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Une loi Egalim 2 pour donner un second souffle au prix du lait

Les effets d’Egalim sur le prix du lait se sont rapidement estompés. Dès lors, qu’attendre de la loi Egalim 2 sur la rémunération des éleveurs ? Le prix du lait va-t-il augmenter ?

« C’est une loi pour une meilleure rémunération des agriculteurs, comme son nom l’indique », rappelle Thierry Roquefeuil, président de la FNPL lorsqu’on l’interroge sur l’intérêt de la loi Egalim 2 pour la filière laitière. Le texte ambitionne d’améliorer la loi Egalim 1 en gardant les mêmes fondamentaux : rééquilibrer les relations commerciales agricoles en s’appuyant sur la contractualisation et la construction en marche en avant du prix.

« Donner ce qu’il reste au producteur, c’est non ! Même la coopération ne peut plus se réfugier derrière cela », résume l’éleveur lotois. Et alors que les négociations commerciales annuelles démarrent tout juste pour se finir au 1er mars, industriels et distributeurs affichent leur consentement, du moins publiquement.

« Egalim 2 doit permettre une meilleure rémunération des agriculteurs, et la sanctuarisation du coût des matières premières va dans le bon sens », soutient la fédération des industries agroalimentaires. « Nous avons promis de laisser passer l’augmentation des coûts de la production agricole », assure de son côté Michel Edouard Leclerc sur France Bleu Pays d’Auvergne. Le ministère ne dit pas moins : « Les discussions ont montré que les agriculteurs comme les transformateurs ou la distribution […] abordaient la mise en œuvre de cette loi avec un esprit constructif et prenaient en main les différents outils. »

Alors, ce second texte législatif donnera-t-il un second souffle à la loi Egalim ? Cette dernière a, selon les calculs de la FNPL, eu des effets positifs sur le prix du lait. Elle aurait permis une augmentation du prix du lait payé au producteur de 10 euros pour 1 000 litres en 2019 et de « limiter la casse liée à la crise sanitaire en 2020 » avec une légère hausse de 1,60 euro. « Depuis tout le monde s’est un peu endormi », déplore Thierry Roquefeuil. En 2021, l’effet de la loi Egalim sur le prix du lait aura été nul.

Péril sur les industriels

La défense du pouvoir d’achat des Français reste le slogan favori de la grande distribution. Car s’il promet de laisser passer les hausses sur les matières premières agricoles, le patron des supermarchés Leclerc explique également que « tout le reste [des demandes de hausses] va être épluché, soit différé, soit refusé ».

Face au « contexte complexe d’inflation sur les matières premières, d’augmentation des coûts opérationnels et en particulier énergétique, des tensions sur les emballages, etc. », les laiteries privées restent aussi prudentes : « Seule une augmentation significative des tarifs permettra de faire face aux défis qui sont les nôtres, et permettra de créer de la valeur pour l’ensemble des acteurs de la filière. »

Alors, même dans l’hypothèse où des hausses des tarifs sont consenties cette année, certains craignent qu’une fois encore elles ne ruissellent pas jusqu’aux producteurs. « Avec les hausses de charges et de coûts tout au long de la chaîne, tout le monde va essayer de se servir », s’inquiète le président de la FNPL.

Contrôler, contrôler, contrôler

D’autres se veulent plus optimistes, à l’image de Damien Lacombe, président de la Coopération agricole et de la coopérative Sodiaal. « La loi Egalim 2 va nous permettre de faire valoir les coûts de production pour les éleveurs et des coûts de transformation pour les laiteries. Nous pourrons peser dans les négociations commerciales », assure-t-il. Reste à voir « comment va vivre la loi ».

Pour le gouvernement, un nouvel échec serait mal vu. Lors du premier comité de suivi des négociations commerciales, qui a sonné le coup d’envoi des nouvelles négociations commerciales, le ministre de l’Agriculture « a remis l’église au milieu du village en rappelant que la loi devait être appliquée sans stratégie de contournement ».

La répression de Fraudes ainsi que Haut conseil à la Coopération agricole y ont également présenté les principales orientations du renforcement des contrôles qui seront mis en place pour assurer la bonne application de la loi. « La DGCCRF maintiendra une forte pression de contrôles », garantit Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie. À la fin, seuls les résultats des négociations commerciales feront foi.

 

À l’Unell, Egalim 2 entraîne peu de changement

« Honnêtement, la nouvelle loi Egalim2 ne va pas changer grand-chose pour nous », estime Claude Bonnet, président de l’Unell. « Nous appliquons déjà la loi Egalim », explique-t-il. L’accord-cadre signé par l’organisation de producteurs, qui fédère quelque 4 000 éleveurs livrant à Lactalis, se base déjà sur une formule de prix intégrant des indicateurs annuels de coûts de production dont le prix de revient publié par l’interprofession laitière. Une amélioration est malgré tout notable : l’interdiction de clause d’alignement concurrentiel lié à l’environnement que le contrat-cadre entre l’Unell et Lactalis intègre actuellement. « Cela nous protégera un peu mieux », convient l’éleveur.

À retenir

Quelques apports d'Egalim 2

 

  • Révision automatique des prix basée sur des indicateurs de coûts de production
  • Interdiction des clauses d’alignement concurrentiel
  • Création d’un comité de règlement des différends agricoles
  • Expérimentation du rémunérascore
  • Non-négociabilité de la matière première agricole

 

« La loi manque d'ambition »

Olivier Mevel, consultant en stratégie agricole et agroalimentaire, travaille étroitement avec les organisations de producteurs (OP) laitières.

Ça y est, la loi Egalim 2 est promulguée et s’applique pour les négociations annuelles entre la grande distribution et ses fournisseurs. Quel est votre avis ?

Cette loi a de bons côtés mais elle a aussi de nombreux défauts. Il était nécessaire de compléter la loi Egalim qui n’a pas atteint ses objectifs. Mais la loi souffre de nombreuses exemptions. Beaucoup de filières ne sont pas concernées, comme les céréales, les fruits, les oléagineux, le vin, etc. Finalement, pour le lait, c’est déjà bien d’être concerné. Je regrette toutefois que la loi manque d’ambition.

Quels sont les rendez-vous manqués, selon vous ?

La loi passe à côté d’une occasion historique de pouvoir s’intéresser aux négociations du premier maillon : entre les agriculteurs et les transformateurs. Egalim 2 s’attaque effectivement à dissiper le rapport de force entre les industriels et la grande distribution, mais elle ne s’attaque pas assez à dissiper le rapport de force entre les producteurs, leurs organisations de producteurs et les laiteries qui continueront de payer le lait du prix qu’elles veulent. C’est également vrai pour les coopératives.

Quelle pourrait alors être la solution pour rééquilibre le rapport de force entre les producteurs et les industriels ?

Il faudrait une loi Egalim 3 bien plus ambitieuse pour qu’enfin les OP soient le véhicule pour dissiper les rapports de force. Elles sont un appareil fantastique, il faut leur donner toutes les chances de réussir.

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