Revenu : « Nous consolidons la ferme avec plus de lait par vache, par travailleur et par hectare dans la Manche »
Le Gaec 2 l’oiselière, dans la Manche, est passé depuis la fin des quotas de 800 000 litres à 2,7 millions de litres de lait produit, tout en améliorant la productivité des moyens de production. Cette efficacité libère du temps et améliore les résultats économiques.
Le Gaec 2 l’oiselière, dans la Manche, est passé depuis la fin des quotas de 800 000 litres à 2,7 millions de litres de lait produit, tout en améliorant la productivité des moyens de production. Cette efficacité libère du temps et améliore les résultats économiques.








« Nous sommes passionnés par notre métier, mais nous voulons bien en vivre, et bien le vivre. L’aspect pénibilité et temps de travail sont donc aussi importants que l’aspect revenu », plantent d’emblée Michel Marie et son fils Robin, associés du Gaec 2 l’oiselière, à Villebaudon dans la Manche.
Bridés par les quotas, les éleveurs voulaient depuis longtemps se concentrer sur les vaches laitières et produire plus de lait. À tel point qu'en 2009, les associés de l’époque avaient prévu large en construisant une nouvelle salle de traite 2x12, une nurserie, puis une nouvelle fosse à lisier. Cette phase d’agrandissement, avec beaucoup d’autoconstruction, a duré quatre ans. En parallèle, le Gaec a arrêté les bœufs, les taurillons, les génisses à viande et les pommiers à cidre.
La spécialisation en lait jusqu’au bout
La ferme prend alors un gros tournant. Entre 2015 et aujourd’hui, une extension du bâtiment des vaches taries et des génisses et de la stabulation des laitières a permis de passer de 90 à 230 vaches traites. Dans le même temps, toutes les surfaces de grandes cultures ont été converties en surfaces fourragères. Et tous les travaux des champs ont été délégués.
Fiche élevage
2 associés et 4 salariés
175 ha dont 118 ha de maïs fourrage, 42 ha de prairies permanentes et 10 ha d’une association ray-grass-trèfle
250 prim'Holstein
10 600 kg de lait à 39,9 de TB et 33 de TP
195 000 cellules/ml
396 jours d’IVV
« Nous passions beaucoup de temps dans les champs et avions notre propre matériel. Avec ces changements, nous n’allons quasiment plus dans nos champs et ne détenons quasiment que du matériel d’élevage : désileuse automotrice, tracteur de ferme… » Aujourd’hui, les bâtiments sont pleins et le plan d’épandage est au maximum. Les éleveurs estiment être arrivés au bout de l’agrandissement.

La traite est déléguée aux salariés
Cette taille de cheptel a permis à Michel et Robin Marie d’embaucher quatre salariés. « Nous sommes complètement libérés de la traite, qui est facile à déléguer avec de bons protocoles. Les salariés nous épaulent sur toutes sortes de travaux. Nous pouvons ainsi nous concentrer sur le calage et la préparation des rations, l'observation les animaux pour anticiper les problèmes, le suivi de la reproduction et l’insémination que je réalise moi-même depuis huit ans, le suivi des génisses et des fraîches vêlées… », énumère Robin, qui ajoute que « avoir du temps permet aussi d’être en mesure de saisir le bon moment pour acheter les matières premières pour l’alimentation des animaux, ou pour s’informer et comparer les offres commerciales avant d’investir dans un système de ventilation et de douchage des vaches ».
Valoriser au maximum les moyens de production
« Arriver à 250 vaches hautes productrices n’était pas prévu dès le départ. Notre stratégie s’est construite au fur et à mesure, en travaillant les facteurs limitants – parcellaire, alimentation, confort… – pour que les moyens de production soient employés efficacement et améliorer ainsi la marge », analyse Michel avec le recul. Aujourd’hui, la productivité des facteurs de production est très élevée : 450 000 litres par unité de main-d’œuvre, plus de 15 000 litres par hectare de SFP, et la production par vache est passée de 8 600 litres à plus de 10 500 litres par vache et par an.
Pour une bonne efficacité de la main-d’œuvre, tous les animaux sont sur un même site, les silos sont au milieu des stabulations, et les bâtiments sont fonctionnels.
Une alimentation simple pour « des Ferrari »
En plus du croît interne, pour augmenter rapidement les effectifs du troupeau avec des vaches performantes, les associés, passionnés de génétique, ont acheté des vaches dans des élevages bien conduits avec un haut niveau génétique. Robin Marie suit la reproduction et réalise les choix d’accouplement avec des taureaux améliorateurs en lait et en taux, tout en veillant aux index morphologiques.
Pour faire de leurs vaches « des Ferrari », Michel et Robin ont actionné différents leviers comme le passage du pédicure tous les quinze jours pour le parage préventif de toutes les taries et les parages curatifs à effectuer, ou une alimentation simple mais très régulière et ajustée en fonction de l’analyse des fourrages.
« Il y a quatre ans, les vaches traites avaient accès à plus de surface en herbe mais les changements d’alimentation les perturbaient malgré les transitions. Nous avons donc préféré réduire la surface de la prairie à une dizaine d’hectares ; c’est devenu un parcours extérieur », indique Robin. Ainsi, la ration mélangée est la même toute l’année, calée pour une production de 31 litres de lait : 43 kg bruts d’ensilage de maïs, 7 kg d’ensilage d’herbe, 500 g de foin, 3,5 kg de tourteau de colza, 2 kg de tourteau de soja, 3 kg de maïs épi et des minéraux. Au DAC, du tourteau de colza tanné au tanin de châtaignier peut monter jusqu’à 2 kg pour les plus hautes productrices.
Les tourteaux viennent directement du port
Pour les autres animaux, la simplicité et l’emploi des matières premières sont de mise également. Les veaux ont de la poudre de lait entier et du maïs grain acheté. Les génisses reçoivent du maïs ensilage, un mélange blé-colza 50-50 en granulé, des minéraux, et de la paille, achetée, à volonté. Les génisses et les taries ont accès à des prairies attenantes à la stabulation.
Le seul luxe est l’apport d’huile de foie de morue (4 000 € par an), réalisé en préventif pour tous les animaux, deux fois par an. L'objectif est de soutenir l’immunité et la croissance osseuse, via l’apport d’oméga 3, de vitamines A et D. « Nous voyons le résultat dans le tank. »
Pour le reste, les éleveurs recherchent la maîtrise du coût des concentrés. Ils visent des ensilages d’herbe de qualité pour réduire la complémentation. Pour les concentrés, ils ne travaillent qu’avec des matières premières achetées. Les volumes importants leur permettent d'acheter du tourteau de colza ou de soja directement du port par camion entier, sans intermédiaire, avec des contrats à prix bloqué, ce qui permet d’obtenir des prix intéressants : 331 €/t pour du tourteau de colza acheté en septembre 2024. Le mélange blé-colza en granulé est réalisé à façon par une coopérative, à partir de matières premières achetées aussi sous contrat.
Le confort des bâtiments amélioré
Depuis deux ans, Robin et Michel travaillent sur le confort des bâtiments pour leurs animaux, suite aux coups de chaleur plus fréquents et intenses de ces dernières années. « Lors de ces épisodes de canicule, les vaches ont perdu 4 à 6 litres de lait et nous avions jusqu’à deux tiers des vaches qui ne remplissaient pas. »
Après visites et comparaisons de devis, en 2024, Michel et Robin Marie ont enlevé une bonne partie des bardages en bois des façades nord et sud, et les remplacent par des grillages et rideaux brise-vent. Ils ont également fait installer des brasseurs d’air horizontaux dans la stabulation des vaches traites, et celle des génisses et des vaches taries.

Comme ils ne font pas les choses à moitié, un système de douches a aussi été installé dans la stabulation des laitières. Elles ne servent qu’entre dix et vingt jours par an, « mais elles sont indispensables si on ne veut pas baisser en lait et risquer de décaler la reproduction. »
Enfin, les éleveurs ont investi dans des tapis de couloir d’exercice car il y avait trop de glissades malgré un entretien par rainurage. Le Gaec est donc reparti pour un cycle de fortes annuités (plus de 200 000 €), mais Michel et Robin sont sereins : le système reste cohérent et consolidé, et ces investissements préparent l’avenir.
Plus de 2 800 euros de marge à la vache
Des produits non maximisés
En 2023, les produits de l’atelier lait du Gaec 2 l’oiselière s’élevent à 494 euros pour 1 000 litres (clôture septembre), dont 464 €/1 000 l de produit lait et 27 €/1 000 l de produit viande. La moyenne du groupe « élevages à plus de 800 000 litres vendus par an » se monte à 563 €. « Le groupe comporte beaucoup de fermes sous contrat avec des laiteries dont le prix du lait est plus élevé », nuance Jean-François Lebeurier, de Littoral normand. En outre, le Gaec ne cherche pas à maximiser les taux, ni le produit viande.
Des charges diluées par la production laitière
Le coût alimentaire total, 171 €/1 000 l, est meilleur que la moyenne du groupe (193 €), grâce à une bonne maîtrise du coût des concentrés (112 €, contre 133 € pour le groupe), et malgré un coût des fourrages supérieur à la moyenne (52 € versus 44 €). « Le coût des fourrages comprend tous les coûts – dont les charges de mécanisation et de main-d’œuvre – des travaux des champs puisqu’ils sont réalisés par l'ETA », explique Jean-François Lebeurier.
Les frais d’élevage et vétérinaires sont dans la moyenne du groupe, et devraient s’améliorer en 2024, suite à l’achat de tapis d’aire d’exercice, de brasseurs d’air et de douches, ainsi que de colliers de détection de chaleur et d’activité.
Une bonne marge brute à la vache, très bonne à l’hectare
La marge brute du Gaec atteignait 277 €/1 000 l, 2 840 €/vache laitière et 4 223 €/ha de SFP, contre 315 €/1 000 l, 2 545 €/VL et 3 319 €/ha SFP pour la moyenne du groupe.
Le Gaec fait la différence grâce à la dilution des charges de structure : 127 €/1 000 l, contre 162 € pour le quart le plus performant du groupe.
L’EBE s'élève à 386 000 € avant rémunération des associés, soit 150 €/1 000 l et 2 200 €/ha, avec un ratio EBE/produits de 30 %.
« Nos investissements ont anticipé de plusieurs années l’avenir, ce qui a pesé sur la trésorerie avant que nous n’arrivions à saturer les moyens de production », nuancent Michel et Robin Marie en présentant les bons résultats actuels.
Lever les facteurs limitants sur les terres
Sur les terres, le Gaec a réalisé un important travail d’amélioration des sols en installant du drainage, avec un impact sur les rendements fourragers : 12 t MS/ha d’ensilage et de foin pour l’herbe et 15,5 t MS/ha pour le maïs ensilage (variétés précoces). De nombreux aménagements du parcellaire ont fait gagner du temps lors des travaux des champs. C’est l’ETA qui les accomplit et elle facture au temps passé. Ce travail a donc permis de réduire le coût des fourrages.