sont déroulées les épreuves de tri des agneaux et d’identification des brebis. Pour Juan, le candidat du Pérou, c’est cette dernière qui s’est avérée la plus passionnante. « Si j’avais cela sur ma ferme, tout irait tellement plus vite », s’est exclamé le jeune homme, originaire d’un village perché à 3 800 mètres d’altitude dans les Andes.
Plus à l’aise sur l’épreuve de tonte, il se dit étonné par la minutie des rations apportées aux brebis en France. Les parents de sa compatriote Greysi, originaire également de la Cordillère des Andes, possèdent en tout 2,5 hectares de terrain pour 20 brebis et un champ d’avocats.
Il s’entraîne avec des vidéos YouTube
Même défi pour Zravien, le candidat arménien. Fils d’éleveurs ovin, il a pu se faire la main sur le troupeau de ses parents. Cependant certains matériels ou pratiques n’étant pas utilisés en Arménie, il s’est entraîné en regardant des vidéos sur YouTube. Son accompagnatrice, Vergine Avagyan, chercheuse en produits laitiers à l’Université agraire nationale, s’est montrée particulièrement intéressée par la visite des caves de roquefort et par la fabrication des fromages persillés.
Lors de cette étape auvergnate, Claude Font, éleveur ovin et représentant de la Fédération nationale ovine, salue ce « moment de partage entre nouvelles générations de producteurs ovin, chacune adaptée à sa filière nationale. Il n’y a pas de petits ou de grands producteurs, seulement des passionnés qui font vivre la production ovine mondiale ».
Après un match de rugby amical pluvieux avec les élèves du lycée agricole de Brioude-Bonnefont, tout le monde a pu se régaler d’un méchoui d’agneau savamment cuit à la broche.
Un salon ovin en Bourgogne
Quatrième jour, direction la Bourgogne, ou plus précisément le pôle ovin de Charolles où les candidats sont accueillis en grande pompe. Les acteurs de la filière ovine locale ont profité de l’événement pour mettre sur pied un petit salon autour des équipements agricoles. Ici, les candidats passeront les dernières épreuves, l’évaluation de l’état de santé d’une brebis et la pose d’un filet.
« Le jugement va porter sur l’organisation du chantier de pose du filet. Il faut être efficace, réfléchir ses mouvements sans courir dans tous les sens. Le filet doit être bien tendu et décrire un cercle de 50 mètres de circonférence. Nous vérifions ensuite que l’électrification est bien réalisée, le bon fil au bon endroit et le piquet de terre bien planté. Le candidat doit ensuite défaire le parc, réenrouler correctement le filet. Tout cela doit être réalisé en 15 minutes maximum, au-delà il est éliminé », énumère Christophe Rainon, organisateur de l’épreuve et conseiller ovin à la chambre d’agriculture de la Nièvre.
50 mètres de filet posés en moins de 7 minutes et 30 secondes
Pour l’évaluation de l’état de santé des brebis, Iris Soucaze a une astuce. « Il faut dire un maximum de choses observées, tout peut être pris en compte. Il faut aussi bien savoir manipuler les brebis », explique la candidate française originaire des Hautes-Pyrénées. Iris a la chance d’avoir pu s’entraîner avec le troupeau de brebis tarasconnaises de son père.
« J’ai fait beaucoup de poses de filet, cela fait partie du mode de conduite de l’élevage. » Elle et son acolyte français Benoît ont d’ailleurs survolé l’épreuve du filet en la réalisant en moins de 7 minutes et 30 secondes.
Un lieu ovin symbolique depuis Louis XVI
Enfin, voici venue la dernière étape, celle de la cérémonie de remise des prix et de la soirée de gala. Quel plus bel endroit pour cela que la Bergerie nationale de Rambouillet, de ses célèbres mérinos et de son aura royale qui imprègne encore les murs séculaires de cette ferme hors du commun ?
Après un jeu de piste et une présentation de ce site remarquable qui accueille plus de 400 apprenants chaque année, les candidats sur leur trente-et-un sont prêts à découvrir le palmarès.
« Quelle semaine ensemble, avec vous tous, ponctuée d’anecdotes ! Vous êtes tous des champions. Les jeunes sont les ambassadeurs de la filière, de son renouveau, de l’importance de l’environnement dans la production "produire sans détruire" », s’enthousiasme Patrick Soury, président d’Inn’Ovin. Il insiste également sur l’importance de la formation, « vecteur essentiel pour enrichir ses compétences et professionnaliser la production ovine ».
Et la suite ? Patrick Soury espère relancer une dynamique autour de ces rencontres mondiales qui pourraient avoir lieu tous les quatre ou cinq ans. Des flambeaux symboliques ont été remis aux potentiels futurs organisateurs, à savoir la Belgique, l’Espagne, l’Australie et l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Togo, Bénin).
Le saviez-vous ?
Le Palmarès des meilleurs jeunes bergers du monde
Première place : Benoît Toutain (France)
Deuxième place : Gabrielle Horton (Australie)
Troisième place : Iris Soucaze (France)
Bonka Béranger Dion, représentant de la Fédération nationale des communautés pastorales de Côte d’Ivoire
Intéresser les jeunes en mêlant sport et élevage
« L’élevage ovin en Côte d’Ivoire est vivrier. Les troupeaux dépassent rarement les 50 têtes et le berger n’est pas souvent spécialisé. Nous n’avons pas de suivi génétique, le bélier reste tout le temps dans le troupeau, créant ainsi des risques de consanguinité.
Deux races ovines sont présentes dans le pays : le Djallonké (ou mouton nain d’Afrique de l’Ouest), petit, rustique et très résistant et le mouton du Sahel, originaire des pays limitrophes, de grande taille mais peu résistant. Ces deux races sont fréquemment croisées pour servir les débouchés en événementiel, pour les mariages, les fêtes religieuses, les dots, etc.
Peu de consommation d'agneau
Autrement, la consommation de viande ovine en Côte d’Ivoire est plutôt rare. Nous avons besoin d’augmenter en technicité et professionnalisme pour structurer une vraie filière ovine nationale. Pour cela, il faut des forces vives, motrices dans cette entreprise. Nous avons aujourd’hui un projet de ferme éducative, alliant sport et apprentissage des métiers de l’élevage. L’éducation physique est une porte d’entrée pour intéresser la jeunesse et lui donner envie de rester au pays. Nous recherchons des aides et des subventions pour permettre à cette ferme de voir le jour. Les Ovinpiades mondiales nous permettent de gagner en visibilité, de créer des liens avec les pays à forte production ovine et de capitaliser toute la technique que l’on peut apprendre ici. »
Une formation ovine internationale
En organisant la Coupe du monde des jeunes bergers, l’Association internationale des Ovinpiades vise à favoriser les échanges autour du thème de la formation. D’autres actions sont proposées aux jeunes comme des bourses « coup de pouce » pour des stages individuels en production ovine ou des voyages d’études filière dans les pays moutonniers de l’Union européenne : Royaume-Uni, Irlande, Europe de l’Est, Italie, Espagne, etc.
Des échanges entre pays moutonniers
Les objectifs et intérêts de ces stages et voyages sont multiples : susciter l’intérêt des jeunes pour l’élevage ovin, découvrir et apprécier les modes de pratique des professionnels des filières ovines d’autres pays tous secteurs confondus, connaître les modes d’enseignement sur la thématique ovine chez les voisins européens, constituer un « carnet d’adresses » européen de la filière ovine… Près de 500 jeunes ont déjà pu bénéficier de ces fonds par le passé. En relançant les Ovinpiades mondiales, la France souhaite également relancer ce dispositif d’échanges.
Gabrielle Horton, candidate pour l’Australie, médaillée d’argent et meilleure jeune bergère du monde 2024
« Je travaille depuis six mois dans une ferme ovine australienne, mais je ne suis pas issue du monde agricole. Il y a des épreuves dans lesquelles je suis très à l’aise, comme la tonte, que je pratique couramment et même en compétition. Et d’autres que je ne maîtrise pas du tout ! Par exemple, je n’avais jamais fait de pose de filet avant les Ovinpiades ! »
Lee-Anna Mahannah, candidate pour le Canada, arrivée 6e position
« Je n’avais jamais fait de tonte ni de pose de filet, on verra bien ce que cela donne ! En revanche j’ai beaucoup aimé l’évaluation de l’état de santé des brebis, car il y a le contact avec l’animal, de la manipulation et de l’action, chaque brebis pouvant réagir différemment. Les élevages ovins québécois et français sont assez similaires en termes de taille de cheptel, en moyenne 350 à 400 brebis.
Un système canadien productiviste
Mais les Québécois sont plus productivistes que les Français. Vous avez beaucoup de races différentes, je me demande un peu pourquoi ! Chez nous, une brebis qui ne fait pas d’agneau est tout de suite réformée, alors que cela ne semble pas toujours le cas selon les élevages français. En tout cas, les jeunes Français semblent être nombreux à s’intéresser à l’agriculture, ce qui n’est pas du tout le cas au Canada. »
Kossivi Clément Djagba, accompagnateur de la délégation togolaise et représentant de la Fédération nationale des communautés pastorales du Togo
« Nous avons beaucoup à apprendre de la production ovine française, en termes de techniques d’élevage et de matériel. Néanmoins, il y a de nombreuses différences avec le Togo. Nos moutons sont sans laine, souvent il s’agit de troupeau vivrier ou d’assurance-vie : les gens vont vendre une ou deux bêtes selon les besoins de fonds de la vie courante. Les béliers vont aussi entrer dans les dots lors des mariages.
Remettre en marche un centre de formation
Abou, l’un des candidats, et moi-même portons un projet de centre de formation à l’élevage, qui pour l’instant est à l’arrêt. Beaucoup de jeunes Togolais sont diplômés mais le marché de l’emploi est très fermé. Nous voudrions participer au maintien de notre main-d’œuvre qualifiée dans le pays. Nous avons besoin d’aides financières des ONG car le gouvernement ne nous aidera pas et l’argent est nécessaire pour maintenir le cap pour bien faire les choses, importer du savoir et du matériel. »