Le lisier de porc est bien valorisé par les prairies du Massif central
Le lisier de porc sur les prairies est un échange gagnant-gagnant entre les productions porcines et bovines. Des spécificités doivent cependant être prises en compte.
Le lisier de porc sur les prairies est un échange gagnant-gagnant entre les productions porcines et bovines. Des spécificités doivent cependant être prises en compte.
L’intérêt fertilisant de l’azote du lisier de porc, en substitution aux engrais minéraux, fait consensus auprès d’une dizaine d’experts du Massif central interrogés sur les atouts et contraintes de la valorisation agronomique du lisier de porc, en particulier sur prairies. La presque totalité de ses éléments fertilisants sont bien valorisés. D’autres propos rapportent des spécificités plus techniques : les effluents à C/N bas comme les lisiers présentent un intérêt dans les zones d’altitude, car leurs sols comportent souvent des taux de matière organique élevés, se minéralisant difficilement compte tenu des conditions climatiques. Le lisier constitue alors un outil permettant de redynamiser ponctuellement une prairie peu fertile. Il sera alors apporté à petite dose, de l’ordre de 10 à 15 m3/ha.
Prendre en compte la typologie des prairies
Les prairies peuvent être classées selon leur précocité. Ray-grass anglais, dactyle, fétuque élevée ou le vulpin, produisent très rapidement au printemps, puis leur intérêt nutritionnel chute. À l’opposé, des graminées plus ou moins tardives (fétuque rouge, fétuque ovine, nard raide) sont présentes sur des milieux peu fertiles. Même si leur valeur nutritive est parfois inférieure au printemps, elles restent plus stables dans le temps. Selon Stéphane Violleau de la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, les modalités de fertilisation peuvent orienter une prairie vers une catégorie plutôt qu’une autre et vont conditionner, à ce titre, leur mode d’utilisation. Un apport élevé de lisier de porc va favoriser les graminées précoces ce qui occasionnera une forte production printanière. De plus, l’apport excessif de lisier peut, à la longue, favoriser le développement d’adventices nitrophiles comme le rumex ou la grande berce. Il aura également pour effet de favoriser excessivement les graminées au détriment des légumineuses. À l’échelle de l’exploitation mixte porc-bovin, l’éleveur a donc tout intérêt à préserver une diversité de types fonctionnels dans ses prairies de manière à mieux gérer la production d’herbe tout au long de l’année. Selon Stéphane Violleau, il est souhaitable de répartir les apports organiques sur un maximum de surface, en alternant les formes d’apport (lisier, fumier, compost) quand c’est possible. De même, l’apport occasionnel, par exemple tous les trois ou quatre ans, de lisier de porc sur des prairies moins fertiles pourra être mis à profit pour les redynamiser sans toutefois dégrader leurs qualités floristiques.
Un matériel d’épandage à adapter aux contraintes du Massif central
Certaines zones du Massif central sont contraintes par les pentes et les conditions climatiques (gel, neige) mais parfois aussi par des parcelles de petites tailles et/ou d’accès difficiles. Les équipements d’épandage disposent d’adaptation à ces contraintes. Un témoignage rapporte l’existence de dispositifs spécifiques pouvant être mis en œuvre : possibilité de vidange par l’avant, cloisonnement partiel pour limiter le phénomène de ballant, pneus étroits pour accroître la pression au sol et donc l’adhérence… Le volume des tonnes à lisier est également plus modeste dans ces zones, se situant en moyenne à 10/12 m3, voire 6/7 m3. Par ailleurs, ces contraintes d’accessibilité mais aussi la profondeur souvent faible des sols compliquent l’usage des pendillards et enfouisseurs ; le devenir des équipements en usage pose ainsi question quant à leur compatibilité à la loi Prépa déterminant l’usage de matériels moins émissifs en ammoniac.
Les dispositifs à sabots (ou à patins) permettent de déposer du lisier directement au pied des plantes, sans salir les feuilles. Elles réduisent les risques sanitaires et de pertes d’appétence. Elles nécessitent peu de puissance supplémentaire par rapport à une rampe à pendillards. Et, comme pour cette dernière, un correcteur de dévers est nécessaire sur les sols en pentes. Enfin, il existe des matériels d’épandage avec rampes à injecteurs. L’enfouissement immédiat du lisier, permet de limiter considérablement la volatilisation d’ammoniac et des composés odorants. Sur prairie, l’injection peu profonde (4 à 6 cm) avec des injecteurs à disques est à privilégier avec un écartement idéalement de 20 cm. Ces rampes à injection ne sont toutefois pas adaptées aux sols pierreux, compactés ou en pente. Le taux d’utilisation des matériels doit être élevé afin de les amortir sur un plus grand volume de lisier. Il est donc préférable de mutualiser ces équipements au travers de Cuma. Le recours à une entreprise de travaux agricole est également envisageable. Dans les régions à faible densité d’élevages, la disponibilité du matériel en propre peut néanmoins être considérée comme un atout.
Le phosphore, une contrainte réglementaire, même en zone à faible densité porcine
Bien que le Massif central dispose d’une faible densité porcine, le phosphore est considéré comme l’élément fertilisant limitant le dimensionnement du plan d’épandage dans la plupart des situations. Les zones herbagères, très représentées, sont en effet peu exportatrices de phosphore relativement à l’azote. Cette contrainte peut entraîner des difficultés à trouver des surfaces d’épandage, notamment (1) dans les zones où le dynamisme de la filière bovine est fort, avec un accès privilégié au foncier, (2) là où il est surtout produit du fumier, dont le rapport N/P est très inférieur à celui du lisier, (3) là où prédomine la prairie, et (4) pour les élevages porcins spécialisés, qui détiennent en propre trop peu de surfaces. Dans les autres situations, et compte tenu de « l’avidité des tiers pour le lisier », il peut être ponctuellement bien plus aisé d’accéder à des surfaces d’épandage.
Lorsque les apports de phosphore dépassent l’équilibre de la fertilisation, l’éleveur doit trouver de nouvelles surfaces d’épandage. En cas d’impossibilité ou si cela n’est pas souhaité, le recours à l’alimentation biphase semble encore constituer une bonne alternative dans le Massif central. Dans le cadre du projet Aporthe, 40 élevages porcins avaient été enquêtés. Sur 37 élevages produisant des porcs charcutiers, 21 sont en alimentation standard, 13 en biphase et 3 en multiphase. Le potentiel de réduction de l’excrétion en phosphore qui en résulterait serait donc à privilégier avant toutes formes de traitement des lisiers.