Un projet de 1000 vaches qui fait un sacré ramdam
Dans la Somme, le projet de création de la plus grande ferme laitière de France, avec unité de méthanisation, semble en bonne voie malgré le soulèvement d’une vague contestataire.
Le projet des 1 000 vaches dans la Somme n’a pas fini de faire couler de l’encre. À l’heure où nous mettons sous presse (20 janvier), le dossier est toujours en cours d’instruction auprès des services de la préfecture. D’ici début février, le préfet doit se prononcer pour délivrer ou non l’autorisation d’exploiter.
Suite à l’enquête publique, le commisseur-enquêteur a rendu un avis favorable. Et s’il suscite des remous, ce projet semble néanmoins en bonne voie.
L’apporteur de capitaux, c’est Michel Ramery. Aujourd’hui à la tête d’un groupe de BTP employant plus de 3 000 salariés, il a décidé de revenir à ses premières amours : l’agriculture. Il a déjà investi depuis plusieurs années dans la terre. Il est le gérant de la SCEA de la Côte de Justice, qui porte le projet 1 000 vaches. Regroupée avec trois autres exploitations laitières au sein de la SCL Lait Pis Carde, la structure produit 1,7 million de litres avec près de 200 vaches, à Airaines, près d’Abbeville. Le projet vise à passer à 1 000 vaches (et 1 750 animaux au total) en transférant l’ac- tivité laitière sur Buigny-Saint-Maclou et Drucat. Un méthaniseur de 1,5 MW pour traiter les effluents d’éle- vage et des déchets extérieurs est aussi prévu.
Levée de boucliers des riverains et environnementalistes
Localement, des voix s’élèvent contre ce projet. Il a donné naissance à l’association baptisée Novissen pour « Nos villages se soucient de l’environnement ». Celle-ci rassemble à ce jour plus de 950 adhérents, qui ne veulent pas « d’un élevage ultra-concentrationnaire associé à une usine à gaz » à leurs portes. Les opposants dénoncent entre autres les nuisances sonores et olfactives liées aux boues d’épandage et à l’augmentation du trafic routier, les risques sanitaires et le non-respect du bien-être animal. Sous-jacente aussi, la crainte de perte de valeur des biens immobiliers à proximité de l’exploitation.
La révolte s’organise. Courant janvier, l’association appe- lait à envoyer 1 000 lettres de protestation à la préfecture. En cas de validation du projet, un recours devant le tribunal administratif est envisagé. « Il s’agit d’une oppostion de principe sans réel fondement, ni argumentaire solide », avance pour sa part Michel Welter, porteur du projet.
Mis à part la Confédération paysanne qui condamne le projet qu’elle qualifie de « dangereux aussi bien pour la santé humaine que pour l’environnement », la profession n’y est pas foncièrement hostile. « C’est un dossier sensible qui dérange et bouscule les esprits, évoque avec réserve Dominique Dengreville, président de l’Union des producteurs de lait de Picardie. En tant qu’éleveur, je ne peux m’associer aux arguments plus ou moins fantaisistes des détracteurs du projet. Pour autant, je reste interrogatif. Plus que la taille de la structure, c’est l’aspect gouvernance qui me pose problème. Les décisions seront- elles collégiales ou est-ce celui qui paye qui décidera de tout ? »
Sans juger le projet, la Coordination Rurale rappelle, quant à elle, la légitimité du droit d’entreprendre.
« Le fait de proposer un grand troupeau est l’une des façons de maintenir le lait dans un contexte de polyculture élevage où la concurrence directe pour le lait ne vient pas des voisins mais des céréales et des pommes de terre, argue Michel Welter. Sur les 1 100 exploitations laitières que compte la Somme, entre 200 et 250 exploitations, représentant environ 10 % du volume produit, ne seraient pas aux normes et vouées à disparaître. « Pour l’heure, malgré la diminution régulière et structurelle du nombre de producteurs, l’intégralité du quota laitier (430 millions de litres) est réalisée, souligne Rémy Hannequin, de la chambre d’agriculture. La demande de quota reste importante sur le dépar- tement. Il y a une cinquantaine d’installations en lait chaque année. Les mégastructures ne sont pas le seul schéma possible pour produire du lait dans la région. »
Palier la baisse du nombre de producteurs laitiers
Sur la toile également, le projet suscite des réactions. « Quel avenir pour nos « petites » structures de 70-90 vaches ? », s’interrogent certains. « C’est un autre état d’esprit, commente un exploitant. C’est le monde de l’entreprise où tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins. Et si, du jour au lendemain, l’affaire n’est pas suffisament lucrative, on arrêtera et on fera autre chose... »
(1) La SCEA est regroupée avec huit autres structures, qui exploitent ensemble 1 000 ha.
Un projet inspiré de l’Allemagne du Nord
Dès que le feu vert du préfet sera donné, tout est prêt pour démarrer les travaux. Réalisé par un bureau d’étude allemand, le projet comprend neuf bâtiments : une stabulation de 950 places en logettes raclées, un bâtiment pour les vaches taries, un roto de 60 places, deux bâtiments pour les génisses, un autre pour les veaux jusqu’à 6 mois, plus des annexes, silos et plateformes de stockage.
L’augmentation du cheptel sera progressive, et le projet se fera par étape de 2012 à 2015. Le budget s’élève entre 5 et 6 millions d’euros pour la partie laitière, et entre 6 et 7 millions d’euros pour l’unité de méthanisation de 1,5 MW. « Nous avons un délai de trois ans pour compléter le besoin en surfaces épandables nécessaires, au fur et à mesure de l’augmentation des effectifs. »