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Revenu : « Notre système laitier économe est loin d’être ringard »

Le Gaec de la Planture, en Meurthe-et-Moselle, limite la productivité de ses vaches à 6 200 l de lait avec un maximum d’herbe et un minimum d’intrants. Ce choix de système mini-charges, efficient et résilient lui assure un bon niveau de revenu.

<em class="placeholder">Christine et Pascal Garnier, éleveurs laitiers.</em>
Christine et Pascal Garnier : « Nous avons bâti notre stratégie mini-charges à partir de nos contraintes : des terres à faible potentiel et une forte proportion de prairies permanentes. »
© E. Bignon

« Nous avons l’impression d’être un peu à contre-courant de ce que j’observe souvent dans les élevages aujourd’hui : productifs à l’animal, avec une forte part de maïs, peu de pâturage et souvent robotisés », dépeint Pascal Garnier, installé avec son épouse Christine en Meurthe-et-Moselle à la tête d’un troupeau de 66 vaches à 6 200 l, dont le régime alimentaire repose en grande partie sur le pâturage, le foin et l’enrubannage d'herbe.

Le Gaec de la Planture a opté il y a plus d’une vingtaine d’années pour une stratégie axée sur l’économie de charges et la diminution de la dépendance aux intrants. Une voie qu’il continue de suivre aujourd’hui et qui s’avère payante. En moyenne, sur les trois derniers exercices, le revenu disponible s’élève à 131 000 € pour deux associés, avec un ratio charges opérationnelles sur produits de 25 %.

Quatre mois de pâturage exclusif sans concentrés

« Lorsque nous nous sommes installés, nous avons complètement rebattu les cartes par rapport au système en place qui ne se révélait pas adapté aux contraintes de la structure », retrace Christine en souriant. Le Gaec dispose notamment de terres argileuses hydromorphes dans la vallée, d’où la forte proportion de prairies permanentes (60 % de la SAU), et des sols argilo-calcaires superficiels sur un plateau à faible potentiel céréalier (55 q/ha en blé en moyenne et 8 t MS/ha en maïs). Pour coller à ce potentiel de sol limité et mieux valoriser l’herbe, les éleveurs ont fait le choix de limiter la productivité des laitières, viser un vêlage des génisses à 36 mois et remplacer les taurillons par des bœufs.

Fiche élevage

3,5 UMO dont deux associés, 2 salariés à mi-temps et un apprenti

255 ha de SAU dont 159 ha de prairies, 52 ha de blé, 16 ha d’orge, 7 ha de tournesol, 19 ha de maïs ensilage et 2 ha de betteraves

409 000 l

66 vaches à 6 200 l

45 bœufs par an

1,05 UGB/ha

« Pour produire du lait économe avec des quantités de maïs limitées et peu de tourteau, la clé passe par le pâturage des prairies permanentes, à 4-6 t MS/ha, plus de six mois de l’année, avance Pascal. D’une contrainte structurelle, nous avons voulu faire un atout, encouragés dans cette voie par notre conseiller de la chambre d’agriculture. »

La rentabilité du Gaec de la Planture
Résultats économiques du 01/04/2023 au 31/03/2024
Produits 482 131 €Charges357 300 €
Vente de lait187 758 €Charges opérationnelles144 774 €
Vente d'animaux116 525 €dont concentrés47 786 €
Variation d’inventaire animal-3 319 €frais véto6 350 €
  divers élevage17 926 €
Aides couplées animales11 397 €cultures72 712 €
Indemnités SFP40 907 €Charges de structure 
hors amortissements
212 526 €
Autoconsommation1 063 €dont MSA + salaires 73 299 €
  foncier18 639 €
Cultures 75 307 €matériel70 168 €
DPB, Aides vertes, surprime51 864 €bâtiments3 735 €
Divers629 €frais généraux46 685 €
EBE : 124 831 €
Approche comptableApproche trésorerie
Amortissements63 507 €Annuités38 578 €
Frais financiers2 861 €Frais financiers CT1 091 €
Résultat courant58 463 €Revenu disponible85 162 €
Source : réseau Inosys Meurthe-et-Moselle
 
<em class="placeholder">Les génisses et les bœufs sont conduits ensemble jusqu’à 36 mois pour valoriser les surfaces en herbe non fauchables.</em>
Les génisses et les bœufs sont conduits ensemble jusqu’à 36 mois pour valoriser les surfaces en herbe non fauchables. © E. Bignon

Pour asseoir sa stratégie, le Gaec s’appuie sur le groupement des vêlages à l’automne, du 20 août au 15 décembre, véritable socle du système mis en place. De là, découle tout le reste. « Avec cette conduite, les vaches bénéficient à la belle saison d’un régime exclusivement à base d’herbe pâturée en milieu et fin de lactation, ce qui permet de couvrir à lui seul la totalité de leurs besoins », explique l’éleveur.

Le choix de grouper les vêlages à l’automne

Grouper les vêlages implique une politique de reproduction très rigoureuse. Les exploitants ferment les yeux sur les chaleurs jusqu’au 11 novembre, date de rentrée des génisses en bâtiment. Les inséminations ne démarrent qu’à ce moment-là. « Nous surveillons intensément les chaleurs, trois fois par jour, pendant deux mois et demi, jusqu’à fin janvier », indique Pascal en précisant qu’il « limite moins les concentrés à cette période pour favoriser la fertilité ». Avec plus de 74 % de réussite en IA1 et 21 % en IA2 pour un intervalle vêlage-vêlage de 373 jours, les résultats de repro sont au rendez-vous.

 

<em class="placeholder">Cellules de stockage de céréales et aplatisseur pour autoconsommation à la ferme. </em>
Les céréales sont autoconsommées. Les cellules ont été achetées 700 € d’occasion et l’aplatisseur a coûté 1 700 €. © E. Bignon

En hiver, les vaches reçoivent une ration complète composée d’un tiers à moitié d’enrubannage, de deux tiers à moitié de maïs ensilage (selon les stocks et la qualité de l’herbe récoltée), complétée par 1,5 à 2,2 kg de correcteur à 41 % de MAT à base de tourteau de colza et 1,5 kg de céréale autoproduite. Pascal n’a pas non plus la main lourde sur le complément minéral vitaminée (CMV) qui plafonne à 200 g par vache par jour.

Les vaches restent en bâtiment jusqu’au 15 avril et passent au pâturage exclusif autour du 1er mai. Le silo de maïs est fermé alors pendant quasiment quatre mois, jusqu’au premier vêlage. Les concentrés sont aussi coupés. Grâce à quoi, la consommation annuelle de concentrés ne dépasse pas 1 208 kg par vache, soit près de 450 kg de moins que le groupe de référence(1). Les achats se limitent au correcteur azoté (40 t/an). C’est encore moins en moyenne sur trois ans : 1 004 kg pour une productivité de 6 378 l/VL.

Tirer le meilleur parti des prairies permanentes

Sur les 159 hectares de prairies, 52 hectares sont pâturés au printemps. « Pour bien gérer le pâturage, je charge fort au printemps et je décharge en été », dépeint Pascal. La surface alloué au pâturage passe ainsi de 25-30 ares par vache au printemps à quasiment le double en été. « Avec nos sols hydromorphes, l’herbe reste verte en été, nous n’observons pas de dégradation de flore, il suffit d’un orage et l’herbe repousse », relève Christine.

 

<em class="placeholder">Bottes d&#039;enrubannage</em>
Les bottes d’enrubannage sont numérotées en fonction de la coupe et du type de prairies récoltées. Le Gaec dispose toujours d’une saison d’avance en stock. © E. Bignon

Sur le reste des surfaces en herbe, 30 hectares sont enrubannés début mai afin de récupérer des repousses de qualité dès le mois de juin pour les vaches en lactation, et 77 hectares sont récoltés en foin à partir de fin mai si la météo le permet. « Nous avons arrêté l’ensilage d’herbe car avec les printemps humides, il devenait compliqué de mener un chantier en une seule fois, et derrière, les butyriques n’étaient pas simples à gérer », partage Pascal. C’est pourquoi, le Gaec s’est équipé pour enrubanner l’herbe avec du matériel d’occasion. Depuis, il réalise des chantiers plus petits et échelonne la récolte en fonction de la qualité du fourrage et de la portance des sols. À la récolte, Pascal vise 60 % de matière sèche et, en tout cas, toujours plus de 45 %, avec obligatoirement un fanage. « L’enrubannage apparaît également plus pratique en termes de distribution, pour ajuster les quantités distribuées, notamment pendant les transitions », apprécie-t-il.

Détail des charges du Gaec de la Planture
 01/04/2022 - 31/03/202301/04/2023 - 31/03/2024
 Gaec de la PlantureGroupe(1)Gaec de la PlantureGroupe(1) 
Total charges opérationnelles470 €/ha - 23 % PB780 €/ha - 30 % PB566 €/ha - 30 %920 €/ha - 36 %
dont engrais (€/ha)95160186221
semences (€/ha TL)96112127164
traitements   (€/ha TL)79107107161
aliments (€/UGB)252505254554
contrôle laitier (€/VL)46494555
insémination VL (€/VL)57886888
vétérinaire (€/UGB)35433454
divers élevage (€/UGB)60735683
Source : chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle

Un choix assumé au niveau de chaque poste

<em class="placeholder">Tracteur d&#039;occasion</em>
Pascal, qui est aussi un as de la mécanique, privilégie le matériel d’occasion plutôt que du neuf pour les cultures, comme ce tracteur de 125 ch, acheté d’occasion à 900 h au compteur pour 11 000 €. © E. Bignon

Les associés vont au bout de leur logique en généralisant leur stratégie mini-charges à l’ensemble des postes de l’exploitation : ils recourent aux semences fermières pour les céréales, ils limitent les services souscrits ... Ils se fixent aussi des prix plafonds pour l’achat des semences de taureau et des traitements sur cultures, ainsi que des quantités maximales d’engrais qu’ils ajustent en fonction des stocks fourragers et des apports de fumier. Une trajectoire cohérente qui assure, en prime, une bonne résilience à l’exploitation.

(1) 19 élevages en suivi Inosys en Meurthe et-Moselle.
 

Avis d’expert : Jean-Marc Zsitko de la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle

« Des charges très bien maîtrisées »

 

 
<em class="placeholder">Jean-Marc Zsitko de la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle</em>
Jean-Marc Zsitko de la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle © E. Bignon

« Sur les trois derniers exercices, le Gaec de la Planture dégage un revenu supérieur à la moyenne des exploitations du réseau national lait Inosys malgré un produit inférieur. Ce revenu est le résultat d’une très bonne efficacité du système – dont témoigne l’EBE/produit élevé de 41 % sur 3 ans – et de peu d’annuités. Les charges opérationnelles sont très bien maîtrisées, c’est le point fort de l’exploitation. L’exploitation présente également des charges de mécanisation réduites. Grâce aux bons niveaux d’EBE dégagés depuis de nombreuses années, le couple privilégie l’autofinancement plutôt que les emprunts, d’où les faibles niveaux d’annuités, qui s’expliquent aussi par l’achat de matériel d’occasion plutôt que neuf. »

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