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« Des abreuvoirs connectés, caméras intelligentes et capteurs pour gagner en performance et en confort de travail dans mon élevage laitier dans le Morbihan »

Au Gaec de la Grée, dans le Morbihan, l’intelligence artificielle pilote l’abreuvement et la gestion de l’ambiance du bâtiment à partir de capteurs. À la clé, un suivi du troupeau en continu et moins de charge mentale pour les éleveurs.

On ne les voit pas forcément à première vue en arpentant le bâtiment des laitières, ils sont pourtant bien là. La stabulation du Gaec de la Grée, à Noyal-Muzillac dans le Morbihan, est truffée de capteurs. Thermomètres, hygromètres, luxmètres mesurant l’intensité lumineuse, anémomètres mesurant la vitesse de l’air, ou autres capteurs mesurant les teneurs en dioxyde de carbone, en ammoniac… Accrochés ou suspendus d’un bout à l’autre du bâtiment comptant 230 logettes et quatre robots de traite, tous ces capteurs d’ambiance font remonter les données toutes les dix minutes.

« Les capteurs sont de simples outils de mesure, mais ce qui compte, c’est l’usage concret qu’il est possible d’en retirer », explique Stéphane Saillé, directeur Innovation chez Innoval. La coopérative a lancé depuis deux ans une expérimentation dans des élevages, de tailles et de systèmes de production variés, pour capter un maximum de données et développer des modèles et algorithmes fiables, en vue de produire de nouveaux indicateurs de pilotage des troupeaux.

Des capteurs résistants et faciles à utiliser

 

<em class="placeholder">capteur d&#039;ambiance en stabulation pour bovins lait</em>

« Aujourd’hui, nous disposons d’une masse de données colossale, mais souvent inexploitée ou en tout cas pas valorisée au maximum, poursuit-il. Pour en tirer une réelle plus-value pour les éleveurs, nous cherchons à agréger les données historiques dont nous disposons en termes de santé, de reproduction et de performance des troupeaux, et à les coupler à celles issues des technologies présentes en élevages (robots de traite, automates, colliers, etc.) ainsi que celles remontant de différents capteurs installés dans les bâtiments. » Seule l’intelligence artificielle est capable d’opérer un tel traitement et de fournir « le bon indicateur, au bon moment, avec la bonne alerte afin que l’éleveur puisse prendre la bonne décision quant à la conduite de son troupeau ». Et cela, sans générer non plus d’alertes à tout va.

Du monitoring en continu dans le bâtiment

L’une des applications concrètes testée concerne le suivi en continu de la consommation d’eau par les vaches. « L’eau est un facteur que nous ne sommes pas habitués à suivre de près en élevages bovins, alors que c’est une chose fréquente dans les exploitations de monogastriques, relève Fabien Louis, l’un des deux associés du Gaec de la Grée. Quand on sait que le lait contient 89 % d’eau, il est intéressant pour nous de disposer d’un outil simple, fiable et n’exigeant pas d’intervention humaine pour suivre ce paramètre. »

<em class="placeholder">L’installation de la nourrice en inox (540 € en 2020) reliée à des compteurs à eau individualisés permet de connaître la consommation d’eau au niveau de chaque ...</em>

Le Gaec a procédé à la mise en place d’une nourrice équipée de compteurs à eau individualisés pour chaque abreuvoir. Des capteurs ont été couplés au dispositif afin de faire remonter automatiquement les données, synthétisées et consultables en ligne depuis l’ordinateur ou le smartphone.

« Nous pouvons ainsi facilement observer tout écart de consommation par rapport à la moyenne des sept jours précédents ou bien détecter une fuite, apprécie le jeune éleveur. Nous avons reçu sept alertes de fuite depuis juin 2024. Pour la dernière, nous sommes passés d’une consommation journalière de 26 m3 en moyenne à 49 m3. » D’où l’intérêt de les repérer au plus vite ! Repérer une sous-consommation d’eau au niveau d’un abreuvoir peut également alerter quant à un risque de souillure ou de bouchage.

« En termes de conseil zootechnique, il est primordial pour nous de pouvoir répondre à la question ''Est-ce que les vaches boivent suffisamment sur cet élevage ?'' avant de rechercher une autre anomalie potentielle dans la conduite du troupeau, observe Stéphane Saillé. Avec les abreuvoirs connectés, c’est désormais possible. » Sur le Gaec, ce paramètre semble tout à fait correct, avec 80 litres bus par vache et par jour en hiver pour 35 kilos de lait produit, avec une ration à base d’ensilage de maïs et d’herbe. En été, la consommation monte plutôt à 100 litres d’eau par vache et par jour.

Anticiper le risque de stress thermique

Autre application possible des capteurs : le pilotage de l’ambiance du bâtiment. « Nous pouvons par exemple fournir des indicateurs de synthèse relatifs au stress thermique en mixant les mesures de température et d’hygrométrie, avec une prédiction de l’impact potentiel sur la production laitière et la reproduction », avance Stéphane Saillé. Un modèle prédictif anticipe le risque selon les prévisions météorologiques des cinq prochains jours. « Cela nous permet d’apporter en amont d’éventuelles modifications dans la ration en incorporant du bicarbonate par exemple, commente Fabien Louis. Et de nous montrer encore plus vigilants quant au réglage des rideaux et à la propreté des abreuvoirs. »

 

La consommation d'eau des vaches suivie en continu

 

L’installation de la nourrice en inox (540 € en 2020) reliée à des compteurs à eau individualisés permet de connaître la consommation d’eau au niveau de chaque abreuvoir. Des relevés sont effectués par des capteurs au niveau de chaque compteur. Le suivi de la consommation d’eau se fait en continu avec des relevés opérés toutes les dix minutes.

La consommation d’eau totale de la ferme (hors robots) par mois est présentée sous forme de graphique avec le pourcentage d’eau consommée par les vaches. La consommation d’eau par le troupeau par jour est comparée à celle lissée sur 7 jours pour repérer d’éventuelles fuites. Des alertes automatiques sont générées.

La consommation d’eau par vache par jour est suivie automatiquement, sans aucune intervention humaine. Une augmentation en période de fortes chaleurs est le signe d’un accès à l’eau non limitant. Ici, les voyants sont au vert. Les vaches consomment 80 litres par jour en hiver en moyenne et plutôt 100 litres en été.

La consommation journalière en eau est mise en relation avec une zone de cohérence (en grisé sur le graphique) correspondant au besoin en eau estimé à partir du pourcentage de matière sèche moyen de la ration et de la saison. Elle décroche ici lorsque le Gaec commence à affourager en vert. Ce qui est normal vu la teneur en eau de l’herbe intégrant alors la ration.

Avis d'expert : Stéphane Saillé, directeur Innovation chez Innoval

« La révolution 4.0 est en marche en élevage »

 

 
<em class="placeholder">Stéphane Saillé, directeur Innovation chez Innoval.</em>
Stéphane Saillé, directeur Innovation chez Innoval. © E. Bignon

« Après l’avènement du génotypage, la nouvelle rupture technologique qui va marquer les élevages, c’est l’intelligence artificielle. Elle va permettre d’accélérer encore la modernisation des exploitations laitières et d'ouvrir la porte à une autre forme de conseil. Un conseil plus prédictif qui s’appuyera sur des données dont nous ne disposions pas forcément auparavant et qui permettront un pilotage en continu et à distance. Au-delà de la modernisation des pratiques, l’objectif est également d’améliorer les conditions de travail et le bien-être des éleveurs. L’avenir du métier en dépend. En allégeant les tâches et en améliorant la qualité de vie des éleveurs, l’intelligence artificielle pourra contribuer à donner aux jeunes l’envie de s’installer et enrayer la crise de vocation en élevage. »

Un réseau de vingt fermes pilotes

Une vingtaine d’élevages participent actuellement au projet Innoval 4.00 dans le cadre d’un réseau de fermes pilotes réparties sur tout le Grand Ouest. Ils testent l’utilisation de capteurs mais aussi des modalités de valorisation des données captées. Une fois les tests validés, une première offre de service sera lancée sur l’ensemble des 29 départements de la zone Innoval. Si les modalités ne sont pas encore connues, l’objectif est de rendre ces outils accessibles au plus grand nombre.

Les caméras intelligentes, nouvel œil de l’éleveur

 

 
<em class="placeholder">Fabien Louis éleveur laitier devant son ordinateur</em>
Couplées à l'intelligence artificielle, les cameras intelligentes offrent de belles perspectives de monitoring à terme. © E. Bignon

Le Gaec de la Grée teste également le monitoring des vaches via des caméras intelligentes capables de reconnaître les vaches grâce à leur robe. Les images sont capturées en temps réel dans la stabulation grâce à quatorze caméras pivotant à 360°, réparties dans l’ensemble du bâtiment. « Cette application semble particulièrement prometteuse, considère Fabien Louis. Même si elle n’est pas encore tout à fait au point. » L’intérêt est de pouvoir suivre l’activité des animaux. « Par exemple, lorsqu’une vache est détectée en chaleur, il est possible de savoir depuis quand la chaleur a commencé. » L’outil fournit un retour visuel de ce qui se passe dans la stabulation quand l’éleveur n’est pas là. « Il nous est arrivé de retrouver une vache couchée dans le couloir dix jours après avoir vêlé. Nous avons pu réaliser un retour sur images et découvrir ce qui s’était passé. » L’idée est de croiser ces éléments relatifs à l’activité à d’autres données afin de repérer des comportements déviants et détecter précocement l’apparition de troubles de la santé (boiteries, etc.).

 

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