Michel Hobé, Cogedis
UN TIERS DES EXPLOITATIONS VONT PASSER DANS LE ROUGE
Le prix du lait est en chute libre. N’attendez pas que votre trésorerie se dégrade
avant de réagir et de trouver une solution pour passer ce cap difficile.
économies. La tentation
de supprimer les services liés
au conseil et le repli sur soi
ne sont pas forcément
un bon calcul. »
Michel Hobé est responsable du service Gestion et Economie pour l’association de gestion et d’expertise comptable Cogédis. Présent sur vingt départements du Grand Ouest, ce centre regroupe 8500 exploitations agricols, dont 4 500 en production laitière.
■ Le prix du lait a plongé. Les charges restent élevées. Faut-il céder à la panique ?
Depuis l’instauration des quotas laitiers, les éleveurs n’ont jamais connu de tels soubresauts dans le prix du lait. Habitués à encaisser chaque mois une paye de lait relativement stable, les laitiers n’ont en fait jamais vraiment développé une culture de gestion et de prévision de leur trésorerie. Contrairement aux producteurs horssol qui ont déjà essuyé plusieurs crises et dont les rentrées d’argent s’avèrent moins régulières. Pour s’en sortir, un pilotage plus serré va devenir indispensable. Il va falloir apprendre à mieux arbitrer ses choix et moins raisonner au coup par coup.
■ Combien de temps les éleveurs peuvent-ils garder la tête hors de l’eau ?
La question est surtout de savoir quand le prix du lait va remonter… La capacité de chaque exploitation à « encaisser » la baisse du prix du lait dépend en grande partie de son niveau d’endettement. Dans tous les cas, il faut s’attendre à passer plusieurs mois difficiles, au moins jusqu’en septembre. Les éleveurs laitiers ont un endettement moyen encore maîtrisé à 50 %. Mais vu les niveaux de cours annoncés, la dégradation peut être rapide.
■ Combien d’exploitations risquent de disparaître ?
Un tiers des exploitations sont déjà fragilisées, avec des coûts de production (hors rémunération du travail et des capitaux propres) supérieurs à 325 €/1 000 litres. La baisse du prix du lait va les secouer plus encore. Je ne serai pas surpris de voir des exploitants contraints de mettre la clé sous la porte dans les prochains mois. Même des structures de grande taille qui ont beaucoup investi sont exposées… Dans ce type d’exploitation, toute erreur de gestion prend beaucoup plus d’ampleur. Pour certains, la volonté des banques de continuer à les suivre sera décisive… Plus globalement, cette crise va avoir un impact sur la restructuration. D’après nos prévisions, le coût de production moyen en 2009 devrait approcher 300 €/1000 litres, et le revenu des éleveurs proviendra exclusivement des aides.
■ La trésorerie va manquer. Que faire à court terme ?
Les éleveurs vont être tentés de lever le pied sur les intrants. Mais attention aux mauvaises économies! Une réduction à outrance des engrais, des phytos ou des concentrés peut faire pire que mieux en dégradant les performances et en déséquilibrant le système en place. De même, la tentation de supprimer les services liés au conseil et le repli sur soi n’est pas forcément un bon calcul. Surtout en période trouble où il faut redoubler de vigilance sur le pilotage de l’entreprise ! Cela dit, les éleveurs doivent réagir rapidement pour sauver la trésorerie. D’autant que les factures liées à l’implantation du maïs vont arriver, que les appels à cotisations sociales vont tomber dans trois mois sur la base d’un revenu 2008 élevé, et que la bouffée d’oxygène du versement des DPU n’arrivera qu’en fin d’année… Priorité : estimer le manque à gagner en se basant sur la dernière paye de lait. Ensuite, chiffrer le besoin de trésorerie des six prochains mois avant d’aller frapper à la porte de la banque. Un emprunt court terme, une avance sur les aides PAC, une reprise de financement sur un matériel autofinancé l’année précédente, ou encore le financement des comptes associés, envisageable en société, sont des solutions pour ramener de l’argent frais. ■