Faut-il assouplir l’abattage total en cas de vache contaminée par la tuberculose bovine ?
L’abattage total est un traumatisme pour les éleveurs, conduit à la mort de nombreux animaux sains, représente un coût. Il est ensuite difficile de repeupler les élevages. Mais peut-on gérer autrement cette maladie ?
L’abattage total est un traumatisme pour les éleveurs, conduit à la mort de nombreux animaux sains, représente un coût. Il est ensuite difficile de repeupler les élevages. Mais peut-on gérer autrement cette maladie ?

Etienne Gavart, directeur du GDS du Calvados.

NON. L’enjeu est de garder un statut indemne de tuberculose bovine et de viser l'éradication de la maladie : c’est ma mission. En Normandie, la dernière campagne de prophylaxie (30 avril 2024 au 1er mai 2025) se termine avec zéro nouveau cas de tuberculose bovine en élevage, ce qui montre l'efficacité de notre plan de lutte. En outre, dans le Calvados, la faune sauvage n'étant pas à l'origine des contaminations qu'il y a eu en élevage, le meilleur moyen d'éradication est l'abattage total et la mise en place de mesures de biosécurité pour bien séparer les troupeaux entre eux.
Par ailleurs, nous ne disposons pas de test à la fois très fiable et rapide qui assure qu’un animal est un vrai positif ou un vrai négatif. En Normandie, nous travaillons avec l'Inrae pour améliorer les tests. Si nous avions un test très fiable et rapide, nous pourrions envisager davantage de dérogations à l’abattage total, avec des abattages sélectifs ciblés sur les animaux porteurs et suspects. Aujourd’hui, l’abattage sélectif est réservé à des cas particuliers où l’origine de la maladie est identifiée, où l'on pense savoir quel lot est suspect et lequel serait sain. Le problème est que l’on ne peut pas faire de vide sanitaire avec désinfection en abattage sélectif. On perd ainsi un moyen de lutte contre la tuberculose.
Jocelyn Bertrand, éleveur porte parole du collectif contre l’abattage total

OUI. Notre collectif propose une solution qui serait moins cruelle pour les éleveurs et les animaux que l'abattage total, et qui permettrait quand même de gérer la tuberculose. Nous proposons l'abattage des animaux positifs aux tests et le suivi du reste du troupeau. Mais à une fréquence moins élevée que dans le protocole de l'abattage sélectif où il y a des tests tous les deux mois pour repérer des animaux douteux, lesquels s'avèrent en définitive rarement porteur de la tuberculose. Les éleveurs choisissent peu l'abattage partiel car il est très anxiogène et aussi difficile à vivre pour les animaux. Nous proposons une fréquence de six mois à un an. Et s'il s'avère que d'autres animaux sont contaminés, l'abattage total serait alors inévitable. Notre collectif demande aussi davantage de tests de la faune sauvage et une meilleure maîtrise des populations, pour limiter les risques de contamination de nos fermes par la faune sauvage. Et nous demandons d'accélérer sur la fiabilité des tests, qui est le coeur du problème.
Maxime Arrebolle, directeur du GDS des Pyrénées-Atlantiques

Cela dépend. Dans les Pyrénées-Atlantiques, il y a une zone bien précise où plus d'une dizaine d'exploitations ont été touchées par la tuberculose bovine depuis l'an dernier. Certaines sont éligibles à l’abattage partiel, d’autres non, mais dans les deux situations, l’acceptabilité des éleveurs atteint ses limites. Face à cette opposition de mettre en œuvre les protocoles d’assainissement, la DDPP et la DGAL (1) ont mis en place une expérimentation, avec des mesures sanitaires visant à éviter la diffusion de la maladie : zone de surveillance renforcée, dépistages avant mouvements d'animaux concernant les 280 élevages indemnes de la zone et mesures de biosécurité. Les élevages foyers de la zone peuvent choisir la modalité d’assainissement : total ou partiel.
Cette possibilité est permise par le contexte sanitaire de cette zone : la faune sauvage y est dense et très infectée. Ainsi, l'abattage total ne peut pas être efficace car il y a trop de sources de recontamination. Il vaut mieux assainir progressivement et simultanément les élevages et la faune sauvage. Cette dérogation permet aussi de répondre à la détresse des éleveurs qui n'acceptent plus les abattages totaux. Mais dans les zones moins infectées du département, voire indemne, si un cas survenait et n'entrait pas dans le cadre de l'abattage sélectif, l'abattage total pourrait être envisagé, pour viser l'éradication de la maladie sur cette zone.
Un plan national en préparation
Un travail national est en cours pour rebattre les cartes et faire évoluer les protocoles de lutte contre la tuberculose bovine.