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Les biocontrôles peinent à convaincre face aux maladies du bois

Les produits de biocontrôle à base de Trichoderma sont encore très peu utilisés dans la lutte contre les maladies du bois. En cause, une efficacité partielle et la nécessité d’intervenir tous les ans après la taille.

Les symptômes de maladies du bois peuvent reculer jusqu'à 20, voire 50 %, lorsqu'on utilise des produits de protection des plaies de taille.
Les symptômes de maladies du bois peuvent reculer jusqu'à 20, voire 50 %, lorsqu'on utilise des produits de protection des plaies de taille.
© A. Davy

Dans la lutte contre les maladies du bois (MDB), deux solutions de biocontrôle à base de Trichoderma sont à la disposition des vignerons depuis plusieurs années : Esquive WP depuis dix ans et Vintec depuis cinq ans. Ces deux spécialités sont des produits à base de souches de Trichoderma atroviride, celle de Vintec provenant d’une souche isolée à partir de bois de noisetier. Une autre solution de biocontrôle, qui associait deux souches de Trichoderma, avait été mise sur le marché en 2018 (Escalator), mais De Sangosse, qui la développait, l’avait retirée de la vente, considérant que le marché français n’était pas mûr pour ce type de produit, qui nécessite une répétition des interventions pendant plusieurs années.

Protection des plaies de taille par colonisation et compétition

Le principe de la lutte contre les maladies du bois avec ces biocontrôles repose sur la protection des plaies de taille au plus proche de l’opération avec des champignons du genre Trichoderma, qui vont coloniser la blessure et rentrer en compétition avec ceux responsables du black dead arm, de l’esca et de l’eutypiose. Cette application annuelle est à réaliser préventivement.

Pour Esquive WG, la société Agrauxine, qui le commercialise, recommande une application dans les quinze jours qui suivent la taille. De son côté, Belchim précise que Vintec peut s’appliquer jusqu’au gonflement des bourgeons, avec une température d’au moins 10 °C. Les conclusions d’un groupe de travail européen (Winetwork) sur l’application des Trichoderma pour limiter les maladies du bois de la vigne confirment que pour obtenir la meilleure efficacité, l’application doit se faire très rapidement après la taille.

Des résultats encourageants sur la durée

Selon les résultats d’essais des deux firmes, appliquées tous les ans après la taille pendant plusieurs années, ces solutions permettent de réduire significativement les symptômes et la mortalité des ceps. Belchim annonce ainsi pour Vintec une réduction de l’expression des maladies du bois de 30 à 50 %. La société d’expérimentation Vitaconsult située en région nantaise, qui teste ce biocontrôle depuis 2011, a démontré dans un essai sur six campagnes, sur une parcelle de melon de Bourgogne très touchée, une réduction de 50 % de la mortalité des ceps avec un effet cumulatif. « Cela a permis de sauver 15 % des ceps sur cette période », observe Guillaume Gilet, responsable projets Vitaconsult.

Chez Agrauxine, le suivi de 39 parcelles du réseau national Esquive WP pendant cinq campagnes (mis en place par la firme) montre que l’application annuelle de ce biocontrôle permet une réduction des symptômes de 21 %, avec 34 ceps sauvés par hectare et par an (soit 15 % de complants en moins).

Malgré ces résultats, l’application de ces produits reste encore très marginale, sans doute en raison de la contrainte de réaliser tous les ans un traitement après la taille, avec un investissement annuel de 100 à 200 euros par hectare selon les spécialités, sans avoir la certitude d’observer des résultats chaque année.

Une efficacité partielle à intégrer dans une stratégie globale

Les professionnels de la filière sont en effet plus mitigés sur l’intérêt de ces biocontrôles pour lutter contre les maladies du bois. Certains s’interrogent sur l’efficacité d’une souche de Trichoderma en protection des plaies de taille alors qu’il existe d’autres voies de pénétration de ces maladies. À l’IFV, Alexandre Davy qui a expérimenté un de ces biocontrôles pendant sept ans pointe « toute la difficulté pour les producteurs d’évaluer ce type de solution, dans la mesure où leur intérêt reste à démontrer et que les symptômes fluctuent d’une année sur l’autre ». Le rapport du projet européen Winetwork (2020), basé sur des enquêtes chez vingt vignerons dans plusieurs pays européens, fait état d’efficacités variables, en fonction des conditions locales, du stade phénologique au moment de l’application, du mode d’application et des conditions climatiques.

Pour améliorer cette efficacité partielle, des essais en stratégie combinatoire ont été conduits par l’université de Reims de 2015 à 2019, dans le cadre du projet Advantage, avec Esquive WP. Son efficacité avait été améliorée par l’ajout d’une substance naturelle ou d’une bactérie. Des résultats à confirmer selon la chercheuse Florence Fontaine qui avait suivi ces expérimentations.

Plus généralement, souligne Pauline Rondeau, responsable biocontrôle chez Agrauxine, « l’utilisation des biocontrôles dans la lutte contre les maladies du bois s’inscrit dans une approche globale et de longue haleine et ne dispense pas de la mise en œuvre de mesures prophylactiques comme le choix de plants sains, la mise en œuvre d’une taille peu mutilante et respectueuse des flux de sève, le recépage des plants porteurs de symptômes ou encore le retrait des plants ou sarments morts ».

Isabelle Montigaud

voir plus loin

Et en Europe ?

Plusieurs solutions de biocontrôle à base de Trichoderma sont autorisées en Europe dans la lutte contre les maladies du bois. En Italie, ces produits sont parfois utilisés comme traitements préventifs dans les jeunes vignobles. Dans les pépinières allemandes, on procède à des bains de Trichoderma dans lequel on plonge les plants quelques heures avant la plantation. Partout en Europe, des pépinières développent des processus spécifiques pour traiter le matériel végétal avec des espèces de Trichoderma. « Leur efficacité en pépinière et au vignoble n’a pas été prouvée », souligne le rapport européen Winetwork.

Témoignage : Christophe Bonnin, vigneron au Domaine Latrille, en Gironde

Une réduction par trois des pieds touchés

« J’applique tous les ans le biocontrôle Esquive WP depuis près de quinze ans sur des parcelles de cabernet sauvignon, sur une étendue de quinze hectares. Je passe 24 à 48 heures après la taille avec un pulvérisateur à jet porté installé derrière un quad, pour être certain d’intervenir au bon moment. Sur les vielles vignes, il a fallu attendre cinq à six ans pour constater une réduction par trois des pieds touchés. Depuis six ans, quand je renouvelle mes plantations, j’applique ce biocontrôle dès la deuxième année. Cette stratégie me permet de maîtriser les maladies du bois et limite le nombre de manquants à remplacer ».

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