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Tous les débouchés du veau nourrisson sont en difficulté

Veau de boucherie, jeunes bovins, exportations vers l’Espagne : les marchés du veau nourrisson sont tous malmenés en même temps. D’où des cours plus bas que jamais.

En Espagne, le sevrage et le démarrage des veaux sont assurés durant trois mois par des éleveurs spécialisés.
© B. Griffoul

Il faut parfois se méfier des moyennes. La cotation FranceAgriMer du veau laitier de 45-50 kg a atteint 91 euros en 2018. Elle est en augmentation de 4 % par rapport à l’année précédente. Une cotation qui ne représente toutefois pas toute la diversité des prix des veaux en ferme. Mais, explique l’Institut de l’élevage, autant l’année a bien démarré (115 € au premier semestre), autant elle a mal fini (68 € au second). Et 2019 est très mal engagée. Début mars, la cotation était à 75 €, soit 31 % de moins qu’un an plus tôt. Pourtant, depuis deux ans, les naissances de veaux de mères laitières sont stables. Mais tous les débouchés du veau nourrisson sont en difficulté. Rappelons que 60 % des mâles laitiers nés en France sont engraissés en veaux de boucherie, 28 % en jeunes bovins et bœufs, et 12 % vendus à l’export. Parmi ces derniers, 95 % sont destinés au marché espagnol. « L’engraissement en France est en recul et le marché espagnol est moins dynamique depuis la réduction des flux de jeunes bovins finis espagnols vers la Turquie », résume l’Institut ce l'élevage dans sa note de conjoncture de mars. La production française de jeunes bovins laitiers est en déclin rapide depuis la fin des quotas laitiers (-18 % en trois ans). Mais le veau de boucherie, également en recul structurel (-25 000 à - 30 000 veaux engraissés par an) souffre tout particulièrement depuis l’automne dernier.

Des cotations du veau gras indexées sur la météo

En 2018, la France a abattu 1,27 million de veaux gras. Jusqu’en septembre, les cotations étaient supérieures à celles de 2017. Rappelons encore que les prix sont au plus bas au creux de l’été avant de remonter à partir d’octobre. Ils baissent de nouveau à partir d'avril. Les consommateurs mangent moins de veau quand il fait chaud. En 2018, la hausse saisonnière de fin d’année a été tardive et d’ampleur très limitée, en lien avec la douceur automnale. Et les cours des veaux gras ont amorcé leur chute dès le mois de février (- 5 % par rapport à 2017 en fin de mois). La météo printanière de février expliquerait la baisse prématurée des achats des ménages. Mais si la consommation de veau est étroitement indexée sur la météo, le marché a également subi tout au long de l’hiver la concurrence frontale et redoutable des exportateurs néerlandais.

Les Pays-Bas sont le premier producteur européen de veaux gras (1,5 million, soit 36 % du total européen). En 2018, les abattages ont battu un nouveau record (+10 % par rapport à 2017). « La production est attractive pour les éleveurs du fait de sa rentabilité et des contraintes réglementaires pour l’instant plus limitées que pour d’autres productions », explique l’Institut de l'élevage dans son bilan annuel. Les engraisseurs hollandais ont des conditions de production très favorables (grands ateliers, coûts de collecte des veaux inférieurs...) et sont très performants. Leurs prix de revient sont plus faibles qu’en France. Plus de 95 % de la production est exportée, principalement sur le marché communautaire. La filière néerlandaise œuvre ardemment pour ouvrir de nouveaux débouchés au grand export (Chine et Vietnam en 2018...).

Différentiel de prix de 0,7 €/kg carcasse avec les Pays-Bas

Malgré ces efforts, « la production abondante a mis les cours des veaux gras sous pression », poursuit l’institut. Aux Pays-Bas, les prix ont fortement baissé dès le second semestre de 2018. L’Italie, qui est un débouché important pour les intégrateurs néerlandais, importe moins de veaux gras depuis 2017, ajoute Sébastien Augé, responsable du pôle intégration - achats des veaux chez Denkavit. « Ils ont reporté sur la France les volumes qu’ils n’exportent plus vers l’Italie. Les veaux d’importation arrivent aujourd’hui sur le marché français avec un différentiel de prix de 0,7 €/kg carcasse [5,7 € pour le veau rosé clair O en moyenne 2018]. C’est énorme. Cela complique d’autant plus la situation que le prix de revient est en hausse du fait de l’augmentation des coûts de l’aliment. L’ensemble de la filière est inquiète. Il y a beaucoup de reports. Les carcasses s’alourdissent. Il faut remonter à loin pour retrouver une situation aussi dégradée. »

La reprise risque d’être moins vigoureuse

La reprise des cours des veaux nourrissons au printemps sera moins vigoureuse car les intégrateurs limitent les mises en place en attendant que les excédents se résorbent. « Les prix des jeunes veaux restent relativement bas, admet Sébastien Augé. Cette année, dans toute la filière, les bilans vont être très mauvais. Si, demain, nous ne sommes plus là, les petits veaux se vendront encore moins cher. » Et l’intégrateur d’afficher le prix d’achat des veaux à l’entrée des ateliers d’engraissement : 140 € en moyenne en 2018 pour les frisons et les croisillons laitiers, 410 € pour des croisés supérieurs et 280 € pour de bons croisillons. Il regrette aussi la dégradation des taux de mortalité qui renchérit ce prix de revient, ainsi que le développement du croisement, qui ne correspond pas aux besoins du marché. « Nous avons la volonté de maintenir le marché du veau de boucherie, assure-t-il. Nous sommes dans une année charnière. Il est à espérer que les Pays-Bas parviendront à ouvrir de nouveaux marchés à l’export autres que la France et que les consommateurs français plébisciteront la viande de veau française. »

« La Turquie achetait en Espagne des jeunes bovins montbéliards, donc des veaux français. Les engraisseurs en mettent un peu moins en place et sont moins enclins à les payer cher. » Germain Milet, Service économie des filières - GEB - Idele

« Le croisement est une forme de revalorisation du petit veau, mais ce n’est pas tenable dans le temps car il coûte trop cher à produire et ne répond pas forcément à la demande. » Sébastien Augé, Denkavit

Le dynamisme du marché espagnol devrait perdurer

° Les exportations de veaux nourrissons dépendent totalement du marché espagnol qui achète près de 95 % des veaux français exportés. " Elles ne représentent que 12 % des débouchés mais elles sont cruciales pour l’équilibre du marché ", analyse l'Institut de l'élevage. En 2018, elles ont battu tous les records (+36 % par rapport à 2016). Quelque 261 000 veaux ont franchi les Pyrénées, représentant plus de la moitié des importations espagnoles de petits veaux. En très forte progression tout au long du premier semestre, elles ont ralenti depuis août dernier, mais restent à des niveaux élevés. Un coup de frein provoqué par « la crise monétaire en Turquie qui a fortement pénalisé les exportations espagnoles de jeunes bovins vivants », indiquent les experts de l’Idele.

° Depuis deux ou trois ans, la filière espagnole d’engraissement de jeunes bovins fait preuve d’un incroyable dynamisme, portée par un fort développement des exportations, notamment vers les pays du pourtour méditerranéen. Le tiers de la production est exporté, en vif ou en viande. La consommation intérieure se rétablit également. Les engraisseurs espagnols sont très compétitifs. Si la filière a subi un coup de mou ces derniers mois, elle n’a pas dit son dernier mot. La réouverture du marché turc aux animaux vivants peut avoir lieu à tout moment, mais elle est totalement imprévisible.

° Les principales zones d'engraissement sont indemnes de FCO, ce qui facilite les exportations espagnoles. Un statut que la filière tient à préserver. D’où les exigences vis-à-vis de la France (désinsectisation et PCR). La détection de nombreux veaux positifs à l’automne dernier a contribué aussi à freiner les exportations. « Les autorités sanitaires espagnoles demandent à la France de mettre en place la vaccination, comme eux l’ont fait, car ils veulent rester indemnes, indique Henri Gouzenne, coprésident de la commission export de la FFCB (Fédération des commerçants en bestiaux). On finira par y arriver, en priorité pour le cheptel laitier. On n’aura pas le choix si on veut continuer à exporter. » « Un blocage des exportations [NDLR : pour cause de FCO] aurait de lourdes conséquences. La collecte d’une partie des veaux dans les fermes laitières serait probablement impossible », prévient l’institut de l'élevage.

Trop de croisement ?

Le développement du croisement n’est pas du goût des intégrateurs. En 2018, la part d’animaux croisés lait-viande dans les abattages de veaux gras a atteint 28 % (+17 % par rapport à 2013) et la part de veaux de race laitière a régressé à 55 %. « Les besoins pour le marché français du veau de boucherie sont grosso modo les suivants : 5 % de U, 15 % de R, 60 % de O, 20 % de P, explique Sébastien Augé, de Denkavit. Avec les croisements, l’offre monte à 25 voire 30 % de veaux R. Les abattoirs n’ont pas forcément les débouchés pour cette marchandise et préfèrent avoir plus de veaux standards O ou P pour répondre à la demande de viande hachée. » « La cotation du veau de boucherie O est dégradée depuis six mois et celle du veau R est en baisse depuis deux ans car ils n’ont pas trouvé leur marché : ils sont un peu trop bons pour la grande distribution et pas assez bons pour la boucherie traditionnelle, confirme Germain Milet, d’Idele. Les intégrateurs se plaignent aussi des croisés parce qu’ils sont hétérogènes en qualité. Par contre, ils s’exportent bien vers l’Espagne. »

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